Procédure devant la cour :
I. Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, sous le n° 18NC02156, MmeD..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui la concerne, ce jugement du 3 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 juin 2018 pris à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de l'autoriser à saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté du 6 juin 2018 en litige a été pris par une autorité incompétente ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- il méconnaît les dispositions de l'article 19 de ce règlement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que :
- Mme D...a été réadmise le 27 novembre 2018 en Allemagne, Etat membre responsable de sa demande d'asile ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 est inopérant dès lors que seul l'Etat membre responsable peut s'en prévaloir.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.
II. Par une requête enregistrée le 31 juillet 2018, sous le n° 18NC02157, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler, en ce qui le concerne, ce jugement du 3 juillet 2018 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 6 juin 2018 pris à son encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ;
3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de l'autoriser à saisir l'Office français de protection des réfugiés et apatrides d'une demande d'asile dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir les mêmes moyens que ceux exposés par son épouse au soutien de la requête n° 18NC02156.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 décembre 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que :
- M. D... a été réadmis le 27 novembre 2018 en Allemagne, Etat responsable de sa demande d'asile ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 est inopérant dès lors que seul l'Etat membre responsable peut s'en prévaloir.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2018.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 18NC02156 et n° 18NC02157 portent sur la situation d'un même couple de ressortissants étrangers. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
2. M. et MmeD..., ressortissants serbes, sont entrés irrégulièrement en France au mois de novembre 2017, selon leurs déclarations. Ils ont sollicité le 12 décembre 2017 leur admission au séjour au titre de l'asile, mais par des arrêtés du 6 juin 2018, le préfet de Meurthe-et-Moselle a décidé leur transfert vers l'Allemagne, regardée comme l'Etat responsable du traitement de leurs demandes d'asile. M. et Mme D...font appel du jugement du 3 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
3. En premier lieu, les arrêtés en litige ont été signés par Mme Marie-Blanche Bernard, secrétaire générale de la préfecture de Meurthe-et-Moselle, qui disposait, en vertu d'un arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle du 29 décembre 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, d'une délégation à l'effet de signer tous arrêtés ou décisions relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les décisions prises en matière de police des étrangers. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des arrêtés contestés du 6 juin 2018 doit être écarté.
4. En deuxième lieu, le paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que " la détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre ". Aux termes de l'article 13 de ce règlement : " 1. Lorsqu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, du présent règlement, notamment des données visées au règlement (UE) n°603/2013, que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. / 2. Lorsqu'un Etat membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des Etats membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un Etat membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. / Si le demandeur a séjourné dans plusieurs Etats membres pendant des périodes d'au moins cinq mois, l'Etat membre du dernier séjour est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ".
5. Il résulte clairement des dispositions de l'article 7 du règlement précité que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Il résulte également de la combinaison des dispositions précitées que les critères prévus à l'article 13 du règlement ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des Etats membres et qu'en particulier, les dispositions de cet article ne s'appliquent pas lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un Etat membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre Etat membre, que cette dernière ait été rejetée ou soit encore en cours d'instruction.
6. Il ressort des pièces du dossier que les empreintes digitales de M. et Mme D...ont été enregistrées en Allemagne, lors du dépôt d'une précédente demande d'asile, le 13 septembre 2016. Ainsi, la demande d'asile qu'ils ont présentée en France ne constitue pas une première demande d'asile dans un Etat membre au sens des dispositions précitées et il en résulte que M. et Mme D... ne peuvent utilement se prévaloir d'une méconnaissance des dispositions de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 pour soutenir que la France était responsable de l'examen de leur demande d'asile.
7. En dernier lieu, aux termes de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, relatif à la cessation de responsabilité : " 2. Les obligations prévues à l'article 18, paragraphe 1, cessent si l'Etat membre responsable peut établir, lorsqu'il lui est demandé de prendre ou reprendre en charge un demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), que la personne concernée a quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois, à moins qu'elle ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité délivré par l'Etat membre responsable. / Toute demande introduite après la période d'absence visée au premier alinéa est considérée comme une nouvelle demande donnant lieu à une nouvelle procédure de détermination de l'Etat membre responsable (...) ". Et aux termes de l'article 27 du même règlement : " 1. Le demandeur ou une autre personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point c) ou d), dispose d'un droit de recours effectif, sous la forme d'un recours contre la décision de transfert ou d'une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction. 2. Les Etats membres accordent à la personne concernée un délai raisonnable pour exercer son droit à un recours effectif conformément au paragraphe 1 ". Il résulte de ces dispositions, telles qu'interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt C-63/15 du 7 juin 2016, qu'un demandeur d'asile peut invoquer, dans le cadre d'un recours contre une décision de transfert prise à son égard, l'application erronée d'un critère de responsabilité.
8. Les requérants, qui ont déposé une demande d'asile en Allemagne le 13 septembre 2016, ne démontrent pas avoir, depuis cette date, quitté le territoire des Etats membres pendant une durée d'au moins trois mois. Par suite, le moyen tiré de ce que l'Allemagne n'était plus responsable de leurs demandes d'asile en vertu des dispositions précitées de l'article 19 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme E...D...née C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.
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Nos 18NC02156 - 18NC02157