Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 septembre 2020 et 15 mars 2021, M. M'A..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) par un arrêt avant dire droit, d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire ou à l'Office français de l'immigration et de l'intégration de produire toute preuve de la collégialité et de la délibération du collège et de produire les extraits Thémis relatifs à l'instruction du dossier de M. M'A... ;
2°) d'annuler ce jugement ;
3°) d'annuler cet arrêté ;
4°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour ou à défaut de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- il n'existe pas de procédé fiable d'identification des signataires de l'avis rendu par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; l'horodatage et l'identification des signataires n'est pas sécurisée ; le procédé ne respecte par le référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2015 ;
- l'avis du collège de médecins est irrégulier en ce qu'il ne comporte pas de mention relative à la durée des soins, comme le prévoit le d de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est également irrégulier en raison de l'absence de caractère collégial :
- le préfet a commis une erreur de droit en s'estimant à tort en situation de compétence liée ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ;
- cette décision méconnaît l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination et la décision faisant astreinte à se présenter au bureau des étrangers doivent être annulées par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense enregistré le 15 février 2021, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
M. M'A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 août 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le règlement (UE) n° 910/2014 du parlement européen et du conseil du 23 juillet 2014 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n°2005-1516 du 8 décembre 2015 ;
- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B... ;
- et les observations de Me F..., substituant Me E..., représentant M. M'A....
Considérant ce qui suit :
1. M. M'A..., ressortissant de la République du Congo, né le 18 novembre 1951, est entré régulièrement en France le 25 mai 2017, sous couvert d'un visa de court séjour, puis a demandé un titre de séjour pour raisons de santé. Par un arrêté du 27 mai 2019, le préfet de Maine-et-Loire a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré ou tout autre pays pour lequel il établit être admissible. M. M'A... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 1907870 du 27 mai 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. M'A... relève appel de ce jugement.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1er du décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique : " La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique qualifiée. / Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ". Selon l'article 26 du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE : " Exigences relatives à une signature électronique avancée Une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes : / a) être liée au signataire de manière univoque ; / b) permettre d'identifier le signataire ; c) avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; et d) être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ".
4. Le préfet de Maine-et-Loire fait valoir que la signature, par les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'avis émis par ce dernier en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est apposée électroniquement au moyen de l'application Thémis. Pour apposer cette signature, les membres de ce collège doivent, dans un premier temps, se connecter au réseau interne de l'Office avec un identifiant et un mot de passe personnel, puis à l'application " Thémis " avec un autre identifiant et un autre mot de passe, où ils valident l'avis émis par le collège. Cette l'application génère à la suite un avis en format PDF qui ne peut être modifié ou contrefait, puis cet avis est diffusé aux membres du collège pour une ultime validation. Compte tenu de ces garanties, ce procédé de signature doit être regardé comme bénéficiant de la présomption de fiabilité prévue par les dispositions combinées de l'article 1367 du code civil, du règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017. Si M. M'A... soutient, d'une part, qu'il n'est pas établi que les avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration satisferaient aux règles du référentiel général mentionné à l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, il ne précise pas sur quels points ni pour quels motifs le procédé de signature mis en place par l'Office ne répondrait pas aux exigences de ces textes. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire ou à l'office français de l'immigration et de l'intégration de produire les extraits Thémis relatifs à l'instruction du dossier de M. M'A..., ce moyen doit être écarté.
5. En troisième lieu, M. M'A... reprend en appel le moyen, qu'il avait invoqué en première instance et tiré de l'absence de caractère collégial de l'avis du collège de médecins. Il y a lieu, et sans qu'il soit besoin d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire ou à l'office français de l'immigration et de l'intégration de produire toute preuve de la collégialité et de la délibération du collège, d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Nantes.
6. En quatrième lieu, si M. M'A... fait valoir que l'avis du collège de médecins n'a pas renseigné la case relative à la durée du traitement, cette absence n'a pas privé l'intéressé d'une garantie et n'a pas eu d'incidence sur le sens de la décision contestée. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
7. En cinquième lieu, il ne ressort pas de la décision contestée que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée.
8. En sixième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministère de la santé (...) ".
9. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
10. En l'espèce, M. M'A... a fait l'objet, lors de ses séjours en France, d'un traitement médical pour un cancer de la prostate diagnostiqué en 2015 et a suivi, à compter d'août 2016, une radiothérapie. Son état lui impose de suivre un traitement médicamenteux. Il ressort de l'avis du collège de médecins que celui-ci a estimé que si M. M'A... avait besoin d'une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il a cependant estimé qu'il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Pour contester le sens de cet avis, M. M'A... s'appuie sur des coupures de presse, des extraits de divers rapports et études, dont notamment des études de l'alliance des ligues francophones africaines et méditerranéennes contre le cancer. Ces documents, s'ils font état des insuffisances du système de santé en République du Congo, ne permettent pas d'établir que M. M'A... ne pourrait pas bénéficier dans ce pays de la surveillance médicale et du traitement médicamenteux dont il a besoin après le traitement de son cancer. En outre, s'il fait valoir qu'il a eu un accident cardiovasculaire en 2006 et qu'il présente une épine calcinéenne au pied gauche, il n'apporte aucun élément permettant d'établir l'incidence de ces pathologies sur son état de santé. L'appelant se borne en effet à produire une radiographie du pied établie le 21 août 2017 mentionnant une épine calcanéenne de petite taille. Enfin, il ressort du rapport de la consultation médicale du docteur Denis du 10 novembre 2015 qui a diagnostiqué le cancer de la prostate de M. M'A..., que l'intéressé a déclaré ne pas avoir de traitement pour son accident vasculaire qu'il a eu en 2006 et qu'il ne prenait comme médicament qu'un hypertenseur dénommé AMLOR, disponible dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
11. En dernier lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut être utilement invoqué à l'encontre d'un refus de titre de séjour en qualité d'étranger malade. En tout état de cause, si M. M'A... fait état de la présence en France de deux de ses cinq enfants, l'un étant né d'une précédente union, d'une petite-fille âgée de vingt ans, de deux frères ainsi que de nièces et de cousines, ces circonstances ne sauraient caractériser une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors, d'une part, qu'il a vécu jusqu'à l'âge de cinquante-trois ans dans son pays d'origine et que, d'autre part, son épouse est en situation irrégulière en France. Enfin, trois de ses enfants vivent au Sénégal ou en République du Congo. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. M'A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
13. En second lieu, compte tenu des motifs exposés au point 10, M. M'A... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision fixant le pays de destination et la décision faisant astreinte à se présenter au bureau des étrangers :
14. La décision portant refus de titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. M'A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination et la décision faisant astreinte à se présenter au bureau des étrangers doivent être annulées par voie de conséquence.
15. Il résulte de tout ce qui précède M. M'A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. M'A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... M'A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 27 mai 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Geffray, président,
- M. B..., premier conseiller,
- Mme D..., première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 juin 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
J-E. Geffray
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 20NT02774