Par une requête enregistrée le 14 juillet 2018, M. A..., représenté par la SCP Moukha Decorny demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1800500 du 26 février 2018 du tribunal administratif de Nancy ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Doubs du 19 février 2018 ;
3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, en application des articles L. 911-2 et L. 911-3 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- la décision contestée n'est pas suffisamment motivée ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- la décision contestée méconnaît les stipulations de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est illégale en conséquence des irrégularités qui entachent la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- cette décision est illégale en conséquence des irrégularités qui entachent la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation des circonstances humanitaires dont il peut se prévaloir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2019, le préfet du Doubs conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy du 19 juin 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur,
- et les observations de Me Moukha, avocat de M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., de nationalité libérienne, a déclaré être entré irrégulièrement sur le territoire français en juillet 2009. A la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 10 décembre 2009, le préfet du Haut-Rhin a rejeté sa demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et l'a obligé à quitter le territoire français par un arrêté du 7 septembre 2010 devenu définitif depuis un arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 27 février 2012. Il a fait l'objet, par un arrêté du 6 mars 2013, d'un nouveau refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français. Après plusieurs condamnations, en particulier le 3 juin 2014 par le tribunal correctionnel de Mulhouse et le 3 novembre 2014, par le tribunal correctionnel de Strasbourg à des peines d'emprisonnement avec ou sans sursis, il a fait l'objet d'un contrôle de régularité par les services de la police des frontières et, par un arrêté du 19 février 2018, le préfet du Doubs a pris à son encontre une mesure d'obligation de quitter sans délai le territoire français, fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé d'office et prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. M. A... relève appel du jugement du 26 février 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, la décision contestée comporte de manière suffisamment précise, les éléments de droit et de fait qui constituent son fondement. Elle vise en particulier les textes dont il est fait application et précise de manière particulièrement détaillée les éléments de la situation personnelle du requérant, notamment les différentes condamnations judiciaires dont il a fait l'objet. La circonstance que la décision contestée ne mentionne pas son état de santé est sans influence sur sa légalité dès lors qu'il ressort du procès-verbal d'audition rédigé le 19 février 2018 qu'à la question : " êtes-vous malade ' ", l'intéressé a répondu " je ne crois pas ". Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
3. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce qui est allégué, le préfet a procédé à un examen particulier de la situation de M. A...avant de prendre la décision litigieuse.
4. En troisième lieu, M. A...qui avait sollicité de l'OFPRA la reconnaissance de la qualité d'apatride qui lui a d'ailleurs été refusée le 30 juillet 2015, ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui s'appliquent au demandeur d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision du même jour par laquelle le préfet du Doubs a fixé le pays de destination.
8. En deuxième lieu, la décision contestée, comporte, de manière suffisamment précise, les éléments de fait et de droit qui constituent son fondement. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation doit être écarté comme manquant en fait.
9. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
10. Si M. A...fait valoir qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants, il ne produit aucun élément probant de nature à justifier de l'actualité et de la réalité des risques allégués, alors d'ailleurs que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français pour demander l'annulation de la décision du même jour par laquelle le préfet du Doubs a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français de trois années.
12. En deuxième lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...). La durée de l' interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III ainsi que le prononcé et la durée de l' interdiction de retour mentionnée au quatrième alinéa sont décidés par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...)". Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
13. La décision contestée vise l'article L. 511-1-III du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que le requérant est entré récemment en France, qu'il représente une menace pour l'ordre public et qu'il ne justifie pas d'attaches familiales en France. Elle précise que M. A...a fait l'objet de plusieurs condamnations à la suite des jugements du tribunal correctionnel de Strasbourg et de Mulhouse, et que, compte tenu de ces circonstances, la durée de l'interdiction de retour de trois années ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé de mener une vie privée et familiale. La décision litigieuse mentionne ainsi de façon suffisamment précise les éléments de la situation personnelle du requérant que le préfet a pris en considération pour fixer la durée de l'interdiction de retour opposée à l'intéressé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
14. En dernier lieu, aucune disposition ne faisait obligation au préfet de préciser les raisons pour lesquelles il n'a pas fait application des dispositions précitées du deuxième alinéa du III du L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. A...ait fait état, devant les services de police ou l'autorité préfectorale, de circonstances humanitaires au sens de ces dispositions. Ainsi, d'une part, l'intéressé n'apporte aucun élément probant justifiant de ce qu'il encourt des risques pour sa vie et sa sécurité, actuels et personnels, en cas de retour dans son pays d'origine. S'agissant, d'autre part, de son état de santé, et ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent jugement, il ressort du procès-verbal d'audition rédigé le 19 février 2018 qu'il n'a mentionné aucun élément de nature à faire obstacle à la mesure envisagée. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas que le préfet du Doubs aurait, au regard de sa situation personnelle, fait une inexacte application des dispositions précitées en décidant de lui interdire de revenir sur le territoire français pendant trois ans.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Doubs.
N° 18NC01985