Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 septembre 2018 et 7 mars 2019, MmeD..., représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Vendée, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêté et de la munir d'un récépissé dans l'attente de ce réexamen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Me B...en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle n'a été précédée d'aucun examen particulier quant à l'empêchement à l'éloignement prévu aux dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle a été prise en méconnaissance du principe général du droit de l'Union européenne d'être entendu ; l'adoption d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sans aucun examen de la situation actuelle du demandeur méconnaît l'article 5 de la directive retour ; elle est illégale dès lors qu'ayant sollicité le bureau d'aide juridictionnelle du Conseil d'Etat en vue de solliciter la cassation de la décision de la Cour nationale du droit d'asile le 28 février 2018, sa demande d'asile était toujours en cours à la date de la décision contestée et les dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui étaient pas applicables ; elle n'a pas été précédée d'un examen complet de sa situation, notamment au regard de la question des réseaux de traite des êtres humains sur laquelle la plus grande attention doit être portée conformément à la circulaire du 28 novembre 2012 et à la note d'information du 19 mai 2015 et des titres de séjour de plein droit prévus dans le cas d'une sortie de réseau de traite des être humains et sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que celles du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de son état de santé ; elle a été adoptée sans examen des craintes de violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la présence en France depuis plus de deux années, des relations qu'elle a nouées et des menaces pesant sur sa vie en cas de retour dans son pays d'origine ;
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée ; elle a été prise en méconnaissance du droit d'être entendu ; elle n'a pas été précédée d'un examen approprié des risques : elle méconnaît les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison de ses craintes actuelles de répression par les autorités du fait de ses opinions politiques et des craintes de représailles des membres du réseau de passeurs.
Par des mémoires, enregistrés les 17 janvier 2019 et 21 mars 2019, le préfet de la Vendée conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés par Mme D...ne sont pas fondés.
Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 20 août 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive n°2008/115/CE ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les observations de MeA..., substituant MeB..., représentant MmeD....
Une note en délibéré, présentée pour MmeD..., a été enregistrée le 16 mai 2019.
Considérant ce qui suit :
1. MmeD..., ressortissante congolaise née le 13 juillet 1978, a sollicité l'asile le 13 septembre 2016. A la suite du rejet de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié, confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 31 janvier 2018, le préfet de la Vendée lui a, par arrêté du 1er mars 2018, fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Mme D...a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 3 mai 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation de quitter le territoire français fait suite au constat de ce que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou de ce que celui-ci ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a été entendu dans le cadre du dépôt de sa demande d'asile à l'occasion de laquelle l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D...ait sollicité, sans réponse, un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle ait été empêchée de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision contestée. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est intervenue en méconnaissance du droit d'être entendu préalablement à une décision administrative défavorable. Pour les mêmes motifs, il en va de même s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 5 de la directive 2008/115/CE n'est pas assorti des précisions suffisantes pour permettre à la cour d'en apprécier le bien-fondé. Mme D...ne peut, en tout état de cause, utilement s'en prévaloir dès lors que cet article, aux termes duquel " Lorsqu'ils mettent en oeuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte : / a) de l'intérêt supérieur de l'enfant, / b) de la vie familiale, / c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, / et respectent le principe de non-refoulement. " a été transposé en droit interne.
4. En troisième lieu, alors qu'il est constant que Mme D...n'a fait part aux services préfectoraux que le 11 avril 2018, soit postérieurement à l'arrêté contesté, d'éléments particuliers relatifs à son état de santé, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en l'absence d'un examen particulier de sa situation ou d'une insuffisante motivation au regard des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En quatrième lieu, en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne peut faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français l'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
6. Si Mme D...justifie être suivie sur le plan médical et psychologique, aucune des pièces produites ne permet d'établir qu'à la date de la décision contestée, le défaut de prise en charge médicale pouvait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'elle figurait donc au nombre des étrangers qui ne peuvent être éloignés en vertu du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En cinquième lieu, Mme D...est entrée en France, selon ses déclarations, en février 2016, à l'âge de 37 ans. Elle ne se prévaut d'aucune attache familiale en France et ne justifie, par les attestations produites, ni de liens privés d'une particulière intensité ni d'une réelle intégration sociale ou professionnelle. Elle n'est pas dépourvue de toutes attaches dans son pays d'origine où elle n'établit pas, faute de justifier de la réalité des menaces qu'elle allègue encourir en cas de retour au Congo, qu'elle ne pourrait mener une vie familiale normale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
9. La seule production d'une attestation du 12 mars 2018 d'un tiers se disant témoin des faits survenus le 11 février 2016, de convocations au commissariat et de photos de cicatrices sur le dos d'une personne non identifiée ne permettent pas de justifier du bien-fondé et de l'actualité des craintes évoquées par Mme D...tant en raison des persécutions politiques qu'elle aurait subies du fait de son proximité avec le général Mokoko que des risques de représailles par les membres du réseau de passeurs qui l'ont aidé à venir en France, alors au surplus que ni sa proximité avec ce général et son embauche en qualité de femme de ménage ni son enrôlement dans un réseau de prostitution n'ont été tenus pour établis par la Cour nationale du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions citées au point précédent doivent être écartés.
10. En dernier lieu, Mme D...se borne à reprendre en appel, sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions contestées, du défaut d'examen particulier et du défaut de base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français en raison de son droit à se maintenir sur le territoire français. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris les conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Vendée.
Délibéré après l'audience du 16 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Malingue, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juin 2019.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT03422
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