Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 novembre 2017, et un mémoire complémentaire, enregistré le 21 novembre 2018, MmeA..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 juin 2017 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 février 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin, sous astreinte, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais de première instance et d'appel.
Elle soutient que :
- l'auteur de l'arrêté en litige était incompétent pour en être le signataire ;
- contrairement à ce que retient la décision portant refus de titre, elle justifie d'une présence habituelle et continue en France depuis 2008 ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation personnelle et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 février 2018, le préfet du Haut-Rhin conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A...n'a pas été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 26 septembre 2017.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Di Candia, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 17 février 2017, le préfet du Haut-Rhin a refusé de délivrer à Mme C...A..., née le 29 août 1977 et de nationalité marocaine, le titre de séjour qu'elle sollicitait, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée. Mme A...relève appel du jugement du 27 juin 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
3. En application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un ressortissant étranger d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise. La circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme A...s'est mariée en 2011 avec M.A..., de nationalité turque, titulaire d'une carte de résident et qui est également le père des enfants de sa soeur aujourd'hui décédée. Les pièces qu'elle produit permettent, en outre, d'établir qu'elle réside avec ce dernier en France, de manière continue depuis le 7 janvier 2014 et au moins de façon régulière depuis 2008, en dépit du fait qu'elle possédait un permis de résidence espagnol délivré le 10 juin 2013. Si son époux a fait l'objet d'une condamnation pour violences conjugales, par un jugement du tribunal correctionnel de Mulhouse du 13 septembre 2016, il est constant qu'elle n'a pas souhaité rompre cette communauté de vie et le préfet du Haut-Rhin ne conteste d'ailleurs pas la réalité de cette réconciliation. Dans ces conditions et eu égard à l'ancienneté du lien unissant les deux époux, à la durée de leur communauté de vie et à la présence régulière en France à la fois auprès de son époux et des enfants de ce dernier, avec lesquels Mme A...a nécessairement noué des liens, le refus de titre de séjour qui lui a été opposé a porté une atteinte excessive aux droits qu'elle tient des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. Il résulte de ce qui précède que Mme A...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 17 février 2017 par laquelle le préfet du Haut-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.
6. Eu égard au motif d'annulation de l'arrêté en litige, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Haut-Rhin délivre un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à l'intéressée. Il y a lieu, par suite, d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A...d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, tant en première instance qu'en appel.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 juin 2017 et l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 17 février 2017 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Haut-Rhin de délivrer à Mme A...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...A...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Haut-Rhin.
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N° 17NC02634