Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2016, M. B...E..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 octobre 2015 ;
2°) d'annuler l'arrêté précité du 13 mars 2015 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Moselle de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
Il soutient que :
- l'auteur de l'arrêté ne justifie pas bénéficier d'une délégation régulière de signature pour en être le signataire ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant refus de lui délivrer un titre de séjour " salarié " sur le fondement de l'article L. 313-10 du même code est entachée d'une erreur d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 décembre 2016, le préfet de la Moselle conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
M. B...E...été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 avril 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B...E..., ressortissant colombien né le 12 juin 1987, est entré en France le 25 novembre 2005 sous couvert d'un visa étudiant et a obtenu un titre de séjour en qualité d'étudiant, régulièrement renouvelé jusqu'au 14 octobre 2013 ; qu'il a sollicité, le 25 septembre 2013, un changement de statut afin d'obtenir un titre de séjour portant la mention salarié, sur le fondement du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en se prévalant de sa possible embauche en qualité de photographe industriel par un groupement d'employeurs, l'association Geccilor, et de sa future mise à disposition de la société Tenneco Automative Services ; que par un arrêté du 13 mars 2015, le préfet de la Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que M. B... E...relève appel du jugement du 29 octobre 2015 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions ;
Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :
2. Considérant que l'arrêté en litige a été signé par M. Carton, secrétaire général de la préfecture de Moselle, et non par MmeD..., qui s'est bornée à signer la lettre accompagnant les décisions contenues dans cet arrêté et détaillant les modalités prévues pour leur exécution et qui n'avait pas, pour ce faire, à détenir une quelconque délégation de signature régulièrement publiée ; que par un arrêté du 11 avril 2014, régulièrement publié le 14 avril 2014 au recueil des actes administratifs du département, le préfet de la Moselle a donné délégation à M. A...Carton, secrétaire général de la préfecture, pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports et correspondances relevant des attributions de l'État dans le département de la Moselle, à l'exception " des déclinatoires de compétence et arrêtés de conflit " et " des réquisitions de la force armée " ; que M. Carton était donc, par délégation du préfet de la Moselle, compétent pour signer les décisions portant refus de titre de séjour et les mesures d'éloignement prises à l'encontre des étrangers ; que la circonstance que l'arrêté contesté ne vise pas l'arrêté de délégation du 11 avril 2014 est sans influence sur sa légalité et que, par suite, le moyen tiré de ce qu'il aurait été pris par une autorité incompétente doit être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. Considérant, en premier lieu, que M. B...E...reprend, sans apporter d'élément nouveau, les moyens tirés de ce que le préfet aurait dû l'admettre au séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ne justifie pas davantage en appel qu'en première instance avoir présenté une demande de titre de séjour sur le fondement de ces dispositions ; que, dès lors, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée : 1° A l'étranger titulaire d'un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l'article L. 341-2 du code du travail (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 341-2 du code du travail, devenu son L. 5221-2 : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; /2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. " ; que selon l'article R. 5221-20 du même code : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / 1° La situation de l'emploi dans la profession et dans la zone géographique pour lesquelles la demande est formulée, compte tenu des spécificités requises pour le poste de travail considéré, et les recherches déjà accomplies par l'employeur auprès des organismes de placement concourant au service public du placement pour recruter un candidat déjà présent sur le marché du travail ; / 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 5221-21 dudit code : " Les éléments d'appréciation mentionnés au 1° de l'article R. 5221-20 ne sont pas opposables à une demande d'autorisation de travail présentée pour un étranger postulant à un emploi figurant sur l'une des listes mentionnant soit les métiers, soit les métiers et les zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement respectivement établies en application de l'article L. 121-2 et du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par arrêté conjoint des ministres chargés de l'emploi et de l'immigration. " ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour refuser de faire droit à la demande de titre de séjour de M. B...E..., le préfet de la Moselle s'est fondé sur l'avis des services de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Lorraine selon lequel la situation du marché de l'emploi permettait à l'employeur potentiel de M. B...E...de faire appel à la main d'oeuvre locale, dès lors que 92 demandeurs d'emploi y étaient inscrits fin juin 2014 en qualité de photographe industriel ; que si M. B...E...fait valoir qu'il possède une qualification spécifique lui permettant de réaliser des photographies à 360 ° et présente l'avantage d'être trilingue, il n'est pas établi, à supposer même que de telles compétences aient été requises par l'employeur en vue de pourvoir le poste proposé, qu'il était le seul à présenter de telles qualifications ; qu'au contraire, les termes mêmes de l'avis de la DIRECCTE révèlent que l'employeur avait justifié l'absence de recherche d'emploi au niveau local par le fait que M. B... E...avait déjà travaillé au sein de la société Tenneco Automative ; que dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;
7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...E..., célibataire et sans enfant, était âgé de 27 ans à la date de la décision attaquée ; que, s'il se prévaut de la présence en France de son frère, possédant un titre de séjour valable jusqu'au 24 novembre 2015, il ressort des pièces du dossier qu'il a vécu dans son pays d'origine jusqu'à ses 18 ans et n'a vécu régulièrement en France que pour y suivre ses études ; que, dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour en France de M. B...E..., celui-ci n'est pas fondé à soutenir que, par sa décision l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Moselle a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...E...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B...E...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. G...B...E...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.
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N° 16NC00927