Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 21NC01315, le 6 mai 2021, le préfet des Vosges demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 19 avril 2021 ;
2°) de rejeter la demande de M. E....
Il soutient que :
- c'est à tort que la magistrate désignée lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. E... dès lors qu'elle ne s'est pas prononcée sur les conclusions relatives au refus de séjour ;
- elle a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le refus de titre méconnaissait l'article L. 313-11 7°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a également fondé son obligation de quitter le territoire français sur le 7° de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, motif sur lequel la magistrate ne s'est pas prononcée ;
- dès lors que la cour confirmera la légalité du refus de séjour, elle confirmera la légalité de l'obligation de quitter le territoire français et de la décision fixant le pays de destination ;
- dès lors que la cour confirmera la légalité de l'obligation de quitter le territoire, elle confirmera la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français et de la décision refusant d'accorder à M. E... un délai de départ volontaire, lesquelles sont fondées sur la menace à l'ordre public et pour la dernière à la non-exécution de mesures d'éloignement ;
- l'introduction de l'instance contre laquelle il fait appel n'étant pas fondée, l'Etat ne peut pas supporter les frais irrépétibles d'un montant de 1 500 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 août 2021, M. E..., représenté par Me Géhin, conclut :
1°) au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) au rejet de la requête ;
3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- au regard de son intégration, la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-11 7°du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'erreur de fait et de qualification juridique des faits quant à la menace qu'il représenterait pour l'ordre public ;
- la menace à l'ordre public ne peut fonder ni un refus de titre de séjour, ni une obligation de quitter le territoire, ni une interdiction de retour dès lors qu'il dispose d'un casier vierge, n'a jamais été condamné, son comportement s'explique par la nécessité de riposter à des insultes proférées à l'encontre de sa mère décédée, la victime ne justifie d'aucune ITT et qu'il est lui-même victime d'une situation administrative complexe ;
- l'illégalité du refus de titre de séjour contesté entraîne par voie de conséquence l'annulation de l'obligation de quitter le territoire ;
- la mesure d'éloignement, au regard de la durée de sa présence sur le territoire, de son intégration et de ses liens familiaux méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la mesure d'éloignement contrevient à l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en tant qu'elle le prive de la possibilité d'être présent lors de son audience pénale ;
- l'interdiction de retour est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire ;
- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des faits de l'espèce ;
- elle n'est pas motivée e fait et en droit ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle est entachée d'erreur de fait sur ses garanties de représentation ;
- le trouble à l'ordre public n'est pas caractérisé
- La décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire.
Par un mémoire, enregistré le 27 août 2021 à 16h40, le préfet des Vosges conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens. Il n'a pas été communiqué.
II. Par une requête, enregistrée sous le n°21NC01316, le 6 mai 2021, le préfet des Vosges demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 19 avril 2021.
Il présente les mêmes moyens que dans sa requête n° 21NC01315.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2021, M. E..., représenté par Me Géhin, conclut :
1°) au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) au rejet de la requête ;
3°) à ce que soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi n°91-647 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que la requête en sursis est irrecevable faute de préciser son fondement ; aucune urgence n'est justifiée, qu'il renvoie à ses écritures de première instance quant au bien-fondé du moyen retenu par le premier juge.
Par un mémoire, enregistré le 27 août 2021 à 16h40, le préfet des Vosges conclut aux mêmes fins que dans la procédure n° 21NC01315. Il n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Ghisu-Deparis, présidente, a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré, présentée par M. E..., a été enregistrée le 1er septembre 2021.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant albanais né le 9 mars 1998, est entré sur le territoire français le 26 juin 2016, accompagné de sa mère, de son frère et de sa sœur, alors mineurs. Le 21 juillet 2016, il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par une décision du 23 octobre 2017, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 23 octobre 2018. Par une décision du 13 décembre 2018, le préfet des Vosges l'a obligé à quitter le territoire français. Le 17 juin 2020, M. E... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-10, L. 313-11, 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 9 juillet 2020, le préfet des Vosges a rejeté sa demande de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une décision du 28 septembre 2020, le préfet l'a assigné à résidence. Par un jugement du 2 octobre 2020, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé la décision du 28 septembre 2020 et réservé les conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020 ainsi que celles à fin d'injonction. Par un jugement en date du 2 octobre 2020, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision du 9 juillet 2020 portant refus de séjour. Par un arrêt en date du 6 juillet 2021, la Cour a annulé partiellement ce jugement, rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de l'arrêté du 9 juillet 2020 portant obligation de quitter le territoire, fixant le pays destination et lui interdisant le retour pendant deux ans et rejeté l'appel s'agissant du refus de titre de séjour. Par un arrêté du 12 avril 2021, le préfet des Vosges a, à nouveau, refusé de délivrer à M. E... un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il sera éloigné et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. A la suite du placement en rétention administrative de M. E..., la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy, par un jugement du 19 avril 2021, a annulé l'arrêté du 12 avril 2021 en tant qu'il l'oblige à quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination et lui interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a réservé les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, lui a enjoint de délivrer une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Géhin de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de l'admission définitive de l'intéressé à l'aide juridictionnelle, ou à M. E..., dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée. Le préfet des Vosges fait appel de ce jugement et demande, en outre, qu'il soit sursis à son exécution par deux requêtes qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, susvisée : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée (...) par la juridiction compétente ou son président ".
3. Dans les circonstances particulières de l'espèce, il y a lieu de prononcer, pour les deux instances visées par le présent arrêt, l'admission de M. E..., à titre provisoire, au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application des dispositions précitées de la loi du 10 juillet 1991.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) ". Aux termes du 7° de l'article L. 313-11 du même code : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) ".
5. M. E..., célibataire et sans enfant, est entré sur le territoire français le 26 juin 2016, accompagné de sa mère, de son frère et sœur nés en 2005 et 2000. Il fait valoir qu'il est bien intégré en France où il a été scolarisé, qu'il a obtenu un baccalauréat professionnel, spécialité " métiers de l'électricité et de ses environnements connectés ", en juin 2020, qu'il dispose d'une promesse d'embauche en qualité d'agent d'accueil pour une durée de travail hebdomadaire de quatre heures et qu'il s'occupe de ses frère et sœur depuis le décès de leur mère en mars 2017 et la condamnation pénale de leur père pour violence. Il ressort cependant des pièces du dossier qu'à la suite d'une plainte formée par sa sœur en juin 2020 à l'encontre de M. E..., pour des faits de vol et de violence volontaire, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ont été contraints de transférer celle-ci ainsi que leur petit frère dans un centre de demandeur d'asile en Moselle, pour les protéger du requérant. M. E..., par la simple production de textos non traduits, n'établit nullement la réalité et l'intensité des liens qu'il entretiendrait encore avec sa fratrie. En outre, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales en Albanie où il a résidé jusqu'à l'âge de dix-huit ans. Il fait par ailleurs l'objet d'une procédure pénale pour des faits de violence avec arme commis le 9 avril 2021 qu'il a reconnus. Dans ces conditions, compte tenu de la durée et des conditions de séjour de l'intéressé en France, et en dépit des efforts d'intégration réalisés par ce dernier, qui doivent être nuancés par ses actes de violence, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels la décision de refus de titre de séjour a été prise. Par suite, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile du refus de titre de séjour doit être écarté.
6. En second lieu, il ressort de termes de la décision attaquée que l'obligation de quitter le territoire était non seulement fondée sur le refus de titre séjour mais également sur le fondement de l'article L. 511-1 I 7°° qui permet au préfet de prendre une mesure d'éloignement si " le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ". Or, il ne ressort pas des termes du jugement contesté que ce motif ait été sanctionné alors qu'il était de nature à lui seul à justifier la décision contestée.
7. Il suit de là que le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'obligation de quitter le territoire au seul motif de l'exception d'illégalité du refus de séjour.
8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Nancy et devant la cour.
Sur les autres moyens soulevés par M. E... :
S'agissant, par la voie de l'exception de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour :
9. En premier lieu, la décision attaquée est signée par M. A... C..., sous-préfet de Neufchâteau, qui disposait d'une délégation de signature à cette fin, consentie par un arrêté préfectoral du 18 janvier 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture des Vosges du même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte attaqué manque en fait et doit être écarté.
10. En deuxième lieu, la décision contestée vise les textes dont il est fait application, et notamment les articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et énoncent les éléments propres à la situation de M. E... justifiant qu'il ne soit pas fait à sa demande de titre de séjour. Ainsi, la décision contestée est suffisamment motivée.
11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet des Vosges n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. E....
12. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
13. En présence d'une demande de régularisation présentée sur le fondement de ces dispositions par un étranger qui ne serait pas en situation de polygamie et dont la présence en France ne présenterait pas une menace pour l'ordre public, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat de travail ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des " motifs exceptionnels " exigés par la loi. Il appartient, en effet, à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément de sa situation personnelle dont l'étranger ferait état à l'appui de sa demande, tel que l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
14. M. E..., entré en France en juin 2016, se prévaut de la durée de son séjour habituel, de sa scolarisation au cours de l'année 2018/2019 dans un lycée professionnel à Remiremont, de l'obtention d'un bac professionnel spécialité " métiers de l'électricité et de ses environnements connectés " en juin 2020, de la réalisation de stages au cours de l'année 2019, au sein de l'entreprise Suchetet et de la mairie de Gérardmer, d'une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée pour un poste d'agent d'accueil auprès de la société Tisserant. Toutefois, hormis la durée de sa présence en France, qui ne résulte que de la non-exécution de la mesure d'éloignement dont il a fait l'objet en 2018, et ses efforts d'intégration, le requérant ne justifie d'aucune considération humanitaire ou motif exceptionnel justifiant qu'il soit fait droit à sa demande de régularisation. Il n'établit pas être particulièrement inséré au sein de la société française ou y avoir tissé des liens importants alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il entretiendrait encore des relations avec son frère et sa sœur, placés dans un autre centre pour demandeur d'asile par l'Office français de l'immigration et de l'intégration afin de les éloigner du requérant par mesure de sécurité et qu'il est convoqué le 7 octobre 2021 devant le tribunal judiciaire d'Epinal pour jugement des faits de violence avec arme commis le 9 avril 2021. C'est, par suite sans erreur manifeste d'appréciation que le préfet des Vosges lui a refusé le bénéfice des dispositions précitées.
15. En cinquième lieu, M. E... ne peut, à l'appui de la contestation du refus de titre de séjour, pas utilement soutenir que son comportement ne représente pas une menace pour l'ordre public et que le préfet aurait commis une erreur de fait et une erreur dans la qualification juridique des faits sur ce point dès lors que le préfet ne s'est pas fondé sur ce motif pour rejeter sa demande de titre de séjour.
16. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points n°5 et 13, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. E....
17. Il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour de l'arrêté contesté n'est pas entaché d'illégalité.
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
18. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour à l'appui des conclusions tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
19. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 5, le préfet des Vosges n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
20. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier d'une part que la sœur et le frère du requérant ont dû être changés de lieu d'hébergement qu'ils occupaient en qualité de demandeur d'asile au motif notamment du caractère violent de M. E... à leur égard et d'autre part que ce dernier fait actuellement l'objet d'une procédure pénale pour une agression au couteau qu'il a reconnue. Au regard de ces faits, c'est par une exacte application des dispositions du 7° de l'article L. 511-1 I que le préfet des Vosges a pu prononcer à l'encontre de M. E..., dont le comportement, alors même qu'il n'a fait l'objet d'aucune condamnation, constitue une menace à l'ordre public, une obligation de quitter le territoire français.
21. En dernier lieu, aux termes de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice ". Il résulte de ces stipulations que, par principe, les décisions de justice sont rendues de manière contradictoire, c'est-à-dire en présence des parties ou des personnes habilitées à les représenter. Ainsi toute personne ayant un intérêt à défendre doit pouvoir être présente ou valablement représentée lors du procès. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. E..., ayant reçu une convocation en justice à une audience le 7 octobre 2021, se trouve dans l'incapacité de s'y faire représenter pour y faire valoir ses arguments, dès lors que la représentation par ministère d'avocat y est admise. Par suite le moyen tiré de la violation du droit à un procès équitable tel que consacré par les stipulations de l'article 6 précitées doit être écarté.
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
22. Il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
S'agissant de la décision de refus de délai de départ volontaire :
23. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
24. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 1° Si le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ".
25. D'une part, contrairement à ce que M. E... soutient, la non-exécution d'une précédente mesure d'éloignement suffit à justifier le refus de délai de départ volontaire, en application des dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
26. D'autre part, à supposer que le comportement de M. E... ne soit pas une menace à l'ordre public, ce qui est inexact au regard de ce qui a été dit au point 20 du présent arrêt, la décision contestée a été prise notamment au motif que deux précédentes mesures d'éloignement n'ont pas été exécutées. Ce seul motif suffisait à justifier la décision lui refusant un délai de départ volontaire.
27. En dernier lieu, M. E... ne peut pas utilement soutenir que le préfet a commis une erreur de fait s'agissant des garanties de représentation dont il dispose dès lors que le préfet n'a pas fondé sa décision de refus de délai de départ volontaire sur ce motif.
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
28. Aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " III. - L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée aux premier, sixième et septième alinéas du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l'interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
29. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ne peut qu'être écarté.
30. En deuxième lieu, il ressort des termes de la décision contestée que le préfet des Vosges, pour prononcer à l'encontre de M. E... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, a précisé, après avoir rappelé les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les considérations de faits qui fondent sa décision. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision contestée doit être écarté.
31. En troisième lieu, M. E... ne fait état d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que le préfet ne prononce pas à son encontre une interdiction de retour.
32. En quatrième lieu, M. E... s'est soustrait à au moins une précédente mesure d'éloignement. Par ailleurs, il n'est entré en France qu'en 2016, il est célibataire et sans enfant et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. En outre, il n'établit pas l'intensité de ses liens avec son frère et sa sœur, qui ont été éloignés du requérant pour les protéger de son comportement violent. Ainsi qu'il a été dit, ce dernier ne démontre pas que depuis cette séparation, les relations se seraient apaisées entre eux. Enfin, il est convoqué le 7 octobre 2021 devant le tribunal judiciaire d'Epinal pour jugement de faits de violence avec arme. Dans ces conditions, le préfet, en prononçant à l'encontre du requérant, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans, n'a commis ni erreur de fait, notamment quant à la menace de son comportement à l'ordre public, ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation.
33. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point n°5, la décision litigieuse ne méconnait pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
34. Il résulte de tout de ce qui précède que le préfet des Vosges est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy a annulé l'arrêté du 12 avril 2021 en tant qu'il oblige M. E... à quitter le territoire français sans délai, fixe le pays de destination et lui interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, a enjoint au préfet des Vosges de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le versement à Me Géhin de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de l'admission définitive de l'intéressé à l'aide juridictionnelle, ou à M. E..., dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, et a demandé l'annulation des articles 4 à 7 de ce jugement.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué :
35. Le présent arrêt statue sur les conclusions du préfet des Vosges tendant à l'annulation du jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy du 19 avril 2021. Par suite, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête ci-dessus visée par lesquelles le requérant demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement.
Sur les frais liés aux instances :
36. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du requérant tendant au bénéfice d'une somme au titre des frais exposés par lui, l'Etat n'étant pas partie perdante aux instances.
D E C I D E :
Article 1er : M. E... est admis, au titre des instances 21NC01315 et 21NC01316, au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Les articles 4 à 7 du jugement du 19 avril 2021 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nancy sont annulés.
Article 3 : La demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif de Nancy et les conclusions présentées en appel au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 4 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 21NC01316 du préfet des Vosges à fin de sursis à exécution du jugement du 19 avril 2021.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Vosges.
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N° 21NC01315, 21NC01316