Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 février 2020 et 26 juin 2020, M. D..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision méconnaît l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 22 juin 2020 et 21 juillet 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés et s'en rapporte, pour l'essentiel, à ses écritures de première instance.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. A... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C... D..., ressortissant tchadien né le 6 janvier 2000 et entré en France le 27 juillet 2016, a été pris en charge au titre de l'aide sociale à l'enfance par le département du Calvados à compter du 4 mai 2017 à la suite d'une ordonnance de placement provisoire du même jour. Le 15 février 2018, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-15 et de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 12 septembre 2019, le préfet du Calvados a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1902561 du 24 janvier 2020, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. M. D... relève appel de ce jugement.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".
3. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation ainsi portée.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. D... entretient des contacts avec sa famille restée dans son pays d'origine, et que son père, qui a organisé son voyage vers la France, sa mère ainsi que ses frères et soeurs résident toujours au Tchad. Par ailleurs, si M. D... a pu obtenir un baccalauréat technologique avec la note de 10,55, les bulletins de note produits font état d'un ensemble fragile et d'importantes difficultés de compréhension. Au regard de l'ensemble de ces éléments, et compte tenu du large pouvoir d'appréciation dont dispose le préfet en la matière, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que celui-ci a refusé de délivrer à M. D... un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention " étudiant ". En cas de nécessité liée au déroulement des études ou lorsque l'étranger a suivi sans interruption une scolarité en France depuis l'âge de seize ans et y poursuit des études supérieures, l'autorité administrative peut accorder cette carte de séjour sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée et sous réserve d'une entrée régulière en France (...) ". Aux termes de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " ou " étudiant-programme de mobilité " doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français (...) ".
6. Il ressort des pièces du dossier que M. D... percevait à la date de la décision contestée une aide financière de 336,5 euros. Si M. D... bénéficie d'un hébergement à titre gratuit, le coût de cet hébergement ne saurait être intégré dans le calcul de ses moyens d'existence. Par suite, M. D... ne justifie pas, à la date de la décision contestée, avoir bénéficié, au cours de la période de douze mois précédant cette décision, soit de septembre 2018 à juin 2019, de ressources mensuelles d'un montant supérieur à celui de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée aux boursiers du Gouvernement français de 615 euros, visée par les dispositions du 1° de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Calvados a pu légalement, pour ce seul motif, refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étudiant.
7. En troisième lieu, M. D... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, les moyens invoqués en première instance et tirés de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. D... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
9. En second lieu, si M. D... fait valoir qu'il a fourni de réels efforts d'intégration, en particulier sur le plan scolaire, qu'il a sa soeur en France et qu'il existe un climat d'insécurité au Tchad, ces circonstances, pour dignes d'intérêt qu'elles soient, ne sauraient caractériser l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation.
10. Il résulte de tout ce qui précède M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. A..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er avril 2021.
Le rapporteur,
H. A...Le président,
F. BatailleLe rapporteur,
H. A...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT00618