Procédure devant la cour :
I. Sous le n° 17NC02637, par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, M. D..., représenté par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 mars 2017 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions du 7° du même article ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
II. Sous le n° 17NC02638, par une requête enregistrée le 6 novembre 2017, Mme D..., représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 27 septembre 2017 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 16 mars 2017 pris à son encontre par le préfet du Bas-Rhin ;
3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de titre de séjour :
- elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;
- le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision quant à sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet du Bas-Rhin, qui n'a pas présenté de mémoire en défense.
Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 octobre 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Michel, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 17NC02637 et n° 17NC02638 portent sur la situation d'un même couple de ressortissants étrangers, sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.
2. M. F... D..., ressortissant russe, et Mme E...G...épouseD..., ressortissante géorgienne, nés respectivement le 2 janvier 1980 et le 30 août 1983, sont entrés irrégulièrement en France le 2 juin 2013, accompagnés de leurs deux fils mineurs, C...etB..., nés le 25 décembre 1997 et le 17 janvier 2000. Par des arrêtés du 16 mars 2017, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer à M. F... D...et à Mme E...D...un titre de séjour, les a obligés quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être renvoyés. M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 27 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
Sur les décisions de refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...)11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée (...) ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...). Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...) ". Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 pris en application de ces dispositions : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte-tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle.
5. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Par un avis du 20 juillet 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. D... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié pour sa prise en charge médicale dans son pays d'origine.
7. Pour remettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, le préfet du Bas-Rhin a produit en première instance une " fiche pays " de nature à établir la disponibilité, en Russie, des soins et traitements correspondant à l'affection psychiatrique dont souffre M.D.... Le certificat médical du 8 avril 2017 produit par les requérants ne comporte aucune indication permettant d'infirmer le contenu de cette fiche quant à cette disponibilité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de titre de séjour opposée à M. D... méconnaîtrait les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit être écarté.
8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée (...) ". Et aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Il ressort des pièces du dossier que M. et MmeD..., entrés en France, le 2 juin 2013, respectivement à l'âge de trente-trois ans et vingt-neuf ans, se maintiennent irrégulièrement sur le territoire français depuis près de quatre ans. En outre, s'ils soutiennent plus particulièrement que leurs attaches familiales seraient en France où résident des membres de leurs familles respectives, et s'ils se prévalent de la scolarisation de leurs deux enfants et de la promesse d'embauche dont dispose MmeD..., ils n'établissent pas qu'ils ne pourraient pas poursuivre avec leurs enfants une vie privée et familiale normale en Russie, où il n'est pas contesté qu'ils résidaient avant de rejoindre le territoire français. Dans les circonstances de l'espèce, et compte tenu notamment des conditions et de la durée de leur séjour en France, les décisions de refus de séjour en litige n'ont donc pas porté au droit de M. et Mme D...au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises. Il en résulte que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
10. En dernier lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Aux termes de l'article 1er de la même convention, " un enfant s'entend de tout être humain âgé de moins de dix-huit ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ".
11. L'enfant mineur de M. et MmeD..., né le 17 janvier 2000, a vocation à les accompagner et les requérants n'établissent pas qu'il ne pourrait pas poursuivre avec eux une vie privée et familiale normale en Russie. En outre, leur fils aîné, né le 25 décembre 1997 et qui avait d'ailleurs plus de dix-huit ans à la date de la décision contestée, s'est, comme eux, vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par un arrêté du 16 mars 2017 du préfet du Bas-Rhin, qui n'a été annulé ni par le tribunal administratif de Strasbourg, ni par la cour administrative d'appel de Nancy, laquelle a rejeté l'appel de l'intéressé par arrêt de ce jour. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, M. et Mme D...n'établissent pas l'illégalité des décisions de refus de titre de séjour qu'ils contestent. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions doit être écarté.
13. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 9 et 11, et en l'absence d'autre élément invoqué par M. et MmeD..., le moyen tiré de ce que le préfet du Bas-Rhin aurait commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences des décisions contestées quant à leur situation personnelle doit être écarté.
Sur les décisions fixant le pays de destination :
14. Aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " . Et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
15. Si M. et Mme D...soutiennent qu'ils ont été persécutés en Russie compte tenu de leurs origines yézides et que M. D...a notamment fait l'objet de menaces de la part des autorités russes lors de la demande de son épouse pour obtenir la nationalité russe et un passeport, ils n'établissent pas, par les pièces produites à l'instance, le caractère personnel, réel et actuel des risques allégués en cas de retour dans ce pays. Par suite, et alors au demeurant que leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les requêtes de M. et Mme D...sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... D..., à Mme E...G...épouse D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.
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