Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juillet 2020 et 20 février 2021, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) d'annuler cet arrêté;
3°) d'enjoindre au préfet de la Sarthe de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient :
- que sa demande de première instance n'était pas tardive dès lors qu'il convenait de tenir compte de son impossibilité de déposer un recours dans les délais prévus par les textes en raison de son incarcération et que l'arrêté du préfet de la Sarthe ne portait pas mention de la possibilité pour l'intéressé de déposer une requête dans le délai de recours contentieux auprès du chef de l'établissement pénitentiaire ;
- que l'arrêté contesté n'a pas été pris par le préfet de la Sarthe mais par un signataire dont l'identité ne peut être déterminée ;
sur l'obligation de quitter le territoire français, que :
- elle n'est pas suffisamment motivée ;
- la décision a été prise en méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision a été prise en méconnaissance du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
sur la décision de refus de délai de départ volontaire, que :
- la levée d'écrou était prévue le 20 mai 2020 et dès lors, aucune urgence ne justifie le refus de délai de départ volontaire ; en outre, il était dans l'impossibilité d'exécuter immédiatement la décision d'éloignement opposée ;
sur la décision fixant le pays de destination, que :
- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ;
sur l'interdiction de retour sur le territoire français, que :
- il présentait des circonstances humanitaires justifiant l'absence de prononcé d'une interdiction de retour ;
- la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
Par des mémoires en défense enregistrés les 19 et 26 février 2021, le préfet de la Sarthe conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
La demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A... a été rejetée par une décision du 8 juin 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2016-1458 du 28 octobre 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 17 mars 2001, de nationalité pakistanaise, est entré en France en étant mineur et n'a pas sollicité de titre de séjour depuis la date de sa majorité, le 17 mars 2019. Par un arrêté du 22 janvier 2020, le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et a prononcé une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. M. A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par une ordonnance du 29 janvier 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal a rejeté sa demande comme tardive. Il fait appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. - L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire sans délai peut, dans les quarante-huit heures suivant sa notification par voie administrative, demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision refusant un délai de départ volontaire, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. /Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus, selon les cas, aux I ou I bis. / (...) ".
3. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Aux termes de l'article R. 776-1 du même code : " Sont présentées, instruites et jugées selon les dispositions de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et celles du présent code, sous réserve des dispositions du présent chapitre, les requêtes dirigées contre : / 1° Les décisions portant obligation de quitter le territoire français, prévues au I de l'article L. 511-1 et à l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ainsi que les décisions relatives au séjour notifiées avec les décisions portant obligation de quitter le territoire français ; / 2° Les décisions relatives au délai de départ volontaire prévues au II de l'article L. 511-1 du même code ; / 3° Les interdictions de retour sur le territoire français prévues au III du même article et les interdictions de circulation sur le territoire français prévues à l'article L. 511-3-2 du même code ; / 4° Les décisions fixant le pays de renvoi prévues à l'article L. 513-3 du même code ; / (...) / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions tendant à l'annulation d'une autre mesure d'éloignement prévue au livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, à l'exception des arrêtés d'expulsion, présentées en cas de placement en rétention administrative, en cas de détention ou dans le cadre d'une requête dirigée contre la décision d'assignation à résidence prise au titre de cette mesure. / Sont instruites et jugées dans les mêmes conditions les conclusions présentées dans le cadre des requêtes dirigées contre les décisions portant obligation de quitter le territoire français mentionnées au 1° du présent article, sur le fondement de l'article L. 743-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tendant à la suspension de l'exécution de ces mesures d'éloignement ".
4. Enfin, d'une part, aux termes de l'article R. 776-19 du code de justice administrative : " Si, au moment de la notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1, l'étranger est retenu par l'autorité administrative, sa requête peut valablement être déposée, dans le délai de recours contentieux, auprès de ladite autorité administrative ". D'autre part, il résulte des dispositions combinées des articles R. 776-29 et R. 776-31 du même code, issues du décret du 28 octobre 2016 pris pour l'application du titre II de la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France, que les étrangers ayant reçu notification d'une décision mentionnée à l'article R. 776-1 du code alors qu'ils sont en détention ont la faculté de déposer leur requête, dans le délai de recours contentieux, auprès du chef de l'établissement pénitentiaire.
5. Pour rendre opposable le délai de recours contentieux, l'administration est tenue, en application de l'article R. 421-5 du code de justice administrative, de faire figurer dans la notification de ses décisions la mention des délais et voies de recours contentieux ainsi que les délais des recours administratifs préalables obligatoires. Elle n'est en principe pas tenue d'ajouter d'autres indications, notamment les délais de distance, la possibilité de former des recours gracieux et hiérarchiques facultatifs ou la possibilité de former une demande d'aide juridictionnelle. Si des indications supplémentaires sont toutefois ajoutées, ces dernières ne doivent pas faire naître d'ambiguïtés de nature à induire en erreur les destinataires des décisions dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours effectif.
6. En cas de rétention ou de détention, lorsque l'étranger entend contester une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment lorsqu'il entend contester une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, la circonstance que sa requête ait été adressée, dans le délai de recours, à l'administration chargée de la rétention ou au chef d'établissement pénitentiaire, fait obstacle à ce qu'elle soit regardée comme tardive, alors même qu'elle ne parviendrait au greffe du tribunal administratif qu'après l'expiration de ce délai de recours.
7. Depuis l'entrée en vigueur des dispositions mentionnées au point 4 ci-dessus, au 1er novembre 2016, il incombe à l'administration de faire figurer, dans la notification à un étranger retenu ou détenu d'une décision prise sur le fondement du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour laquelle celui-ci a prévu un délai de recours bref, notamment d'une décision portant obligation de quitter le territoire sans délai, pour laquelle l'article L. 512-1 de ce code prévoit un délai de recours de quarante-huit heures, la possibilité de déposer une requête contre cette décision, dans le délai de recours, auprès de l'administration chargée de la rétention ou du chef d'établissement pénitentiaire.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 22 janvier 2020 du préfet de la Sarthe faisant obligation à M. A... de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou vers tout autre pays dans lequel il est légalement admissible, et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français, lui a été notifié par voie administrative le 24 janvier 2020 à 16 heures 30. La requête tendant à l'annulation de cet arrêté n'a été enregistrée que le 27 janvier 2020 au greffe du tribunal administratif de Nantes. Toutefois, si la notification de cet arrêté comportait l'indication des voies et délais de recours, elle ne mentionnait pas la possibilité de déposer une requête contre cette décision, dans le délai de recours, auprès du chef d'établissement pénitentiaire, alors qu'il est constant que M. A... était incarcéré à la maison d'arrêt du Mans à la date où l'arrêté contesté lui a été notifié. Dès lors, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande comme étant tardive. Par suite, cette ordonnance doit être annulée.
9. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté :
10. Si le requérant soutient que l'identité du signataire de l'acte litigieux ne peut être déterminée, il ressort de la copie de l'arrêté contesté produite en première instance que les noms et qualités du signataire de l'acte apparaissaient lisiblement. L'arrêté contesté a été signé par M. Baron, secrétaire général de la préfecture de la Sarthe, qui disposait pour ce faire d'une délégation de signature du 22 mars 2019 régulièrement publiée dans le recueil des actes administratifs spécial du même jour. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
11. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui n'a pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation du requérant mais seulement ceux sur lesquels le préfet entend fonder sa décision, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse, ou un membre de sa famille à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. ". Si le requérant soutient que l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de ces dispositions, ce moyen doit être écarté comme inopérant dès lors que cette obligation de quitter le territoire est fondée non pas sur cet article, non applicable aux ressortissants pakistanais, mais sur le 7° du I de l'article L. 511-1 du même code.
13. En troisième et dernier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. _ L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 7° Si le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; (...) ".
14. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été condamné le 15 novembre 2019, par le tribunal de grande instance d'Alençon, à une peine d'emprisonnement d'un an dont quatre mois avec sursis, notamment pour vols aggravés, tentative de vol aggravé, et détérioration du bien d'autrui commise en réunion. Il a été incarcéré à la maison d'arrêt du Mans le 15 novembre 2019. En outre, le préfet de la Sarthe fait valoir sans être contredit que le requérant était déjà connu des services de police pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, de provocation à l'usage de substance présentée comme dotée d'effet stupéfiant, d'acquisition non autorisée de stupéfiants et de recel de bien provenant d'un vol. Compte tenu de ces faits graves et multiples, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en estimant que la présence de M. A... constituait une menace à l'ordre public et qu'il figurait au nombre des étrangers pouvant faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur ce fondement.
Sur la décision de refus de délai de départ volontaire :
15. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II. _ L'étranger auquel il est fait obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de quitter le territoire français. (...) Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) ".
16. Il est constant que M. A... est entré en France en étant mineur, sans visa d'entrée et de séjour, et n'a pas sollicité de titre de séjour depuis la date de sa majorité, le 17 mars 2019. S'il était encore incarcéré à la date de l'arrêté contesté, la levée d'écrou était relativement proche, au 20 mai 2020, et l'obligation de quitter le territoire sans délai doit être regardée comme prononcée à compter de cette levée d'écrou. Ainsi, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant de ne pas accorder de délai de départ volontaire à M. A....
Sur la décision fixant le pays de destination :
17. Il résulte des points 10 à 14 que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
18. En premier lieu, il résulte des points 10 à 14 que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.
19. En second lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) ". Si M. A... est entré en France alors qu'il était encore mineur et a été scolarisé en France, ces éléments ne peuvent être regardés, en l'espèce, comme des circonstances humanitaires justifiant que le préfet ne prononce pas d'interdiction de retour. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
20. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2020 du préfet de la Sarthe. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2000973 du 29 janvier 2020 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes est annulée.
Article 2 : La demande de M. A... présentée devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions présentées en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. Brasnu, premier conseiller,
- Mme B..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.
La rapporteure,
P. B...Le président,
J-E. Geffray
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT01963