Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 18 août et 8 décembre 2015 ainsi que le 25 janvier 2016, M.A..., représenté par Me Bertin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Doubs du 30 octobre 2014 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, immédiatement, un récépissé avec droit au travail dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Doubs de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Bertin, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté est entaché d'erreur de fait ; le préfet a mentionné à tort qu'il ne disposait pas d'attaches privées et/ou familiales en France ;
- le préfet du Doubs a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet du Doubs devait lui délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; d'une part, le médecin de l'agence régionale de santé ayant rendu un avis favorable à la délivrance d'un titre séjour, le préfet a méconnu l'esprit de la loi tel qu'il ressort des débats parlementaires en lui refusant ledit titre ; d'autre part, le traitement de sa spondylarthrite ankylosante n'est pas disponible au Cameroun ; le préfet n'a pas démontré cette disponibilité.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2015, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 23 juillet 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Tréand, président, a été entendu au cours de l'audience publique.
Sur les conclusions à fins d'annulation :
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;
2. Considérant que M.A..., ressortissant camerounais, souffre d'une spondylarthrite ankylosante diagnostiquée en octobre 2013 qui nécessite une biothérapie ; que, le 6 mars 2014, il a sollicité du préfet du Doubs la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il était alors régulièrement hospitalisé au centre hospitalier régional et universitaire Jean Minjoz de Besançon et bénéficiait d'un traitement composé de cures d'AINS et d'injections d'Aredia ; que, par un avis daté du 17 juillet 2014, le médecin de l'agence régionale de santé (ARS) de Franche-Comté a indiqué que l'état de santé de M. A... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine ; que si la " fiche pays " relative au Cameroun, établie par l'organisation internationale des migrations et datant de 2006, indique que l'offre de soins pour traiter la spondylarthrite ankylosante existe, bien qu'elle soit insuffisante, la position du médecin de l'ARS est confirmée par les nombreuses attestations produites au dossier par l'appelant et notamment par celle émanant d'un médecin rhumatologue de l'hôpital central de Yaoundé qui indique que le traitement médicamenteux suivi par M. A...n'est pas disponible au Cameroun ; que, par ailleurs, pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité par M. A... et considérer que l'intéressé pouvait bénéficier d'un traitement approprié au Cameroun, le préfet du Doubs s'est fondé sur un élément non probant à savoir une succincte réponse datée du 25 novembre 2013 émanant d'un agent du service des visas de l'ambassade de France à Yaoundé, formulée suite à une interrogation du préfet de la Côte d'Or, indiquant que le Cameroun disposait d'une offre de soins suffisante pour traiter les maladies psychiatriques, pathologie dont ne souffre pas à titre principal l'appelant ; qu'ainsi, le préfet du Doubs ne démontre pas l'existence, à la date de la décision contestée, de soins appropriés à l'état de santé de M. A...dans son pays d'origine ; que, dès lors, il a méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant à M. A...le titre de séjour " étranger malade " qu'il sollicitait ; que ce refus encourt l'annulation ; que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi doivent également être annulées ;
3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Besançon a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. Considérant que l'annulation de l'arrêté en litige implique nécessairement, eu égard au motif qui la fonde et en l'absence de changement allégué dans la situation de M. A..., que lui soit délivré un titre de séjour ; qu'il convient dès lors d'enjoindre au préfet du Doubs de lui délivrer ce titre dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
5. Considérant que M.A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertin, avocate de M.A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Bertin de la somme de 1 500 euros ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Besançon du 17 mars 2015 et l'arrêté du préfet du Doubs du 30 octobre 2014 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Doubs de délivrer à M. A...un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Bertin, avocate de M.A..., une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Bertin renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet du Doubs.
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N° 15NC01840