Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 mars 2014, la SASP Stade Malherbe de Caen, représentée par Me Lemaitre, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 25 février 2014 ;
2°) de prononcer la restitution et le remboursement demandés ;
3°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de deux questions préjudicielles ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable en vertu du 3° de l'article 261 du code général des impôts aux droits d'entrée perçus par les organisateurs de réunions sportives soumises à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements a un champ d'application plus vaste qu'au 1er janvier 1978 de sorte qu'elle méconnaît les dispositions de l'article 371 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ; cette exonération méconnaît également le principe de neutralité fiscale ;
- dès lors que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée méconnaît les dispositions de l'article 371 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, la taxe aurait dû grever les droits d'entrée au stade ; cependant, l'instruction 3 A-3-06 du 13 janvier 2006 prévoit son exonération, de sorte que le crédit de taxe que la société détient ne saurait être diminué du montant de cette taxe ;
- dès lors que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée méconnaît les dispositions de l'article 371 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006, le chiffre d'affaires lié aux droits d'entrée aux réunions sportives ne doit pas être inclus au numérateur du rapport d'assujettissement de la taxe sur les salaires ; elle n'était donc pas assujettie à la taxe sur les salaires au titre de l'année 2010.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ;
- le code général des impôts ;
- la loi n° 66-10 du 6 janvier 1966 ;
- la loi n° 78-1240 du 29 décembre 1978 ;
- la loi n° 89-936 du 29 décembre 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jouno,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Stade Malherbe de Caen a contesté l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, prévue par l'article 261 E du code général des impôts, des droits d'entrée perçus par elle à l'occasion de l'organisation de réunions sportives et demandé, en conséquence, le remboursement des droits de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à la taxe d'amont qu'elle n'avait pu déduire, du fait de cette exonération, au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2010, ainsi que la restitution de la cotisation de taxe sur les salaires qu'elle avait acquittée au titre de l'année 2010 ; que la SASP Stade Malherbe de Caen relève appel du jugement du 25 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté cette demande ;
Sur les conclusions tendant à la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 261 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la période en litige : " Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) / 3° Les droits d'entrée perçus par les organisateurs de réunions sportives soumises à l'impôt sur les spectacles, jeux et divertissements " ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'en édictant les dispositions du 3° de l'article 261 E du code général des impôts, issues de la loi du 29 décembre 1978 de finances rectificative pour 1978 et prises pour la transposition de la directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, le législateur a entendu maintenir l'exonération dont bénéficiaient auparavant les réunions sportives, sur le fondement du 5° du 1 de l'article 261 du même code qui exonérait " les affaires qui entrent dans le champ de l'impôt sur les spectacles " ; que, par suite, les réunions sportives soumises à l'impôt sur les spectacles au sens des dispositions du 3° de l'article 261 E de ce code sont celles qui entrent dans le champ d'application de cet impôt en vertu de l'article 1559 du même code aux termes duquel, dans sa rédaction applicable : " Les spectacles, jeux et divertissements de toute nature sont soumis à un impôt dans les formes et modalités déterminées par les articles 1560 à 1566. (...) " ;
4. Considérant que, si la loi du 29 décembre 1989 de finances rectificative pour 1989 a prévu, au b du 3° de l'article 1561 du code général des impôts, la faculté pour le conseil municipal d'exempter d'impôt sur les spectacles " l'ensemble des compétitions sportives organisées pendant l'année sur le territoire de la commune ", alors que cette possibilité d'exonération était jusque-là limitée aux seules " réunions exceptionnelles ", il résulte de ce qui précède que cette extension de l'exonération facultative d'impôt sur les spectacles est restée sans incidence sur la portée de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux réunions sportives, dès lors que ces dernières, même lorsqu'elles en sont exonérées, demeurent... ;
5. Considérant qu'aux termes de l'article 371 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, qui reprend les dispositions du b) du 3 de l'article 28 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 : " Les États membres qui, au 1er janvier 1978, exonéraient les opérations dont la liste figure à l'annexe X, partie B, peuvent continuer à les exonérer, dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date. " ; que le 1) de la partie B de l'annexe X à cette directive mentionne " la perception de droits d'entrée aux manifestations sportives " ; que ces dispositions interdisent aux Etats membres de l'Union européenne d'introduire de nouvelles exonérations de taxe sur la valeur ajoutée ou d'étendre la portée des exonérations existantes, postérieurement au 1er janvier 1978 ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée applicable à la perception de droits d'entrée aux manifestations sportives, qui couvre l'ensemble des manifestations situées dans le champ d'application de l'impôt sur les spectacles, est restée inchangée depuis le 1er janvier 1978 ; que, par suite, le maintien de cette exonération ne méconnaît pas les dispositions de l'article 371 de la directive du 28 novembre 2006 ;
7. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, si le système commun de la taxe sur la valeur ajoutée garantit la parfaite neutralité quant à la charge fiscale de toutes les activités économiques, quels que soient les buts ou les résultats de ces activités, c'est à la condition que ces activités soient elles-mêmes soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que, par suite, alors même qu'elle fait obstacle à l'exercice du droit à déduction, l'existence d'une exonération de taxe sur la valeur ajoutée, dans le respect de règles posées par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, ne méconnaît pas par elle-même le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que, contrairement à ce que soutient la société, la modification de l'article 1561 par la loi du 29 décembre 1989 de finances rectificative pour 1989 ne porte pas davantage atteinte à ce principe dès lors qu'elle est sans incidence sur le champ de l'exonération de la taxe prévue par l'article 261 E du code général des impôts ;
Sur les conclusions tendant au remboursement de la taxe sur les salaires :
8. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 231 du code général des impôts : " Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires (...) à la charge des personnes ou organismes (...) qui paient ces rémunérations lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 % au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. (...) " ;
9. Considérant que la totalité des droits d'entrée perçus par la SASP Stade Malherbe de Caen durant la période en litige était, en application des dispositions du 3° de l'article 261 E du code général des impôts, exonérée de taxe sur la valeur ajoutée ; que , dès lors, c'est à bon droit que l'administration a assujetti la société à la taxe sur les salaires sur le fondement des dispositions précitées de l'article 231 du même code, selon les modalités fixées par cet article ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de saisir à titre préjudiciel la Cour de justice de l'Union européenne, la SASP Stade Malherbe de Caen n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que la SASP Stade Malherbe de Caen demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SASP Stade Malherbe de Caen est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme sportive professionnelle (SASP) Stade Malherbe de Caen et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 25 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 10 mars 2016.
Le rapporteur,
T. Jouno Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT00873