2°) d'annuler les décisions du préfet de la Loire-Atlantique des 24 février 2016, 15 septembre 2016 et 22 juin 2017 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de délivrer à ses enfants Yacine et Mohamed E... les documents de circulation sollicités ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- trois des grands-parents des deux enfants mineurs pour lesquels la demande de délivrance de documents de circulation a été présentée, sont âgés ; leur santé est fragile ; ils résident en Algérie ; il y a lieu de tenir compte de l'intérêt des enfants à circuler librement entre la France et l'Algérie ;
- les autorités consulaires françaises ont déjà refusé de délivrer aux enfants des visas d'entrée le 11 janvier 2017 pour leur retour en France ;
- le refus de délivrer des documents de circulation méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du paragraphe 1er de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, est entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ou celle de ses enfants et le point 2.2.1 de la circulaire du ministre de l'intérieur du 19 avril 1999 relative aux conditions de délivrance du document de circulation pour étranger mineur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2019, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme E... ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que les moyens tirés de l'existence d'une prétendue décision contenue dans une lettre du préfet de la Loire-Atlantique du 15 septembre 2016 ne sont pas recevables compte tenu de son caractère confirmatif.
Mme B... épouse E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 28 février 2019.
Les observations du Défenseur des droits, concluant à une discrimination prohibée fondée sur la nationalité, ont été enregistrées le 3 septembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me C..., représentant Mme E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme E..., ressortissante algérienne, résidant régulièrement en France sous couvert d'un certificat de résidence, a sollicité la délivrance de documents de circulation pour étranger mineur au bénéfice de deux de ses enfants, de nationalité algérienne, nés les 19 juin 2010 et 9 octobre 2013. Le préfet de la Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance de ces documents par une décision du 24 février 2016, confirmée par lettre du 15 septembre 2016 adressée à une députée du département. Mme E... a formé le 9 mars 2016 contre cette décision un recours gracieux ainsi qu'un recours hiérarchique. Ce dernier recours a été explicitement rejeté par le ministre de l'intérieur le 6 juillet 2016. Le 20 mars 2017, le conseil de l'intéressée a formé une nouvelle demande de documents de circulation au profit de ses deux enfants, qui a été rejetée le 11 mai 2017, puis le 22 juin 2017 par le préfet. Mme E... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation des décisions du préfet des 24 février 2016, 15 septembre 2016 et 22 juin 2017 et de la décision du ministre de l'intérieur du 6 juillet 2016. Ses demandes ont été rejetées par un jugement du 20 décembre 2018. Mme E... relève appel du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions aux fins d'annulation des décisions du préfet.
Sur la légalité de la décision du 15 septembre 2016 :
2. Les moyens tirés de l'existence d'une prétendue décision contenue dans une lettre du préfet de la Loire-Atlantique du 15 septembre 2016 qui explicitait, en réponse à l'intervention d'un parlementaire, les motifs pour lesquels il n'avait pu donner une suite favorable à la demande de délivrance de documents de circulation ne sont pas recevables compte tenu du caractère confirmatif de cette lettre.
Sur la légalité des décisions des 24 février 2016 et 22 juin 2017 :
3. Aux termes de l'article 10 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les mineurs algériens de dix-huit ans résidant en France, qui ne sont pas titulaires d'un certificat de résidence reçoivent sur leur demande un document de circulation pour étrangers mineurs qui tient lieu de visa lorsqu'ils relèvent de l'une des catégories mentionnées ci-après : / a) Le mineur algérien dont l'un au moins des parents est titulaire du certificat de résidence de dix ans ou du certificat de résidence d'un an et qui a été autorisé à séjourner en France au titre du regroupement familial ; / b) Le mineur algérien qui justifie par tous moyens avoir sa résidence habituelle en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de dix ans et pendant une durée d'au moins six ans ; / c) Le mineur algérien entré en France pour y suivre des études sous couvert d'un visa d'une durée supérieure à trois mois ; / d) Le mineur algérien né en France dont l'un au moins des parents réside régulièrement en France. ". Il est constant que les deux enfants de la requérante, Mohamed et Yacine, de nationalité algérienne, n'entrent dans aucun des cas prévus par ces stipulations.
4. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il appartient à l'autorité administrative, saisie d'une demande de délivrance d'un document de circulation au bénéfice d'un étranger mineur qui n'appartient à aucune des catégories prévues par les textes, de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que le refus de délivrer ce document ne méconnaît pas ces stipulations.
5. L'intérêt supérieur d'un étranger mineur qui ne remplit pas les conditions légales pour bénéficier du document de circulation prévu par l'article 10 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, lequel ne constitue pas un titre de séjour mais est destiné à faciliter le retour sur le territoire français, après un déplacement hors de France, des mineurs étrangers y résidant, s'apprécie au regard de son intérêt à se rendre hors de France et à pouvoir y revenir sans être soumis à l'obligation de présenter un visa.
6. Mme E... invoque la circonstance que trois des grands-parents des enfants, qui sont âgés et dont la santé est fragile, résident en Algérie et soutient qu'il y a lieu de tenir compte de l'intérêt des enfants à circuler librement entre la France et l'Algérie pour leur rendre visite. Il n'est pas établi qu'à la date des décisions contestées, les grands-parents des enfants ne pourraient pas rendre visite à leurs petits-enfants en France sous couvert de visas touristiques. Il n'est pas non plus justifié que des obstacles particuliers s'opposeraient à la délivrance de visas permettant aux enfants de circuler entre la France et l'Algérie. Ni l'âge des grands-parents, ni leur état de santé, ni encore un éventuel refus des autorités consulaires françaises de délivrer des visas d'entrée en France ne suffisent à établir que les démarches permettant aux enfants Mohamed et Yacine d'être autorisés à revenir sur le territoire français après un séjour en Algérie se heurteraient à des difficultés telles que le refus de leur délivrer des documents de circulation méconnaîtrait les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
7. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point précédent du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celui tiré de l'erreur manifeste dans l'appréciation quant aux conséquences des décisions contestées sur la situation personnelle de la requérante ou sur celle de ses enfants doivent être écartés.
8. Les énonciations de la circulaire du ministre de l'intérieur du 19 avril 1999 relative aux conditions de délivrance du document de circulation pour étranger mineur ne constituent pas des lignes directrices dont la requérante pourrait se prévaloir devant le juge.
9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse E..., au Défenseur des droits et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise et au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 26 septembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 10 octobre 2019.
Le rapporteur,
J.-E. D...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01396