Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 mai 2019, le préfet du Calvados demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen.
Il soutient que c'est à tort que le tribunal administratif a annulé son arrêté dès lors que la formation suivie par M. C... n'est ni réelle ni sérieuse et que l'intéressé ne démontre pas être dépourvu de liens avec son pays d'origine.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2019, M. F... C..., représenté par Me B..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Calvados ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 juillet 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 31 décembre 2002 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité albanaise, né le 15 septembre 2000, a été placé le 20 octobre 2016 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du Calvados en qualité de mineur isolé alors qu'il était âgé de plus de 16 ans. Il a demandé au préfet du Calvados la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11, de l'article L. 313-15 ou de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 1er février 2019, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et fixé le pays de destination vers lequel il pouvait être éloigné. Il relève appel du jugement du 7 mai 2019 en tant que le tribunal administratif de Caen, a annulé l'arrêté du 1er février 2019 (article 2), enjoint au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement (article 3), mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4).
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
3. Pour annuler l'arrêté contesté, le tribunal administratif de Caen s'est fondé sur le sérieux du suivi de la formation de M. C... et l'absence de contacts avec sa famille restée dans le pays d'origine.
4. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., après avoir été inscrit dans une classe allophone en 2016-2017, a intégré l'année scolaire suivante la première année de certificat d'aptitude professionnelle (CAP) mention " peintre en bâtiment " dans un lycée de Caen. Il a été admis en seconde année au titre de l'année 2018-2019 au cours de laquelle les résultats du premier trimestre ont été jugé satisfaisants. Malgré trois demi-journées d'absence qui ne sont pas justifiées et cinq retards depuis le début de l'année scolaire, qui sont mentionnés sur le bulletin trimestriel, l'absence du caractère réel et sérieux du suivi des études, qui a été retenu par le préfet du Calvados, n'est pas démontrée. Toutefois, il n'est pas contesté par M. C... que celui-ci conserve ses attaches familiales en Albanie où vivent ses parents. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a accueilli, pour annuler l'arrêté litigieux, le moyen tiré de ce que le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. C... devant le tribunal administratif de Caen.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
6. M. A... D..., directeur de l'immigration à la préfecture du Calvados, a reçu délégation de signature, par un arrêté du 21 décembre 2018 régulièrement publié au recueil des actes administratifs, à l'effet de signer notamment " tous les arrêtés, décisions, pièces et correspondances en toutes matières ressortissant aux attributions de la direction de l'immigration ", à l'exception de certains actes au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées ne peut qu'être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) ".
8. Il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels et, à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ". Dans cette dernière hypothèse, un demandeur qui justifierait d'une promesse d'embauche ou d'un contrat lui permettant d'exercer une activité caractérisée par des difficultés de recrutement et figurant sur la liste établie au plan national par l'autorité administrative, ne saurait être regardé, par principe, comme attestant, par là même, des motifs exceptionnels exigés par la loi. Il résulte de ces dispositions que le législateur a entendu laisser à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels que celui-ci fait valoir. Il lui appartient d'examiner, notamment, si la qualification, l'expérience et les diplômes de l'étranger ainsi que les caractéristiques de l'emploi auquel il postule, de même que tout élément sur la situation personnelle de l'étranger, tel que, par exemple, l'ancienneté de son séjour en France, peuvent constituer, en l'espèce, des motifs exceptionnels d'admission au séjour.
9. M. C..., qui est entré en France en mai 2016 selon ses déclarations, est célibataire et sans enfant à charge. Comme il a été dit au point 4, il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. Par ailleurs, il ne se prévaut d'aucun contrat de travail. Ainsi, M. C... ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel au sens des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile tant sur le plan de la vie privée et familiale que sur le plan professionnel. Dès lors, le préfet du Calvados n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans l'application de ces dispositions.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le refus de délivrer à M. C... un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris, en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur sa situation personnelle.
11. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I- La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". (...) II- (...) Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application des dispositions du présent article, en particulier en ce qui concerne les ressources exigées, les conditions d'inscription dans un établissement d'enseignement (...) ". Aux termes de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " (...) l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention " étudiant " doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français (...) ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2002 susvisé : " Le montant de l'allocation d'entretien prévue à l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 1983 susvisé est fixé à 615 euros par mois ".
12. M. C... ne démontre pas disposer de ressources suffisantes, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée aux boursiers de Gouvernement français ainsi que l'exigent les dispositions du 1° de l'article R. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
13. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
14. Dès lors que la décision refusant la délivrance un titre de séjour est suffisamment motivée, notamment sur la situation scolaire en France et familiale dans son pays d'origine de M. C..., et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
15. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences sur la situation personnelle de M. C... doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé l'arrêté du 1er février 2019 concernant M. C... (article 2), enjoint au préfet du Calvados de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement (article 3) et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 4). Par voie de conséquence, les conclusions en appel de M. C... relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Les articles 2, 3 et 4 du jugement du tribunal administratif de Caen du 7 mai 2019 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Caen et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. F... C... et à Me B....
Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 22 octobre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 5 novembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. E...
Le président,
F. Bataille Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01991