Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 juin 2019, 18 juin 2019 et 9 août 2019, le préfet du Calvados demande à la cour d'annuler ce jugement.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le tribunal administratif a, à tort, retenu que la décision portant obligation de quitter le territoire français à M. E... méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que, s'il est constant qu'il est père de famille, il constitue une menace pour l'ordre public ;
- les dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont applicables à la situation de M. E... compte tenu des nombreuses infractions qu'il a commises de 2013 à 2018 ;
- il s'en remet, pour le surplus, à ses écritures de première instance.
Par un mémoire, enregistré le 31 juillet 2019, M. E..., représenté par Me C..., conclut :
1°) au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans l'hypothèse où l'aide juridictionnelle ne lui serait pas accordée, à verser à lui-même et à la confirmation de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
2°) à titre incident, à l'annulation de la décision du 14 mars 2019 portant refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile, et fixation du pays de renvoi ;
3°) à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, au préfet du Calvados de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile dans un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt ou, à titre subsidiaire, d'ordonner la suspension de l'exécution de la mesure d'éloignement jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou de la date de notification de l'ordonnance s'il est statué ainsi et d'effacer son nom du fichier des personnes recherchées.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors qu'elle n'indique pas le nom et le domicile du défendeur, en méconnaissance de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, et la régularisation est intervenue le 18 juin 2019, soit postérieurement à l'expiration du délai de recours ;
- les dispositions du 7° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont pas applicables à sa situation dès lors qu'il a résidé régulièrement en France depuis son arrivée ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français constitue une atteinte disproportionnée au droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- sa situation n'a pas fait l'objet d'un examen complet dès lors que le préfet mentionne, à tort, qu'il est géorgien ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'elle ne comporte pas la qualité de son auteur en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, qu'elle a été adoptée par une autorité incompétente, qu'elle est insuffisamment motivée, qu'elle méconnaît les dispositions de la convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951 et les dispositions du c de l'article L.712-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle viole les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, qu'elle méconnaît le fait qu'il peut prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de ses liens personnels et familiaux en France et de sa durée de présence sur le territoire français, qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de délivrance de l'attestation de demande d'asile et de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle est insuffisamment motivée ; elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu des risques qu'il encourt en cas de retour en Russie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme F...,
- et les observations de Me D..., substituant Me C..., représentant M. E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant russe né en 1981, est entré en France, selon ses déclarations, le 10 janvier 2009. Il a sollicité, le 14 mars 2019, l'enregistrement d'un deuxième réexamen de sa demande d'asile auprès de la préfecture du Calvados. Par arrêté du 14 mars 2019, le préfet du Calvados a refusé de lui délivrer une attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. E... a sollicité auprès du tribunal administratif de Caen l'annulation de ces décisions. Par un jugement du 14 mai 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a admis M. E... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire (article 1er), a annulé la décision portant obligation de quitter le territoire français du 14 mars 2019 (article 2), a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me C..., avocate de M. E..., la somme de 800 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 (article 3) et a rejeté le surplus de sa demande (article 4). Le préfet du Calvados, qui relève appel, doit être regardé comme sollicitant l'annulation des articles 2 et 3 de ce jugement tandis que M. E... doit être regardé comme sollicitant, par la voie de l'appel incident, l'annulation de son article 4.
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée en défense :
2. Aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties (...). "
3. La prescription de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, en vertu de laquelle un appelant doit mentionner dans sa requête les noms et domiciles des parties défenderesses, vise seulement à faciliter la mise en oeuvre du caractère contradictoire de la procédure et ne constitue pas une condition de recevabilité de l'appel. Par suite, la fin de non-recevoir opposée en défense par M. E..., qui se prévaut du fait que la requête du préfet du Calvados ne comportait pas la mention de son nom et de son domicile, doit être écarté.
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné du tribunal administratif :
4. Pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en estimant que la décision portait une atteinte disproportionnée au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. E... est entré irrégulièrement en France en 2009 avec son épouse, avec laquelle il avait contracté mariage le 30 mai 2008, et leur enfant mineur né en 2007. Ils ont déposé une première demande d'asile le 17 mars 2010, qui a fait l'objet de décisions de rejet définitivement confirmées par la Cour nationale du droit d'asile le 11 avril 2012, tout comme leurs demandes de réexamen déposées en 2012 et 2014. De 2010 à 2014, M. et Mme E... vivaient ensemble avec leurs trois enfants mineurs, les deux derniers étant nés en 2010 et 2011 en France, avant que cette dernière et les enfants intègrent le centre Louise Michel de Cherbourg durant l'année 2015. Ils ont ensuite repris la vie commune jusqu'au 28 juillet 2017, date à laquelle M. E... a quitté le domicile conjugal. Après le dépôt d'une requête en divorce le 9 novembre 2017 par Mme E..., le juge délégué aux affaires familiales du tribunal de grande instance de Cherbourg a, aux termes de l'ordonnance de non- conciliation prononcée le 12 avril 2018, confirmé l'exercice en commun de l'autorité parentale par les deux parents, fixé la résidence des enfants au domicile de leur mère, indiqué que M. E... accueillera les enfants à son domicile librement en accord entre les parents ou sous réserve d'un meilleur accord les samedis de 8h45 à 19h30, les lundis de la sortie des classes à 18 heures, les jeudis de la sortie des classes à 19 heures et fixé la pension alimentaire mise à la charge de M. E... pour l'entretien et l'éducation des enfants à la somme totale de 300 euros par mois. Faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français du 16 juillet 2018, M. E... a, après sa sortie d'écrou, été éloigné vers la Russie le 8 août 2018. Il déclare être revenu en France le 4 septembre 2018. Il soutient qu'il prend en charge seul ses enfants au domicile conjugal depuis le 9 janvier 2019, date depuis laquelle la mère de ses enfants est partie travailler en région parisienne, soit depuis deux mois à la date de la décision contestée, et produit, à l'appui de ses dires, outre quelques photographies, des attestations de celle-ci et des enfants, une attestation du médecin des enfants ainsi qu'une attestation émanant d'un ami prêtre-ouvrier ainsi que celle émanant de l'entraîneur de lutte de deux des enfants justifiant qu'il les accompagnait aux cours le samedi après-midi. Séparé de son épouse titulaire d'un titre de séjour, M. E... ne se prévaut d'aucun lien social ni d'aucun lien familial autre que ses trois enfants mineurs à l'égard desquels il ne justifie pas, par la production de pièces suffisamment précises émanant de tiers et pour toute la période postérieure au prononcé de l'ordonnance de non-conciliation où il était présent en France, exercer en intégralité ses droits de garde et de visite et s'acquitter du paiement de la pension alimentaire fixé par le juge aux affaires familiales pour leur entretien et leur éducation. Il ne justifie, par ailleurs, d'aucune intégration professionnelle ou sociale en France. Il n'est, par ailleurs, pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine où réside une partie de sa famille.
7. D'autre part, il n'est pas contesté que M. E... s'est rendu coupable des infractions d'usage de stupéfiants le 2 juillet 2013, de violences volontaires aggravées et tentative d'assassinat le 11 août 2013, de délit de fuite après accident de la circulation et conduite d'un véhicule sans assurance le 23 janvier 2015, de refus en tant que conducteur d'un véhicule de se soumettre à l'examen ou l'analyse permettant d'établir qu'il conduisait en ayant fait l'usage de stupéfiants le 9 juillet 2015, de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne étant ou ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité commis le 7 novembre 2015, de rébellion et détention de stupéfiants le 5 février 2016, de violence suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours par une personne ayant été conjoint, concubin ou partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité le 12 juin 2018, pour laquelle il a été écroué du 12 juin 2018 au 26 juillet 2018. Par ailleurs, si M. E... soutient qu'il n'a pas été informé de la plainte déposée par son épouse le 3 aout 2018 et n'a pas eu accès à la procédure relative à cette plainte, il ne conteste pas les faits du 31 juillet 2018 qui sont mentionnés dans le procès-verbal du 3 août 2018, à savoir des menaces téléphoniques de violences physiques à son encontre et d'enlèvement des enfants. Compte tenu du nombre d'infractions, de leur nature et de la réitération récente d'un comportement violent, la présence en France de M. E... constituait, à la date de la décision contestée, une menace pour l'ordre public.
8. Dans les conditions particulières rappelées aux points 6 et 7, le préfet du Calvados n'a pas, en faisant obligation à M. E... de quitter le territoire français, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté et le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné s'est fondé sur ce motif pour annuler la décision portant obligation de quitter le territoire français du 14 mars 2019.
9. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
En ce qui concerne les autres moyens invoqués par M. E... :
S'agissant des moyens tirés de l'illégalité du refus d'attestation de demande d'asile :
10. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci ". Il ressort de la décision contestée qu'elle est signée " pour le préfet et par délégation, le chef de bureau ", de sorte que la qualité de l'auteur de l'acte est, contrairement à ce que soutient M. E..., clairement mentionnée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration doit être écarté.
11. En deuxième lieu, Mme G... A..., chef du bureau asile et éloignement à la préfecture du Calvados, a reçu délégation du préfet du Calvados, par arrêté du 21 décembre 2018 publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du Calvados, à l'effet de signer, dans la limite des attributions du bureau asile et éloignement " tous arrêtés, décisions (...) prévues par le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (...) ", attributions prévues par l'arrêté du 18 décembre 2018 publié au même recueil, qui prévoient notamment la gestion de l'éloignement des détenus étrangers et des interdictions de retour sur le territoire. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté.
12. En troisième lieu, la décision comporte de manière suffisante les motifs de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
13. En quatrième lieu, il ne ressort pas de la décision contestée que le préfet du Calvados se soit cru en situation de compétence liée et aurait ainsi méconnu l'étendue de sa compétence.
14. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 743-1, sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951, et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, adoptée à Rome le 4 novembre 1950, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin et l'attestation de demande d'asile peut être refusée, retirée ou son renouvellement refusé lorsque : (...) 5° L'étranger présente une nouvelle demande de réexamen après le rejet définitif d'une première demande de réexamen ; (...) ". Aux termes de l'article 33 de la convention de Genève : " 1. Aucun des États contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. (... ) ".
15. Il est constant que, le 14 mars 2019, M. E... a déposé une nouvelle demande de réexamen alors que sa première demande de réexamen avait été définitivement rejetée par la Cour nationale du droit d'asile le 8 octobre 2015. Il figurait donc au nombre des étrangers entrant dans le champ du 5° de l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à qui le préfet peut refuser la délivrance d'une attestation de demande d'asile. Si M. E... fait valoir que sa demande de réexamen était justifiée par les événements qui se sont déroulés lors de son retour en Russie le 8 août 2018, il ne produit aucun élément justifiant de ces événements et du bien-fondé de ses craintes, de sorte qu'il n'est pas fondé à soutenir que le préfet a illégalement refusé de faire application de la réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève prévue par les dispositions citées au point 14 et, par suite, méconnu l'article L. 743-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
S'agissant des moyens de légalité externe :
16. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 et 11, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration et de l'incompétence de l'auteur de l'acte doivent être écartés.
17. En second lieu, la décision comporte de manière suffisante les motifs de droit et de fait qui la fondent. Par suite, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
S'agissant des autres moyens de légalité interne :
18. En premier lieu, il ne ressort pas de la décision contestée que le préfet du Calvados ne s'est pas livré à un examen particulier des circonstances de l'espèce. Par ailleurs, la circonstance que le préfet ait mentionné par erreur dans sa requête d'appel que M. E... est géorgien est sans influence sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, qui mentionne la nationalité russe de l'intéressé.
19. En deuxième lieu, il ressort de l'arrêté contesté que le préfet du Calvados a fondé sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 6° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les échanges des parties relatifs à l'application du 7° du I de ce même article, alors qu'aucune substitution de base légale n'est demandée, sont sans influence sur la légalité de la décision.
20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 6 à 8, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale dès lors qu'il peut prétendre à un titre de séjour de plein droit sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qu'elle méconnaît les stipulations du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ou qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
21. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 33 de la convention du 28 juillet 1951 doit être écarté.
22. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 21 que les conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 14 mars 2019 doivent être rejetées. Par suite, le préfet du Calvados est fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du 14 mai 2019 ainsi que, par voie de conséquence, l'annulation de son article 3 relatif aux frais liés au litige.
Sur l'appel incident :
En ce qui concerne la décision portant refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile :
23. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10 à 15, M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision portant refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
24. En premier lieu, les décisions de refus de délivrance d'une attestation de demande d'asile et portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. E... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi doit l'être par voie de conséquence de l'annulation de ces décisions.
25. En deuxième lieu, la décision fixant le pays de destination vise l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, mentionne la nationalité du requérant et précise qu'il n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à cette convention en cas de retour dans son pays d'origine. Elle comporte ainsi les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'autorité administrative s'est fondée. Dès lors, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.
26. En troisième lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ". L'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. ".
27. Ainsi qu'il a été précédemment dit, M. E... ne produit aucun document justifiant du bien-fondé des risques qu'il encourrait en cas de retour en Russie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions citées au point 26 doit être écarté.
28. Il résulte de ce qui a été dit aux points 24 à 27 que les conclusions aux fins d'annulation de la décision fixant le pays de renvoi doivent être rejetées.
29. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Caen a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction, de même que celles relatives aux frais liés au litige, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Caen du 14 mai 2019 sont annulés.
Article 2 : La demande présentée par M. E... tendant à l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français du 14 mars 2019 et les conclusions en appel de M. E... sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... E....
Copie sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 27 août 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme F..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. F...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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No 19NT02281