Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 janvier 2017 et 26 octobre 2017, le syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource, représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 6 décembre 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Nomade devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;
3°) de mettre à la charge de la société Nomade le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la demande présentée par la société Nomade devant le tribunal administratif est irrecevable en l'absence de décision préalable liant le contentieux et, subsidiairement, en raison de son caractère tardif ;
- étaient irrecevables en première instance, comme présentés après l'expiration du délai de recours, le moyen tiré de ce que le montant de la prime mentionnée au règlement du concours correspond à des besoins d'un avant-projet sommaire ainsi que les moyens fondés sur les articles 38 et 74 du code des marchés publics ;
- le montant de la prime indiqué dans le règlement du concours procède d'une erreur ;
- le montant de la prime à prendre en compte est celui figurant dans l'avis d'appel public à la concurrence et déterminé conformément aux préconisations issues du " guide à l'intention des maîtres d'ouvrage public pour la négociation des rémunérations des maîtres d'oeuvres " ;
- l'indemnité réclamée par la société Nomade est supérieure au prix du marché pour la prestation, objet du concours, et son versement méconnaîtrait le III de l'article 74 du code des marchés publics, l'erreur constatée dans le règlement du concours quant au montant de la prime ne pouvant être source d'un droit au profit pour la société Nomade ;
- le règlement du concours a un caractère facultatif par rapport à l'avis d'appel public à la concurrence ainsi qu'il résulte des dispositions de l'article 42 du code des marchés publics ;
- ce règlement ne mentionnait pas des études correspondant à des missions d'un avant-projet sommaire mais à des études d'esquisse au sens des dispositions du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 17 mars 2017 et le 15 novembre 2017, la société Nomade, représentée par Me C...de la SELARL P. et A., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge du syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'oeuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me B...pour le syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource ainsi que celles de Mme A...pour la société Nomade.
1. Considérant que le syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource (SIDEVO) relève appel du jugement du 6 décembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser à la société Nomade une somme de 38 352 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2015 ;
Sur les fins de non recevoir opposées par le SIDEVO à la demande de la société Nomade :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée " ; qu'il résulte des termes mêmes de cet article que le délai de deux mois qu'il fixe ne s'applique pas aux demandes présentées en matière de travaux publics, même lorsqu'elles sont dirigées contre une décision notifiée au demandeur ; qu'un recours relatif à une créance née de travaux publics entrant dans le champ de cette exception, la notification d'une décision par laquelle l'autorité compétente rejette une réclamation relative à une telle créance ne fait pas courir de délai pour saisir le juge ; qu'un litige relatif au paiement de la prime prévue en faveur des candidats admis à participer à un concours de maîtrise d'oeuvre organisé en vue de la réalisation de travaux publics, se rattache à la matière des travaux publics ; que par suite, la société Nomade qui pouvait directement saisir le tribunal administratif d'une demande tendant au versement de la prime prévue en faveur des candidats au concours de maîtrise d'oeuvre auquel elle avait participé, en vue de la réalisation d'un groupe scolaire, a pu le faire, sans au surplus, que puisse lui être opposé le délai de deux mois prévu par les dispositions précitées de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, alors même que le SIDEVO avait expressément refusé de lui régler le montant de cette prime ; que le SIDEVO n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la demande de société Nomade devant le tribunal était irrecevable tant en raison de l'absence de liaison préalable du contentieux que de sa tardiveté ;
3. Considérant, en second lieu, que si, en première instance, la société Nomade a soulevé, après l'expiration du délai de recours, les moyens tirés de ce que le règlement du concours demandait aux candidats des prestations relevant d'études d'avant-projet sommaire et non d'esquisse et de ce que le montant fixé dans le règlement du concours devait primer sur celui indiqué dans l'avis d'appel public à la concurrence en application des dispositions des articles 38 et 74 du code des marchés publics, ces moyens ne relèvent pas d'une cause juridique distincte de celui dont procédait le moyen soulevé dans sa demande introductive d'instance et tiré de ce qu'elle avait droit au paiement du montant de la prime indiqué dans le règlement du concours ; qu'ainsi, et contrairement à ce que soutient le SIDEVO, ces moyens étaient recevables ;
Sur le paiement de la prime du concours :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 74 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d'un ouvrage ou d'un projet urbain ou paysager, l'exécution d'un ou plusieurs éléments de mission définis par l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée et par le décret du 29 novembre 1993 susmentionné. / II. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre d'un montant égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée définis à l'article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après. Ils peuvent toutefois être passés selon la procédure adaptée lorsque leur montant est inférieur à ces mêmes seuils. Dans le cas de marchés de maîtrise d'oeuvre passés en procédure adaptée, toute remise de prestations donne lieu au versement d'une prime dans les conditions précisées au deuxième alinéa du III. / III. - Le concours mentionné ci-dessus est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 70. / Les candidats ayant remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d'une prime. L'avis d'appel public à la concurrence indique le montant de cette prime. Le montant de la prime attribuée à chaque candidat est égal au prix estimé des études à effectuer par les candidats telles que définies dans l'avis d'appel public à la concurrence et précisées dans le règlement du concours, affecté d'un abattement au plus égal à 20 %. / La rémunération du marché de maîtrise d'oeuvre tient compte de la prime reçue pour sa participation au concours par le candidat attributaire (...) " ;
5. Considérant que l'avis d'appel public à la concurrence publié par le SIDEVO au mois de novembre 2014 indique que les candidats non retenus à l'issue du concours bénéficieront d'une prime de 13 000 euros hors taxes pour des études d'esquisse ; que le règlement du concours, qui a été communiqué aux trois candidats admis à concourir, a précisé les études à effectuer et mentionné un montant de prime de 38 352 euros hors taxes, supérieur à celui figurant dans l'avis d'appel public à la concurrence ;
6. Considérant qu'en cas de contradiction entre l'avis d'appel public à la concurrence et le règlement du concours quant au montant forfaitaire de la prime attribué à chacun des candidats admis à concourir, il y a lieu en application des dispositions précitées de l'article 74 du code des marchés publics d'apprécier le contenu des études effectivement demandées aux candidats afin de déterminer celui de ces deux montants qui doit être regardé comme correspondant le mieux au prix estimé de ces études ;
7. Considérant, d'une part, que l'article 3 du décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'oeuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé et concernant les éléments de mission de maîtrise d'oeuvre pour les opérations de construction neuve de bâtiment, dispose : " Les études d'esquisse ont pour objet : / a) De proposer une ou plusieurs solutions d'ensemble, traduisant les éléments majeurs du programme, d'en indiquer les délais de réalisation et d'examiner leur compatibilité avec la partie de l'enveloppe financière prévisionnelle retenue par le maître de l'ouvrage et affectée aux travaux ; / b) De vérifier la faisabilité de l'opération au regard des différentes contraintes du programme et du site " ; que l'annexe 1 de l'arrêté du 21 décembre 1993 pris pour l'application de ces dispositions prévoit que : " 1. Les études d'esquisse, première étape de la réponse de la maîtrise d'oeuvre aux objectifs, données et contraintes du programme ont pour objet de : / - proposer une ou plusieurs solutions d'ensemble, traduisant les éléments majeurs du programme, d'en présenter les dispositions générales techniques envisagées, d'en indiquer les délais de réalisation et d'examiner leur comptabilité avec la partie de l'enveloppe financière prévisionnelle retenue par le maître de l'ouvrage et affectée aux travaux ; / - vérifier la faisabilité de l'opération au regard des différentes contraintes du programme et du site et proposer, éventuellement, des études géologiques et géotechniques, environnementales ou urbaines complémentaires. / Elles permettent de proposer, éventuellement, certaines mises au point du programme. / Il est demandé les plans des niveaux significatifs établis au 1/500, avec, éventuellement, certains détails significatifs au 1/200, ainsi que l'expression de la volumétrie d'ensemble avec, éventuellement, une façade significative au 1/200. / Pour les ouvrages de construction neuve de logements, les plans des principaux types de logements au 1/200 peuvent être demandés en plus des études d'esquisse " ;
8. Considérant, d'autre part, que selon le I de l'article 4 du décret du 29 novembre 1993, les études d'avant-projet sommaire ont pour objet : " a) De préciser la composition générale en plan et en volume ; / b) D'apprécier les volumes intérieurs et l'aspect extérieur de l'ouvrage ; / c) De proposer les dispositions techniques pouvant être envisagées ; / d) De préciser le calendrier de réalisation et, le cas échéant, le découpage en tranches fonctionnelles ; / e) D'établir une estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux " ; que selon l'annexe 1 de l'arrêté du 21 décembre 1993, " (...) 2. Les études d'avant-projets, fondées sur la solution d'ensemble retenue et le programme précisé à l'issue des études d'esquisse approuvées par le maître de l'ouvrage, comprennent : / a) Les études d'avant-projet sommaire qui ont pour objet de : / - préciser la composition générale en plan et en volume ; / - vérifier la compatibilité de la solution retenue avec les contraintes du programme et du site ainsi qu'avec les différentes réglementations, notamment celles relatives à l'hygiène et à la sécurité ; / - contrôler les relations fonctionnelles des éléments du programme et leurs surfaces ; / - apprécier les volumes intérieurs et l'aspect extérieur de l'ouvrage, ainsi que les intentions de traitement des espaces d'accompagnement ; / - proposer les dispositions techniques pouvant être envisagées ainsi qu'éventuellement les performances techniques à atteindre ; / - préciser un calendrier de réalisation et, le cas échéant, le découpage en tranches fonctionnelles ; / - établir une estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux. / Le niveau de définition correspond à des plans établis au 1/200, avec certains détails significatifs au 1/100 (...) " ;
9. Considérant qu'il résulte de l'instruction que si l'avis d'appel public à la concurrence a indiqué un montant de prime de concours pour des études d'esquisse, il ne comporte aucune mention permettant de déterminer avec précision les éléments relatifs au contenu des études à réaliser par les candidats ; qu'à l'inverse, le règlement du concours a défini le contenu des études à réaliser par les candidats, lesquels devaient présenter un mémoire explicatif accompagné de deux panneaux rigides au format A0 comprenant un plan de masse de l'ensemble du projet au 1/500ème exprimant les principes généraux du projet, mais aussi des plans par bâtiments des niveaux au 1/200ème, quatre façades au 1/200ème, 2 coupes significatives au 1/200ème nécessaires à la compréhension du projet et repérées sur les plans, deux vues d'insertion dans le site au choix du candidat ; que le règlement du concours leur demandait également de produire une note explicative " décrivant obligatoirement les solutions techniques adoptées en matière de fondations, de structure, de parois et couverture, principaux équipements et présentant les options en faveur de la qualité environnementale du bâtiment ", laquelle devait permettre " d'apprécier les matériaux de construction proposés au regard de leur durabilité, de l'estimation du coût d'entretien global de tous les équipements nécessitant des contrats d'entretien et de la maintenance ultérieure, traitement acoustique, traitement thermique " ;
10. Considérant qu'il résulte de l'examen de ces documents qu'au regard des dispositions précitées du décret 29 novembre 1993 et de l'annexe 1 de l'arrêté du 21 décembre 1993, les prestations demandées aux candidats par le règlement du concours ne se limitaient pas à des études d'esquisse mais comportaient également des éléments significatifs relevant d'études d'avant-projet sommaire ; que la réalisation de ces prestations était, dès lors, de nature à justifier, conformément aux dispositions précitées de l'article 74 du code des marchés publics, que l'indemnité mentionnée par ce règlement soit d'un montant supérieur à celui indiqué dans l'avis d'appel public à la concurrence ; qu'il résulte également de l'instruction et notamment des préconisations du guide à l'intention des maîtres d'ouvrage publics pour la négociation des rémunérations de maîtrise d'oeuvre, dont se prévalent les parties, qu'eu égard à la nature et au prix moyen des études proposées par les candidats, le montant de la prime à laquelle ils étaient susceptibles de prétendre correspond davantage à celui indiqué dans le règlement du concours qu'à celui mentionné dans l'avis d'appel public à la concurrence ; que le SIDEVO qui ne justifie pas du prix estimé des études dont il fait état au contentieux, d'un montant d'ailleurs inférieur de plus de 150 000 euros au prix le plus bas proposé par les candidats, ne peut utilement se borner à soutenir, sans autre démonstration, que le montant de prime prévu au règlement procèderait d'une simple " coquille " ; qu'ainsi, la réalisation des études remises par la société Nomade à l'appui de son offre, laquelle a été jugée conforme par le jury du concours, lui ouvrait droit au paiement de ce montant ;
11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamné à verser à la société Nomade une somme de 38 352 euros hors taxes, assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2015 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Nomade, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge du syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource une somme de 1 500 euros à verser à la société Nomade sur le fondement des mêmes dispositions ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource est rejetée.
Article 2 : Le syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource versera à la société Nomade une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au syndicat intercommunal des écoles de la Vallée de l'Ource et à la société Nomade.
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N°17NC00054