Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 juin 2019, 23 juillet 2019, 30 septembre 2019 et 14 octobre 2019, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois, ou subsidiairement de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour est illégale en raison de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ; cet avis méconnaît l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 en ce que les extraits du logiciel Thémis produits au dossier ne permettent pas d'établir qu'il a été rendu de façon collégiale ; cet avis repose sur un rapport médical incomplet, en raison de l'absence de mention d'un antécédent de pathologie " klebsiella pneumoniae " ; la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence ; cette décision méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire, enregistré le 23 septembre 2019, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens présentés ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant géorgien né le 26 août 1984, est entré en France le 2 décembre 2016. Sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par une décision du 28 avril 2017 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par un arrêt du 15 septembre 2017 de la Cour nationale du droit d'asile. Par un arrêté du 16 août 2018, le préfet de Maine-et-Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. M. C... relève appel du jugement du 20 février 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. D'une part, il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nantes n'a omis de se prononcer ni sur le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation sur les conséquences de la décision sur la situation personnelle de l'intéressé. D'autre part, il résulte des motifs mêmes du jugement que les premiers juges ont répondu à ces deux moyens en faisant référence aux motifs de ce même jugement qui étaient relatifs à l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour. Or il ressort de la requête et des mémoires de première instance que le requérant, au soutien de son moyen, avait avancé les mêmes arguments que ceux invoqués à l'encontre du titre de séjour. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le tribunal administratif aurait omis de répondre aux moyens en question. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'irrégularité.
Sur le refus de délivrance d'un titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ".
5. Aux termes de l'article R. 313-23 de ce code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
6. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
7. Lorsque l'avis médical porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ", cette mention du caractère collégial de l'avis fait foi jusqu'à preuve du contraire.
8. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du 9 avril 2018 concernant M. C..., signé par les trois médecins composant le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Pour contester la régularité de cet avis, M. C... a produit une capture d'écran tirée du logiciel de traitement informatique Themis faisant apparaître des mentions " donner avis " à des dates et heures différentes pour chacun des trois médecins. Ces mentions, compte tenu de leur caractère équivoque, ne sauraient constituer la preuve contraire quant au caractère collégial de l'avis. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie tirée du débat collégial du collège de médecins de l'OFII qui résulte des dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
9. En deuxième lieu, l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ".
10. M. C... fait valoir que le rapport médical établi par le médecin de l'Office ne mentionne pas un antécédent de la pathologie " klebsiella pneumoniae ". Cependant, bien que le courrier du 4 octobre 2017, adressé au médecin de M. C..., mentionne, parmi de nombreux autres éléments, le fait qu'il a été retrouvé la présence d'une " klebsellia pneumoniae " lors de l'examen cytobactériologique des urines, il ressort du certificat médical prérempli adressé à l'OFII que son médecin n'a pas jugé utile de mentionner cet élément et a fait seulement état de la tétraplégie spastique de l'intéressé. Dans ces conditions, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le rapport médical établi par le médecin instructeur est incomplet.
11. En troisième lieu, il résulte des dispositions précitées que la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
12. Il ressort des pièces du dossier que M. C... présente une tétraplégie post traumatique avec lésion médullaire cervicale, qui a été décelée à l'occasion d'une imagerie par résonance magnétique (IRM) médullaire pratiquée en 2013 en Géorgie. Par un avis du 9 avril 2018, les médecins de l'OFII ont estimé que le défaut de prise en charge médicale de l'intéressé est susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'il peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays.
13. M. C... remet en cause le sens de cet avis en faisant d'abord valoir qu'il ne peut pas bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cependant, il ressort du courrier d'un neurologue géorgien produit par le requérant ainsi que des fiches MedCOI produites par le préfet que les spécialistes, dont M. C... a besoin pour sa rééducation, existent en Géorgie. Si M. C... fait valoir qu'il n'existe pas en Géorgie de centre pluridisciplinaire réunissant plusieurs spécialistes, cette circonstance ne saurait, à elle-seule, caractériser une absence de prise en charge adaptée en Géorgie. En effet, s'il est constant que la prise en charge par le système de santé géorgien sera nécessairement de moins bonne qualité que celle dont il bénéficie en France, le requérant n'établit pas que la prise en charge dont il pourra bénéficier en Géorgie serait telle qu'elle induirait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé.
14. M. C... fait également valoir qu'il ne pourra pas effectivement avoir accès aux soins disponibles en Géorgie. Pour remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'OFII, il produit des courriers émanant du ministère du travail, de la santé et des affaires sociales de la Géorgie, ainsi que de la documentation à caractère général sur les limites du système de santé géorgien. Cependant, la teneur des courriers en cause est trop imprécise pour permettre d'en conclure que M. C... ne pourrait pas bénéficier d'une couverture maladie en Géorgie. Le courrier en date du 4 octobre 2013 fait d'ailleurs mention d'un financement de frais de soins médicaux à l'étranger, et non d'une prise en charge pour une personne résidant en Géorgie. S'agissant des rapports émanant d'organisations internationales faisant état de certains dysfonctionnements dans la prise en charge de soins, outre le fait qu'ils sont anciens, ils ne permettent pas d'établir que les soins en cause ne pourraient pas être financièrement pris en charge par l'Etat géorgien. Le préfet de Maine-et-Loire fait d'ailleurs valoir qu'un décret n° 331 du 3 novembre 2010, modifié en 2013, admet les personnes gravement handicapées au bénéfice de l'assurance maladie en Géorgie.
15. Enfin, M. C... fait valoir qu'il souffre d'une péricardite, de troubles hépato-biliaire et vésico-urinaires ainsi que d'un abcès dentaire. M. C... produit à ce titre un compte-rendu d'hospitalisation du 14 février 2019, une ordonnance du 3 octobre 2019 pour de l'augmentin ainsi qu'un compte-rendu d'IRM du 10 septembre 2019. Ces pièces sont toutefois largement postérieures à la décision contestée. Au demeurant, ces pièces ne permettent ni d'établir que M. C... souffrirait d'une pathologie autre que celle qui a été examinée par le collège de médecins de l'office, ni qu'un défaut de prise en charge de ces troubles pourrait avoir un défaut d'une exceptionnelle gravité.
16. Il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
17. En dernier lieu, M. C... fait valoir qu'il a noué une relation de confiance avec l'équipe soignante du centre de l'Arche, que cette relation est essentielle dans l'amélioration de son état et que la rupture de cette relation aurait des conséquences psychologiques importantes, en raison des efforts investis dans sa rééducation. Pour dignes d'intérêt qu'elles soient, ces circonstances ne sauraient permettre d'établir que le préfet aurait manifestement mal apprécié les conséquences de la mesure sur sa situation personnelle.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
18. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) ".
19. Il est constant que M. C..., qui est célibataire et sans enfants, est dépourvu d'attaches familiales en France. D'autre part, rien ne fait obstacle à ce que sa mère, qui l'accompagne, retourne avec lui en Géorgie, cette dernière faisant au demeurant l'objet d'une mesure d'éloignement dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Nantes et par la présente cour. Enfin, si M. C... fait valoir qu'il a établi une relation de confiance avec l'équipe soignante du centre de l'Arche, cette circonstance ne saurait à elle seule caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que le préfet a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
20. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 16 du présent arrêt, le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que le préfet a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette mesure sur sa situation personnelle.
Sur la décision fixant le pays de destination :
21. En premier lieu, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulées, M. C... n'est pas fondé à demander l'annulation, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de renvoi.
22. En second lieu, le requérant reprend en appel, sans apporter d'élément nouveau de fait ou de droit, le moyen invoqué en première instance et tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ce moyen par les mêmes motifs que ceux retenus à bon droit par les premiers juges.
23. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 12 décembre 2019.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02101
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