Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 28 août 2015, la société Halasol et MeC..., mandataire judiciaire, représentés par Me A...de la SCP Lemoult-A..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 16 juin 2015 ;
2°) d'annuler la décision de résiliation du marché du 9 août 2013 ;
3°) de mettre à la charge de la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois et de l'Aube le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la décision de résiliation est entachée d'un défaut de motivation ;
- cette décision a été prise par une autorité incompétente ;
- la société n'a pas pu présenter utilement ses observations dans un délai suffisant sur la décision de résiliation envisagée ;
- cette décision est injustifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 avril 2016, la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois et de l'Aube, représentée par MeB..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société Halasol, représentée par son mandataire judiciaire, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est irrecevable en l'absence de l'énoncé précis et circonstancié des motifs de contestation de la décision en litige ;
- la demande de première instance tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision de résiliation est irrecevable dès lors que la société n'est pas un tiers au marché ;
- la décision de résiliation est justifiée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour la société Halasol et Me C...ainsi que celles de Me B...pour la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois et de l'Aube.
1. Considérant que, par une convention de mandat du 25 juin 2010, la commune de La Chapelle-Saint-Luc a confié à la société SEDA, devenue la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois et de l'Aube (SIABA), la maîtrise d'ouvrage déléguée de l'opération de construction d'une maison de quartier au sein de la commune ; que par un marché du 13 octobre 2011, la société Halasol a été chargée de réaliser le lot n°10 " Carrelage-Faïence " pour un montant de 86 093,17 euros hors taxes ; qu'au mois d'août 2013, la commune a résilié pour faute le marché conclu avec la société Halasol ; que la société Halasol et MeC..., mandataire judiciaire de la société désigné à la suite de l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Troyes du 4 juin 2013, relèvent appel du jugement du 16 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision de résiliation du marché ;
Sur la recevabilité de la demande première instance :
2. Considérant que le juge du contrat, saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, peut seulement, en principe, rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité ; que, toutefois, une partie à un contrat administratif peut, eu égard à la portée d'une telle mesure d'exécution, former devant le juge du contrat un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation de ce contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles ; que la demande de la société Halasol doit être regardée comme contestant la validité de la mesure de résiliation du marché et tendant à la reprise des relations contractuelles ;
Sur la validité de la mesure de résiliation :
3. Considérant qu'il incombe en principe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, de rechercher si cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé et, dans cette hypothèse, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité ; que, toutefois, dans le cas où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, qui le conduirait, s'il était saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, à prononcer, après avoir vérifié que sa décision ne porterait pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou son annulation, il doit, quels que soient les vices dont la mesure de résiliation est, le cas échéant, entachée, rejeter les conclusions tendant à la reprise des relations contractuelles ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la décision de résiliation du marché n'a pas été prise par la SIABA par un courrier du 9 août 2013, lequel s'est borné à informer la société Halasol de la décision de résiliation du marché prise à son encontre par le maire de la commune de La Chapelle-Saint-Luc le 7 août 2013, qui était jointe à ce courrier ;
5. Considérant, en premier lieu, qu'une mesure de résiliation est une décision concernant l'exécution d'un contrat et que le pouvoir de résiliation n'appartient qu'au maître de l'ouvrage y compris en cas de maîtrise d'ouvrage déléguée ; qu'aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) 4° De prendre toute décision concernant [...] l'exécution et le règlement des marchés et des accords-cadres (...) " ; qu'il résulte de l'instruction que par une délibération du 9 novembre 2011 le conseil municipal de la commune de La Chapelle-Saint-Luc a délégué au maire la prise de toute décision relevant des dispositions susmentionnées ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le maire n'était pas l'autorité compétente pour prendre la décision de résiliation en litige du 7 août 2013 doit être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - infligent une sanction " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la décision en litige du 7 août 2013, portée à la connaissance de la société Halasol par un courrier de la SIABA du 9 août 2013, en sa qualité de maître d'ouvrage délégué, mentionne que les chapes réalisées par la société Halasol, titulaire du lot n° 10 " Faïence-carrelage ", ne comportent pas la teneur en ciment imposée par le cahier des clauses techniques particulières du marché (CCTP) et qu'à la suite du constat du 17 juillet 2013 établi par Ginger Cebtp, révélant les malfaçons, l'entreprise a été mise en demeure le 19 juillet 2013 de reprendre l'intégralité des chapes du rez-de-chaussée à l'exception des zones carrelées dans un délai de quinze jours ; que la décision contestée indique également qu'il ressort du constat établi par le maître d'oeuvre le 6 août 2013 que l'entreprise n'a pas donné suite à cette mise en demeure et que la résiliation pour faute doit être prononcée aux frais et risques du titulaire au titre de l'article 10 du cahier des clauses administratives particulières du marché ; que, par suite, la décision de résiliation attaquée comporte de manière suffisamment précise les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et notamment les griefs reprochés à la société Halasol ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision de résiliation du 7 août 2013 manque en fait et doit être écarté ;
8. Considérant, en troisième lieu, que selon l'article 46.3.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux auquel se réfère le cahier des clauses administratives particulières du marché : " Sauf dans les cas prévus aux g, i, k et l du 46.3.1 ci-dessus, une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par une lettre du 19 juillet 2013, une mise en demeure a été adressée à la société Halasol lui enjoignant de reprendre dans un délai de quinze jours l'intégralité des chapes du rez-de-chaussée hormis les zones carrelées à compter de la réception du courrier dès lors que le dosage de ciment de mortier de chape s'élève à 145kg/m3 alors que l'article 10.2.2.2 du cahier des clauses techniques particulières du marché indique que la chape doit être dosée à 350 kg par m3 de sable sec ; qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de ce délai, la société Halasol a présenté des observations orales lors d'un entretien avec le maître d'ouvrage délégué le 23 juillet 2013 ainsi que des observations écrites par lettre du 26 juillet 2013 en réponse à la mise en demeure ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la procédure préalable au prononcé de la mesure de résiliation aurait méconnu le droit à présenter des observations dans un délai raisonnable doit être écarté ;
10. Considérant, en dernier lieu, que selon l'article 46.3.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés de travaux auquel se réfère le cahier des clauses administratives particulières du marché : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : (...) c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'oeuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent (...) " ; que l'article 10.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché stipule que si le marché est résilié dans l'un des cas prévus aux articles 46.3 et 48.4 du CCAG, " le maître de l'ouvrage peut faire procéder par un tiers à l'exécution des prestations prévues par le marché aux frais et risques du titulaire, soit en cas d'inexécution par ce dernier d'une prestation qui, par sa nature, ne peut souffrir aucun retard, soit en cas de résiliation du marché prononcée pour faute du titulaire " ;
11. Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'à la suite du constat de malfaçons des chapes en ciment du rez-de-chaussée de l'ouvrage en juin 2013, un diagnostic du 17 juillet 2013 établi par le bureau d'études Ginger Cebtp à la demande du maître d'ouvrage délégué a révélé que le dosage du ciment de mortier de la chape s'élevait à 145kg/m3 ; que selon les stipulations de l'article 10.2.2.2 du CCTP, la chape devait être dosée à 350 kg/m3 de sable sec ; que compte-tenu de l'ampleur du manquement à son obligation contractuelle par un sous-dosage de l'ordre de 60 % ainsi que de l'objet du marché, la société Halasol a commis une faute d'une gravité suffisante pour justifier la mesure de résiliation en litige quand bien même il ne serait pas établi que la solidité de l'ouvrage serait compromise ; que, par ailleurs, la circonstance qu'aucune remarque ou réserve n'aurait été émise par les autres entreprises intervenantes lors du coulage de la chape au premier étage du bâtiment est sans incidence sur le bien fondé de la mesure de résiliation prononcée ; qu'en outre, le fait qu'il n'aurait pas été tenu compte de l'intervention d'une tierce société dans les travaux de ragréage menés à la suite de la pose de la chape par la société Halasol est dépourvu de tout lien avec la réalité du manquement constaté ; qu'enfin, il résulte de l'instruction que la société Halasol n'a accompli aucune démarche sur le chantier dans le délai de quinze jours imparti par la mise en demeure du 19 juillet 2013 et qu'elle ne saurait justifier de ce qu'elle était dans l'incapacité de les reprendre du seul fait que ses salariés étaient en congés au mois d'août ; que, par suite, doit être écarté le moyen tiré de ce que la société Halasol n'aurait pas commis une faute d'une gravité suffisante de nature à justifier la résiliation du marché à ses torts exclusifs ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête, que la société Halasol et Me C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois et de l'Aube qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Halasol et à Me C... une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois et de l'Aube présentées sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Halasol et de MeC..., mandataire judiciaire de la société, est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois et de l'Aube présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Halasol, à Me D...C..., mandataire judiciaire de la société Halasol, et à la société immobilière d'aménagement du Bar-sur-Aubois.
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N° 15NC02022