Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 7 juin 2018, le 3 juillet 2018 et le 24 janvier 2019, M.A..., représenté par Me Burkatzki de la SELARL Berard - Jemoli - Santelli - Burkatzki, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 9 mai 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 25 janvier 2018 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la régularité du jugement attaqué :
- il n'est pas signé en méconnaissance des dispositions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- il est insuffisamment motivé ;
S'agissant de l'arrêté du 25 janvier 2018 :
- il a été pris par une autorité incompétente ;
- il n'est pas démontré que le rapport médical du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été établi, ce qui constitue une méconnaissance des dispositions de l'arrêté ministériel du 27 décembre 2016 ;
- il n'est pas établi que ce rapport a été communiqué au collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- le nom du médecin instructeur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas connu ;
- l'avis du 30 novembre 2017 du collège de médecins ne mentionne pas le nom de ce médecin ;
- il n'est pas établi que les signataires de cet avis avaient qualité pour siéger au sein du collège de médecins de sorte que cet avis a été rendu par un collège irrégulièrement composé ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cet arrêté quant à sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2019, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- la circonstance que l'ampliation du jugement attaqué a été notifié au requérant sans comporter de signature est sans incidence quant à sa régularité ;
- les moyens tirés de l'irrégularité de la procédure suivie devant l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant bangladais né le 13 décembre 1991, est entré en France le 3 décembre 2015, selon ses déclarations. Sa demande tendant à la reconnaissance de la qualité de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 29 juillet 2016, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 24 février 2017. Par un arrêté du 6 avril 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Le 2 octobre 2017, l'intéressé a présenté une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 25 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. M. A...fait appel du jugement du 9 mai 2018 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ".
3. L'article R. 313-22 du même code dispose : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration./ L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical (...) ". Selon l'article 4 de cet arrêté : " Pour l'établissement de son rapport médical, le médecin de l'office peut demander, dans le respect du secret médical, tout complément d'information auprès du médecin ayant renseigné le certificat médical et faire procéder à des examens complémentaires. / Le médecin de l'office, s'il décide, pour l'établissement du rapport médical, de solliciter un complément d'information auprès du médecin qui a renseigné le certificat médical, en informe le demandeur. / Il peut convoquer, le cas échéant, le demandeur auprès du service médical de la délégation territoriale compétente (...) ". Enfin, selon l'article 5 du même arrêté : " Le collège de médecins à compétence nationale de l'office comprend trois médecins instructeurs des demandes des étrangers malades, à l'exclusion de celui qui a établi le rapport (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin a été saisi, le 2 octobre 2017, non d'une demande de protection contre une mesure d'éloignement au sens des dispositions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de celles des articles 9 à 11 du chapitre II de l'arrêté du 27 décembre 2016, mais d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade présentée sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dans ces conditions, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui devait précéder la décision en litige ne pouvait être rendu qu'au vu du rapport médical établi par un médecin dans les conditions fixées par les dispositions citées au point 3 ci-dessus. Il est constant que l'avis rendu le 30 novembre 2017 sur la situation de M. A...n'a pas été exprimé au vu d'un tel rapport. Ce vice de procédure ayant privé l'intéressé d'une garantie, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus de séjour qui lui a été opposé.
5. Les décisions du 25 janvier 2018 obligeant M. A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant de lui accorder un titre de séjour.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 25 janvier 2018 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur l'injonction et l'astreinte :
7. Le présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet du Bas-Rhin délivre à M. A... une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu, en revanche, d'enjoindre au préfet de réexaminer la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Burkatzki, conseil de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante à l'instance, le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1800888 du 9 mai 2018 du tribunal administratif de Strasbourg et l'arrêté du 25 janvier 2018 du préfet du Bas-Rhin sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Bas-Rhin de procéder au réexamen de la demande de titre de séjour présentée par M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Burkatzki, avocat de M. A..., une somme de 1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Burkatzki, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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N° 18NC01689