Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 août 2017 et 14 mars 2018, M. et Mme H..., représentés par MeA..., demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 juin 2017 en tant qu'il n'a que partiellement fait droit à leur demande indemnitaire ;
2°) de condamner la régie Haganis à leur verser, au titre de sa responsabilité sans faute, une somme de 350 000 euros, avec intérêts de droit à compter du 18 février 2009 ;
3°) subsidiairement, de condamner solidairement la régie Haganis et la communauté d'agglomération Metz Métropole à leur verser, au titre de leur responsabilité pour faute, une somme de 350 000 euros, avec intérêts de droit à compter du 18 février 2009 ;
4°) de les condamner solidairement au rachat de l'immeuble à sa valeur actuelle majorée de la différence à concurrence de 350 000 euros au titre de l'indemnisation du trouble de jouissance ;
5°) dans tous les cas, de mettre solidairement à leur charge le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'exception de prescription quadriennale ne peut être opposée à leur créance indemnitaire pour la période au cours de laquelle la déchetterie était exploitée par la Société Messine d'Environnement et d'Energie (SOMERGIE), en raison de sa qualité de personne privée ;
- aucune prescription ne leur est opposable dès lors qu'ils subissent un dommage permanent, récurrent et en constante augmentation du fait de l'exploitation de l'ouvrage ;
- la prescription a été en tout état de cause régulièrement interrompue par leur réclamation, et ce au moins en 2009 pour les quatre exercices antérieurs ;
- depuis 1992, l'activité de la déchetterie a augmenté, ce qu'ils ne pouvaient anticiper lorsqu'ils ont acquis leur propriété ;
- la société SOMERGIE, premier exploitante de l'ouvrage, ne s'est pas mise en conformité avec la police des installations classées ;
- il appartenait à cette exploitante de modifier le sens de la circulation ;
- le choix de l'implantation de l'ouvrage en zone U du plan d'occupation des sols est fautif ainsi que le manque d'anticipation du développement de l'activité, l'ouvrage ayant été construit dans une impasse ouverte à la circulation et bordée d'habitations ;
- seul le fonctionnement de l'ouvrage est à l'origine des troubles de jouissance qu'ils subissent et de la perte de la valeur vénale de leur propriété ;
- la réalité de leur préjudice est établie de même que son caractère anormal et spécial résultant de l'exploitation de l'ouvrage ;
- le développement de l'activité de la déchetterie conduit à une rupture de l'égalité devant les charges publiques ;
- le préjudice est aggravé par les fautes commises par les exploitants.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 janvier 2018 et le 8 février 2018, la régie Haganis, représentée par Me E...de la SELARL E...et Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. et Mme H... le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les requérants ne produisent pas l'acte notarié établissant leur qualité de propriétaire de l'immeuble de sorte que leur demande devant les premiers juges était irrecevable et que le jugement est irrégulier en tant qu'il a déclaré recevable cette demande sauf pour M. et Mme H...à établir cette qualité ;
- la requête d'appel est irrecevable pour ce même motif ;
- la créance des requérants pour le préjudice de perte de valeur vénale de leur propriété et celui résultant des diverses nuisances alléguées est prescrite depuis le 1er janvier 1998 ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- l'existence d'une faute dans le choix du site n'est pas établie alors que la société SOMERGIE avait obtenu les autorisations d'urbanisme requises ainsi que les autorisations d'exploitation relevant de la législation sur les installations classées ;
- lors de la création de l'ouvrage ni les consorts H...ni aucun riverain n'ont émis de contestations ;
- entre 1992 et 2008, les requérants n'ont engagé aucune procédure manifestant une opposition au fonctionnement de l'ouvrage ;
- le moyen tiré de la méconnaissance de la réglementation relative aux installations classées n'est étayé par aucune preuve ni par la moindre démonstration ;
- elle assure le fonctionnement de l'ouvrage en parfaite conformité avec la réglementation en vigueur ;
- la réglementation de la circulation de la voie publique qui mène à la déchetterie ne relève pas de la compétence de la régie Haganis ni de celle de Metz Métropole mais de la commune de Metz ;
- les requérants n'établissent pas l'existence de leur préjudice ni son quantum ;
- ils n'allèguent pas une exploitation anormale du site ;
- la déchetterie est la propriété de Metz Métropole dont seule la responsabilité pourrait, le cas échéant, être recherchée s'agissant des sujétions inhérentes à une telle installation ;
- la responsabilité de la régie Haganis ne saurait être engagée qu'en cas de troubles résultant d'une exploitation anormale de l'installation, ce qui n'est d'ailleurs ni allégué ni démontré ;
- les nuisances pouvant résulter de la présence de la déchetterie n'excèdent pas celles que doivent supporter sans indemnité les riverains de l'ouvrage ;
- les requérants ne justifient pas que les nuisances se sont accrues avec l'augmentation de l'activité de la déchetterie ;
- aucun élément du dossier ne permet d'établir que les nuisances dont les requérants faisaient état en 2010 existent encore ;
- le rapport de l'expert de 2011 a perdu tout caractère probant ;
- les nuisances olfactives et d'émission de poussières invoqués par M. et Mme H...n'ont fait l'objet d'aucune investigation par l'expert ;
- s'agissant du bruit, les conclusions de l'expert sont mitigées ;
- la régie Haganis a réalisé des aménagements afin de préserver la sécurité du site ;
- la responsabilité sans faute ne peut concerner que Metz Métropole ;
- les requérants ne démontrant pas avoir tenté en vain de vendre leur propriété, le préjudice de perte de valeur vénale de leur propriété est éventuel ;
- le taux de 30 % de perte de la valeur vénale de la propriété de M. et Mme H...n'est pas justifié alors que l'expert avait retenu un maximum de 10 % ;
- les troubles de jouissance ne sont pas caractérisés et le montant sollicité n'est pas justifié.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 février 2018, la communauté d'agglomération Metz Métropole, représentée par Me D...de la SELARL Soler-Couteaux/Llorrens, demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il l'a condamnée au paiement d'une somme de 7 000 euros ;
3°) de mettre à la charge de M. et Mme H...le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'anormalité du préjudice allégué n'est pas établie, M. et Mme H...ne démontrant pas l'importance, la fréquence et la durée des nuisances sonores qu'ils subiraient du fait de l'exploitation de l'ouvrage ;
- le rapport de l'expert de juillet 2011 est obsolète ;
- les requérants ne produisent aucun élément pour démontrer que ces nuisances persistent ;
- aucun acte de vandalisme ne lui est imputable ;
- il appartenait à l'exploitant de renforcer le système de sécurité de la déchetterie ;
- la responsabilité de l'exploitant peut seule être mise en cause en raison du fonctionnement de l'ouvrage, à l'exclusion de celle du propriétaire ;
- la lettre adressée par M. et Mme H...au maire de Metz le 2 avril 2008 afin qu'il exerce ses pouvoirs de police pour faire cesser les nuisances générées par l'ouvrage n'a pas eu pour effet d'interrompre la prescription ;
- elle s'en remet à ses écritures de première instance quant à l'absence de caractère anormal et spécial des troubles de jouissance dont se prévalent M. et MmeH... ;
- s'agissant de la perte de la valeur vénale de leur propriété, leur créance était acquise au 20 juillet 2010.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michel, premier conseiller,
- les conclusions de M. Louis, rapporteur public,
- et les observations de Me A...pour M. et Mme H...ainsi que celles de Me F...pour Metz Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme H...relèvent appel du jugement du 15 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg n'a que partiellement fait droit à leurs demandes en condamnant la seule communauté d'agglomération Metz Métropole à leur verser, outre intérêts, une somme limitée à 7 000 euros en réparation des préjudices qu'ils estiment avoir subis du fait de l'exploitation d'une déchetterie à proximité de leur maison. Par la voie de l'appel incident, Metz Métropole demande à la cour d'annuler ce jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser cette somme à M. et MmeH....
Sur la recevabilité de la requête d'appel :
2. En vertu des principes généraux de la procédure, tels qu'ils sont rappelés à l'article R. 811-1 du code de justice administrative, le droit de former appel des décisions de justice rendues en premier ressort est ouvert aux parties présentes à l'instance sur laquelle le jugement qu'elles critiquent a statué. M. et Mme H...ont, par suite, du seul fait qu'ils étaient parties à l'instance engagée devant le tribunal administratif de Strasbourg, qualité pour former appel du jugement du 15 juin 2017 qui a statué sur leurs demandes. Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée par la régie Haganis de ce qu'ils ne justifieraient pas de leur qualité de propriétaires de la maison qu'ils habitent à proximité de la déchetterie doit être écartée.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. Si, en premier lieu, la régie Haganis soutient que le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est entaché d'irrégularité dès lors qu'il a admis la recevabilité la demande de première instance de M. et MmeH..., ce moyen concerne le bien-fondé du jugement et non sa régularité.
4. En second lieu, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire du 7 novembre 2014 de M. C... que, par acte notarié du 12 novembre 1987, Mme H...née G...a acquis l'immeuble situé au 2 rue de la Houblonnière à Metz, et que les époux H...-G..., qui ont contracté mariage le 9 septembre 1991, se sont consenti le 21 mars 2000 des donations réciproques de leurs biens propres. Il en résulte que M. et MmeH..., propriétaires de l'immeuble en cause, avaient un intérêt leur donnant qualité pour introduire devant le tribunal administratif de Strasbourg une demande en réparation des préjudices liés à la proximité de la déchetterie de leur maison d'habitation. La régie Haganis n'est donc pas fondée à soutenir que c'est à tort que ce tribunal n'a pas accueilli la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée à cet égard.
Sur les conclusions indemnitaires :
5. M. et Mme H...résident à proximité d'une déchetterie dont l'exploitation a été confiée, par la communauté d'agglomération Metz Métropole à la régie Haganis, établissement public industriel et commercial qu'elle a créé à cette fin. Ils entendent obtenir l'indemnisation des préjudices qu'ils imputent à cet équipement constitués par des nuisances sonores et olfactives, des émissions de poussières, des actes d'incivilité ou de vandalisme ainsi que par la perte de valeur vénale de leur propriété.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la régie Haganis :
S'agissant de l'imputabilité des dommages :
6. Il résulte de l'instruction que la régie Haganis qui est dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière, s'est vu confier, par la communauté d'agglomération Metz Métropole, la seule exploitation de la déchetterie en litige et qu'elle n'a d'ailleurs été créée en 2012, sous la forme d'un établissement public à caractère industriel et commercial, qu'après la construction de l'ouvrage en 1992 et une première période d'exploitation par la Société Messine d'Environnement et d'Energie (SOMERGIE), société d'économie mixte à laquelle cette exploitation avait été déléguée.
7. Dans ces conditions, M. et MmeH..., qui sont tiers par rapport à cet ouvrage public, ne peuvent demander réparation à l'exploitant actuel de la déchetterie, sur le fondement de la responsabilité sans faute, que des dommages qui sont en lien direct avec le fonctionnement de celle-ci à l'exclusion de ceux qui ne résultent directement que de l'existence, de l'implantation et du dimensionnement de l'équipement et dont la réparation ne saurait être recherchée, sur le même fondement, qu'auprès de la personne publique délégante.
8. Si tel est le cas des nuisances sonores, olfactives et liées aux émissions de poussières dont il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise qu'elles doivent être regardées comme imputables au fonctionnement de l'ouvrage exploité par la régie Haganis, il n'en est pas de même s'agissant des actes d'incivilité ou de vandalisme commis par des personnes se rendant à la déchetterie et dont le lien avec le fonctionnement proprement dit de cette dernière n'est pas suffisamment direct. Enfin, la perte de valeur vénale de leur propriété ne peut davantage, pour le même motif, être imputée à la régie Haganis à raison de son exploitation de l'ouvrage.
S'agissant de l'exception de prescription quadriennale opposée par la régie Haganis :
9. Aux termes de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, alors même que l'administration saisie n'est pas celle qui aura finalement la charge du règlement. Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours et même si la juridiction saisie est incompétente pour en connaître, et si l'administration qui aura finalement la charge du règlement n'est pas partie à l'instance (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée ".
10. Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée au titre d'un dommage causé à un tiers par un ouvrage public, les droits de créance invoqués par ce tiers en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de ces dispositions, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi.
11. Il résulte de l'instruction que les préjudices liés à l'exploitation de la déchetterie et dont M. et Mme H...demandent réparation présentent un caractère évolutif et qu'ils doivent donc être rattachés à chacune des années au cours desquelles ils ont été subis.
12. L'exception de prescription quadriennale n'est pas opposable à la créance indemnitaire de M. et Mme H...pour la période au cours de laquelle l'exploitation de la déchetterie a été assurée par la société SOMERGIE, personne morale de droit privé, laquelle ne relève pas du champ d'application des dispositions précitées de l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968.
13. La régie Haganis, qui est un établissement public industriel et commercial doté d'un comptable public, ne soutient pas, ni même n'allègue qu'en reprenant, l'exploitation de la déchetterie à la suite de la société SOMERGIE au cours de l'année 2012, elle ne se serait pas vu transférer l'ensemble des droits et obligations de cette dernière, dont il est constant qu'elle avait déjà fait l'objet, de la part des épouxH..., d'une demande indemnitaire préalable le 18 février 2009 suivie d'une assignation, le 20 juillet 2010, devant le président du tribunal de grande instance de Metz en vue de la désignation d'un expert à fin, notamment, de déterminer le montant de leurs préjudices. Le point de départ du délai de prescription quadriennale doit, par suite, être fixé au premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle l'exploitation de l'ouvrage a été confiée à la régie Haganis, soit le 1er janvier 2013.
14. La demande de M. et Mme H...tendant à la réparation par la régie Haganis des préjudices résultant directement de l'exploitation de la déchetterie a été reçue par cette dernière le 22 mars 2013. A cette date, cette créance n'était donc pas prescrite, y compris en ce qui concerne la période durant laquelle cette déchetterie était exploitée par la société SOMERGIE.
S'agissant de la réparation des préjudices :
15. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire établi le 22 juillet 2011 que l'exploitation de plus en plus importante de la déchetterie, en vis-à-vis direct de la maison de M. et Mme H...dont elle n'est séparée que par une voie d'accès d'une dizaine de mètres, est à l'origine de nuisances sonores. Celles-ci résultent non seulement d'un bruit ambiant qui n'est pas entièrement conforme à la législation mais aussi et surtout de bruits particuliers, notamment au moment du déchargement de véhicules dans les conteneurs en dépassement fréquent des niveaux sonores admissibles, et dont la répétitivité les apparente par moment à un bruit continu. Il en est de même s'agissant des émissions de poussières et de gaz résultant notamment des véhicules des usagers de la déchetterie ainsi que du dépôt des gravats dans les conteneurs. Compte tenu plus particulièrement des horaires d'ouverture, tous les jours, de la déchetterie, et notamment le samedi de 9h30 à 18h30 sans interruption et le dimanche de 9h30 à 12h30, les nuisances sonores, olfactives et celles liées aux émissions de poussières doivent être regardées comme excédant les inconvénients que doivent normalement supporter dans l'intérêt général les riverains d'un ouvrage public. La régie Haganis n'apporte aucun élément permettant d'établir que des travaux auraient été réalisés ou que les modalités de fonctionnement de la déchetterie auraient été modifiées afin de supprimer ou de réduire les nuisances telles qu'elles ont été constatées par voie d'expertise. Si M. et Mme H...n'établissent pas que les troubles du sommeil dont il se plaignent également seraient liés au fonctionnement de la déchetterie il sera fait, dans les circonstances de l'espèce, une juste appréciation du préjudice anormal et spécial qu'ils subissent au titre des troubles dans leurs conditions d'existence en condamnant la régie Haganis à leur verser une somme de 20 000 euros.
16. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme H...sont fondés à soutenir que c'est tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la régie Haganis, en sa qualité d'exploitante de l'ouvrage, à les indemniser, au titre de sa responsabilité sans faute, de leurs troubles de jouissance.
S'agissant des intérêts :
17. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts de retard dus en application des dispositions de l'article 1153 du code civil, dont les dispositions ont été reprises à l'article 1231-6 du même code, courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue à l'administration ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
18. M. et MmeH..., dont il résulte de l'instruction que, le 18 février 2009, ils ont saisi la société SOMERGIE à laquelle la régie Haganis a succédé dans ses droits et obligations, d'une demande tendant à la réparation de leurs préjudices, sont fondés à demander que l'indemnité de 20 000 euros qui leur est due porte intérêt au taux légal à compter de cette date.
En ce qui concerne la responsabilité pour faute de la régie Haganis et de Metz Métropole :
19. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales, applicable aux communes du département de la Moselle : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation (...) ".
20. A supposer même que M. et Mme H...aient à plusieurs reprises sollicité une modification du sens de la circulation aux environs de la déchetterie et que les refus qui leur auraient été opposés soient fautifs, de telles fautes ne sauraient être imputées ni à Metz Métropole ni à la régie Haganis qui ne sont pas compétentes pour réglementer la circulation dans le secteur en cause.
21. En deuxième lieu, s'il résulte d'une lettre du préfet de la Moselle adressée à M. et Mme H... le 30 décembre 2008 qu'une visite d'inspection avait permis de relever des non-conformités dans l'exploitation de la déchetterie et que la société SOMERGIE avait été mise en demeure, par un arrêté du 22 décembre 2008, d'interdire l'accès de l'ouvrage aux professionnels, de faire construire un mur antibruit et de respecter les horaires d'enlèvement des déchets, les requérants n'établissent pas, alors que le mur antibruit a été construit en 2009, que les préjudices dont ils ne pourront obtenir réparation compte tenu de ce qui a été dit au point 15, résulteraient d'une méconnaissance fautive par la société SOMERGIE de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement.
22. En dernier lieu, M. et Mme H...n'établissent pas que le choix de l'implantation de la déchetterie aurait méconnu les règles d'urbanisme alors en vigueur ni, en tout état de cause, qu'il serait constitutif d'une faute commise par Metz Metropole.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de Metz Métropole :
23. Ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus, la responsabilité sans faute de Metz Métropole est susceptible d'être engagée, au besoin d'office, en sa qualité de maître d'ouvrage, au titre des dommages causés aux tiers par l'ouvrage public dont elle a confié la gestion à la société SOMERGIE puis à la régie Haganis, lorsque ces dommages sont directement imputables à l'existence, l'implantation et le dimensionnement de l'ouvrage.
24. En premier lieu, ainsi, qu'il a été précédemment exposé, les nuisances sonores, olfactives et celles liées à l'émission de poussières doivent être regardées comme imputables à la seule exploitation de l'ouvrage et ne sauraient engager la responsabilité de Metz Metropole.
25. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que les actes d'incivilité ou de vandalisme dont se plaignent M. et Mme H...sont exclusivement imputables au comportement anormal de certains usagers se rendant à la déchetterie et ne peuvent être regardés comme en lien direct avec l'existence même de l'ouvrage. Si elle relève de l'exercice des pouvoirs de police des autorités compétentes ou le cas échéant, de procédures pénales, la responsabilité sans faute de Metz Métropole ne saurait être recherchée à raison de ces nuisances.
26. Enfin, si M. et Mme H...se prévalent également de la perte de valeur vénale de leur maison du fait de la proximité de la déchetterie, ce préjudice présente un caractère permanent qui, s'il est imputable à la présence même de l'ouvrage et de nature à engager la responsabilité sans faute de Metz Métropole, était néanmoins entièrement connu dans son existence et son étendue dès la mise en service de la déchetterie en 1993. Il s'ensuit que la prescription quadriennale a commencé à courir, s'agissant de la créance correspondante, à compter du début de l'année 1994. Il en résulte, ainsi que le soutient Metz Métropole, qu'elle était déjà acquise lorsque M. et Mme H...ont, le 20 juillet 2010, assigné la société SOMERGIE devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Metz et qu'elle l'était également, en tout état de cause, à la date de réception du courrier qu'ils ont adressé au maire de Metz le 2 avril 2008, à supposer que le contenu de ce courrier puisse être regardé comme présentant les caractères d'un acte interruptif de prescription.
27. Il résulte de ce qui précède que Metz Métropole est fondée à soutenir, par la voie de l'appel incident, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg l'a condamnée à verser à M. et Mme H...une somme de 7 000 euros sur le fondement de la responsabilité sans faute.
Sur les conclusions tendant à la condamnation des défendeurs au rachat de leur maison :
28. Il n'appartient pas au juge administratif de condamner une personne publique à procéder à l'acquisition d'un immeuble. Les conclusions tendant à ce que Metz Métropole et la régie Haganis soient solidairement condamnées à racheter leur maison ne peuvent, par suite, qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
29. En premier lieu, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de Metz Métropole, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. et Mme H...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la régie Haganis, qui est partie perdante à la présente instance, le versement à M. et Mme H...d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
30. En second lieu, ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. et MmeH..., qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la régie Haganis demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme H..., le versement de la somme que Metz Métropole demande sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1403207 du 15 juin 2017 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.
Article 2 : La régie Haganis est condamnée à verser une indemnité de 20 000 euros à M. et Mme H.... Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 18 février 2009.
Article 3 : La régie Haganis versera à M. et Mme H...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. I...H..., à Mme B...H...néeG..., à la régie Haganis et à la communauté d'agglomération Metz Métropole.
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N° 17NC02080