Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 4 août 2015, Mme B...épouseC..., représentée par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 janvier 2015 ;
2°) d'annuler la décision du préfet du Doubs du 23 avril 2013 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Doubs d'autoriser le regroupement familial sollicité dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de procéder au réexamen de sa demande de regroupement familial dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée ;
- le préfet s'est estimé à tort en situation de compétence liée ; même si elle ne disposait pas des ressources suffisantes pour solliciter une mesure de regroupement familial, le préfet devait s'interroger sur l'atteinte que causait sa décision à son droit à une vie familiale normale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision litigieuse méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 novembre 2015, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B...épouse C...ne sont pas fondés.
Mme B...épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 mai 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Tréand, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième. Ces dispositions ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l'allocation aux adultes handicapés mentionnée à l'article L. 821-1 du code de la sécurité sociale ou de l'allocation supplémentaire mentionnée à l'article L. 815-24 du même code ;(...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes ; - cette moyenne majorée d'un dixième pour une famille de quatre ou cinq personnes ; - cette moyenne majorée d'un cinquième pour une famille de six personnes ou plus. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;
2. Considérant que si l'autorité administrative peut légalement rejeter une demande de regroupement familial sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, elle ne peut le faire qu'après avoir vérifié que, ce faisant, elle ne porte pas une atteinte excessive au droit du demandeur au respect de sa vie privée et familiale, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3. Considérant qu'il ressort de la décision attaquée du 23 avril 2013 que pour refuser à Mme B...épouse C...le bénéfice du regroupement familial en faveur de son époux, le préfet du Doubs s'est fondé sur le caractère insuffisant des ressources de l'intéressée au cours des douze mois précédant sa demande ; que si le préfet du Doubs pouvait légalement fonder sa décision sur ce motif, il ne se trouvait pas en situation de compétence liée et il lui appartenait de procéder à un examen de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des incidences de son refus sur la situation de Mme B...épouse C...au regard de son droit au respect de sa vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'en se bornant à énoncer dans sa décision le motif ci-dessus analysé, sans autre précision ni élément circonstancié tenant à la situation familiale de la requérante, le préfet du Doubs s'est, à tort, estimé lié par l'insuffisance des ressources de l'intéressée pour rejeter la demande dont il était saisi ; qu'il a méconnu l'étendue de son pouvoir d'appréciation ; que, dès lors, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, Mme B...épouse C... est fondée à soutenir que la décision en litige du 23 avril 2013 est entachée d'une erreur de droit ;
4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...épouse C...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande d'annulation de cette décision ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant d'un délai d'exécution. " ; qu'aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ; que selon les dispositions de l'article L. 911-3 : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. " ;
6. Considérant que le présent arrêt n'implique pas, eu égard au motif sur lequel il se fonde pour annuler la décision attaquée du 23 avril 2013, que le préfet du Doubs accorde à Mme B...épouse C...le bénéfice du regroupement familial en faveur de son époux ; que les conclusions à fin d'injonction présentées en ce sens doivent donc être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Doubs de se prononcer à nouveau sur la demande de regroupement familial présentée par l'appelante dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction de l'astreinte demandée par Mme B...épouseC... ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :
7. Considérant que Mme B...épouse C...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à Me Bertin, avocate de la requérante, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ;
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 27 janvier 2015 et la décision du 23 avril 2013 par laquelle le préfet du Doubs a rejeté la demande de regroupement familial présentée par Mme B...épouse C...sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de réexaminer la demande de regroupement familial présentée par Mme B...épouse C...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin, avocate de Mme B...épouseC..., sous réserve qu'elle renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme B...épouse C... et au préfet du Doubs.
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N° 15NC01744