Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 octobre 2018, MmeC..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 7 juin 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 23 janvier 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer pendant cet examen une autorisation provisoire de séjour, sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle a été prise par une autorité incompétente ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. MmeC..., ressortissante ukrainienne née le 10 août 1976, est entrée sur le territoire français accompagnée de sa fille mineure le 16 septembre 2014 sous couvert d'un visa de court séjour. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de refugiée a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 17 juin 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 2 novembre 2016. Le 21 novembre 2016, Mme C...a sollicité son admission exceptionnelle au séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale. Par un arrêté du 23 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être renvoyée. Mme C... fait appel du jugement du 7 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision en litige a été signée par Mme Nadia Idiri, secrétaire générale adjointe de la préfecture du Bas-Rhin, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet du Bas-Rhin du 18 octobre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le 20 octobre 2017, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, alors qu'il n'est ni établi ni même allégué que M. Seguy, secrétaire général de la préfecture, n'aurait pas été absent ou empêché, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision contestée doit être écarté.
3. En deuxième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser sa situation. Dès lors que la demande de titre de séjour de Mme C... était fondée sur les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet n'a pas examiné d'office son droit au séjour au titre des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, la requérante ne peut soutenir que le préfet du Bas-Rhin aurait méconnu ces dernières dispositions.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme C...résidait en France depuis moins de quatre ans à la date de la décision contestée et n'établit pas qu'elle ne pourrait pas poursuivre une vie privée et familiale normale en Ukraine avec sa fille qui a vocation à l'accompagner, et où elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales. Par ailleurs, l'époux de MmeC..., qui ne résidait pas habituellement en France à la date de la décision en litige, n'a déposé une demande d'admission au séjour au titre de l'asile que le 22 février 2018, postérieurement au refus de séjour opposé à Mme C.... Par suite, et quand bien même la requérante aurait notamment suivi des cours d'apprentissage de la langue française et participé à des actions de bénévolat, la décision de refus de titre de séjour en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
6. En troisième lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. La décision en litige n'a ni pour objet ni pour effet de séparer Mme C...de son enfant. Par ailleurs, si la requérante fait état des problèmes de santé de cette dernière, sans d'ailleurs l'établir, elle ne démontre pas que celle-ci ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Ukraine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2 (...) ".
9. En se bornant à se prévaloir de son intégration dans la société française et à invoquer des risques encourus en cas de retour en Ukraine, Mme C...n'établit pas que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux précédemment exposés aux points 5, 7 et 9 ci-dessus, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de Mme C... doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, Mme C...n'établit pas l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
12. En deuxième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
13. En troisième lieu, un étranger ne peut faire l'objet d'une mesure prescrivant à son égard une obligation de quitter le territoire français en application des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, et en l'absence de tout autre élément invoqué par MmeC..., les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
14. En quatrième lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 7 et 10 ci-dessus, et en l'absence d'autre élément invoqué par la requérante, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige quant à la situation personnelle de Mme C...doivent être écartés.
15. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 313-14 est inopérant à l'appui de la contestation d'une décision portant obligation de quitter le territoire français et doit dès lors être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 2 ci-dessus, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté.
17. En second lieu, aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
18. Si Mme C...soutient qu'elle serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour en Ukraine, elle n'établit pas par les pièces versées au dossier le caractère personnel, réel et actuel des risques allégués en cas de retour dans ce pays. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
19. Il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C...née B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC02848