Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 9 janvier et 23 février 2017, M. B...C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 septembre 2016 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Mayenne du 22 février 2016 ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui enjoindre de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'incompétence ; elle méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ; l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ne fait pas état de sa capacité ou non à voyager sans risque et le préfet ne l'a pas saisi pour qu'il se prononce sur ce point ; elle est illégale dès lors qu'elle est fondée sur une décision portant refus de titre de séjour elle-même illégale ; elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'incompétence ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2017, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, le motif tiré de l'absence de conséquences d'une exceptionnelle gravité en cas de défaut de prise en charge médicale doit être substitué au motif tenant à l'existence d'un traitement approprié à l'état de santé du requérant en Angola.
M. B...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er décembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. B...C..., ressortissant angolais né le 25 mai 1985, est entré en France en 2011 et a bénéficié d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du 3 juillet 2013 au 12 février 2016 ; que, par un arrêté du 22 février 2016, le préfet de la Mayenne a rejeté sa demande tendant au renouvellement de ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ; qu'il relève appel du jugement du 16 septembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ;
3. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
4. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
5. Considérant que, par un avis rendu le 11 février 2016, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. B...C...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existe pas de traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ; que le préfet de la Mayenne a toutefois refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif qu'il existe en Angola un traitement approprié à la pathologie de M. B...C... ;
6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que l'état de santé de M. B... C...nécessite un suivi psychothérapeutique et un traitement médicamenteux dont la prescription et la délivrance sont établies ; que le préfet de la Mayenne a entendu justifier, devant les premiers juges, de l'existence en Angola d'un traitement approprié à l'état de l'intéressé en produisant, notamment, la fiche sanitaire de l'Angola établie en 2006 par les services du ministère de l'intérieur, la liste des médicaments essentiels et une facture délivrée le 13 mars 2012 par une pharmacie située à Luanda, laquelle ne mentionne qu'un seul des trois médicaments prescrits au requérant ; que ni ces documents ni ceux produits par le préfet en appel ne permettent d'établir la disponibilité en Angola des deux autres médicaments qui lui sont prescrits, la Mirtazapine (mirtazapine) et le Tercian (cyamemazine) ; qu'ainsi, le préfet de la Mayenne, qui n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'existence en Angola d'un traitement approprié à la prise en charge de M. B... C..., n'a pu légalement se fonder sur ce motif pour rejeter la demande du requérant ;
7. Considérant, d'autre part, qu'en se bornant à faire valoir que les troubles psychiatriques dont souffre le requérant ne trouveraient pas leur origine dans les événements auxquels celui-ci soutient avoir été confrontés en Angola, le préfet n'établit pas que, contrairement à ce qu'a estimé le médecin de l'agence régionale de santé, un défaut de prise en charge médicale n'entraînerait pas, pour le requérant, des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que, dès lors, le préfet n'est pas fondé à demander, à titre subsidiaire, que ce motif soit substitué à celui sur lequel il s'est fondé dans la décision contestée ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la décision refusant à M. B...C...le renouvellement de son titre de séjour est illégale ; que cette illégalité est de nature à en entraîner l'annulation ainsi que celle, par voie de conséquence, des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ; que M. B...C...est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Loire-Atlantique du 22 février 2016 ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
9. Considérant qu'eu égard au motif de l'annulation prononcée, le présent arrêt implique nécessairement, sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant la situation de M. B...C..., que le préfet de la Mayenne lui délivre, dans un délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt, un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ; qu'il y a lieu de prononcer une injonction en ce sens sans qu'il soit besoin de l'assortir d'une l'astreinte ;
Sur les conclusions aux fins d'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Considérant que M. B...C...ayant obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, son avocat peut se prévaloir des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me D... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de celui-ci le versement à ce conseil de la somme de 1 500 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 16 septembre 2016 et l'arrêté du préfet de la Mayenne du 22 février 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Mayenne de délivrer à M. B...C..., sous réserve d'un changement dans les circonstances de droit ou de fait concernant sa situation, une carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me D...une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...C...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 23 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 avril 2017.
Le rapporteur,
K. BougrineLe président,
S. Aubert
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 1700077 2
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