Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2019, Mme D..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, à titre principal, de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai de 15 jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision de refus de délivrance d'une attestation de demandeur d'asile :
- c'est à tort que le préfet de la Loire-Atlantique a mentionné dans son arrêté le fait qu'elle avait déposé une demande de réexamen de sa demande d'asile le 7 juin 2019 ; le préfet s'est estimé lié par le 5° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a méconnu ces dispositions ; cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le préfet n'était pas tenu d'examiner les risques encourus au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen ;
S'agissant de la décision confirmant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
- il s'agit d'une nouvelle décision, procédant d'un examen actualisé de sa situation ; l'arrêté du 7 juin 2019 n'est pas fondé, contrairement à l'arrêté initial du 29 novembre 2017, sur l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile mais sur le 5° de l'article L. 743-2 de ce code ; elle se trouvait, à la date du 7 juin 2019, dans une situation différente puisqu'entre-temps, sa demande de réexamen a été rejetée et elle a déposé plainte ; cette décision constitue donc une décision nouvelle et indépendante de l'arrêté du 29 novembre 2017 ; le magistrat désigné a omis de statuer sur le moyen tiré de ce que la décision du 7 juin 2019 constituait une nouvelle décision ; le magistrat désigné était tenu d'examiner le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui s'apprécie au jour de la décision ; le fait de déclarer ses conclusions irrecevables méconnaît les articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le magistrat désigné n'a pas examiné le moyen tiré de ce que cette décision " constituait une obligation de quitter le territoire français révélée ", le moyen " relatif à l'examen ex nunc des risques encourus " et le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; cette décision a été prise par une autorité incompétente ; cette décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen ; elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision refusant la délivrance de l'attestation de demande d'asile ; le préfet n'a pas examiné sa situation au regard des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision confirmant la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 février 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet pour l'essentiel à ses écritures de première instance et que les moyens nouveaux invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Par une décision du 5 août 2019, Mme D... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me A..., substituant Me C..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante nigériane née le 24 août 1985, déclare être entrée en France le 13 décembre 2015. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 24 octobre 2016, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile, le 4 mai 2017. Par un arrêté du 29 novembre 2017, la préfète de la Loire-Atlantique a obligé Mme D... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office à l'expiration de ce délai. Mme D... a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de Nantes, qui a rejeté sa requête par un jugement du 15 février 2018, confirmé par la présente cour le 2 mai 2018. Par la suite, la demande de réexamen de Mme D... a à nouveau été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides le 16 juillet 2018 et par la Cour nationale du droit d'asile le 20 mars 2019. Le 28 mars 2019, Mme D... a sollicité en préfecture un deuxième réexamen de sa demande d'asile. Par un arrêté du même jour, le préfet de la Loire-Atlantique a, sur le fondement des dispositions du 5° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile et lui a rappelé qu'elle faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'en cas de maintien sur le territoire, elle serait susceptible d'être éloignée d'office à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays vers lequel elle serait légalement admissible. Mme D... a contesté cet arrêté du 28 mars 2019 devant le tribunal administratif de Nantes. Par un arrêté du 7 juin 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a retiré son arrêté du 28 mars 2019 qui n'était pas signé et a de nouveau refusé la délivrance de l'attestation de demande d'asile et confirmé le fait qu'elle faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qu'en cas de maintien sur le territoire, elle serait susceptible d'être éloignée d'office à destination de son pays d'origine ou de tout autre pays vers lequel elle serait légalement admissible. Par un jugement n° 1903938 du 24 juin 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes, après avoir considéré que Mme D... devait être regardée comme demandant l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2019, a rejeté sa demande. Mme D... relève appel de ce jugement.
Sur la décision refusant la délivrance d'une attestation de demande d'asile :
2. Aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le
28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen (...) ".
3. En premier lieu, si le préfet a mentionné, dans son arrêté du 7 juin 2019, le fait que Mme D... avait présenté une demande de réexamen de sa demande d'asile le même jour, il s'agit d'une erreur de plume sans incidence sur la légalité de décision contestée.
4. En deuxième lieu, l'arrêté du 7 juin 2019, rappelle que la demande de réexamen de la demande d'asile de l'intéressée a fait l'objet d'un rejet définitif, précise que le refus de délivrance de l'attestation de demande d'asile est fondé sur le 5° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne enfin qu'après un examen attentif de la situation de l'intéressée, l'attestation en cause ne peut lui être délivrée. Cet arrêté est, dès lors, suffisamment motivé.
5. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté du 7 juin 2019 aurait été pris sans examen particulier des circonstances de l'espèce.
6. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique se serait estimé en situation de compétence liée au regard des dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme D... soit exposée, en cas de retour au Nigéria, à des traitements inhumains ou dégradants proscrits par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La Cour nationale du droit d'asile a d'ailleurs relevé, dans son arrêt du 4 mai 2017 et dans celui du 20 mars 2019 que les craintes de l'intéressée ne pouvaient être regardées comme établies. Les dispositions de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent toutefois au préfet, même en l'absence de risque de traitements inhumains ou dégradants, de délivrer l'attestation de demande d'asile sollicitée. En l'espèce, si Mme D... fait valoir qu'elle se trouve dans une situation de vulnérabilité particulière en raison de sa participation à un réseau de prostitution et du fait qu'elle s'est portée partie civile dans le cadre d'une procédure pénale pour viol en décembre 2017, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en refusant de délivrer l'attestation sollicitée, le préfet de la Loire-Atlantique ait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision confirmant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination :
8. En premier lieu, cette décision se borne à confirmer l'arrêté du 29 novembre 2017 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination qui a été opposé à Mme D.... Contrairement à ce que soutient Mme D..., il ne s'agit pas d'une décision nouvelle, mais d'une décision confirmative insusceptible de recours. Il suit de là que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a considéré que les conclusions dirigées contre cette décision étaient irrecevables et les a rejetées pour ce motif.
9. En second lieu, Mme D... fait valoir que le magistrat désigné a omis d'examiner le moyen tiré de ce que cette décision " constituait une obligation de quitter le territoire français révélée ", le moyen " relatif à l'examen ex nunc des risques encourus " et le moyen tiré de la violation de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Toutefois, le magistrat désigné ayant considéré que les conclusions dirigées contre la décision confirmant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination étaient irrecevables, il n'avait pas à examiner les moyens soulevés par Mme D.... Enfin, à supposer que Mme D... ait entendu faire valoir que le jugement attaqué serait entaché d'un défaut de motivation, il ressort de ce même jugement que le magistrat désigné a suffisamment motivé les raisons pour lesquelles il a estimé que les conclusions dirigées contre la décision confirmant les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination étaient irrecevables.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 24 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 8 octobre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02761