Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 1er mars, 17 octobre et 29 octobre 2018, M. E..., représenté par MeD..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un certificat de résidence ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de le munir d'un récépissé dans l'attente de cet examen dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le jugement, qui a méconnu les dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, n'est pas régulier dès lors que son mémoire du 26 septembre 2017 n'a pas été visé et que le tribunal administratif n'a pas pris en compte les preuves complémentaires qui y étaient jointes concernant sa présence en France ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée, est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie et méconnaît les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision fixant le pays de destination n'est pas motivée et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 septembre 2018 et 23 octobre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.
M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Geffray,
- et les observations de MeD..., représentant M.E....
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., ressortissant algérien, né le 21 novembre 1978, a sollicité une carte de résident sur le fondement du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, en se prévalant de sa présence en France depuis plus de dix ans. Par un arrêté du 27 juin 2017, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer ce titre de séjour et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par un jugement du 3 novembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. M. E...relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué, qui ne mentionne pas dans ses visas le mémoire en réplique de M. E...parvenu au greffe du tribunal administratif le 26 septembre 2017, avant la clôture de l'instruction, et n'y répond pas, est entaché d'irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 742-1 du code de justice administrative. Par suite, M. E...est fondé à soutenir que le jugement est irrégulier et à en demander l'annulation.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Nantes.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
4. Pour refuser la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé, d'une part, sur l'absence d'un séjour de M. E...en France depuis plus de dix ans à la date de son arrêté contesté, soit depuis le 27 juin 2007, et, d'autre part, sur l'absence de respect des principes républicains du fait d'une usurpation d'identité d'un ressortissant français lors de son séjour en France.
5. En premier lieu, la décision attaquée comporte l'énoncé suffisamment précis des circonstances de fait et de droit qui la fondent. Ainsi, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté comme manquant en fait.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé dispose : "(...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans (...). ".
7. S'il n'y a pas lieu d'exclure, pour l'application de ces stipulations, les périodes au cours desquelles l'intéressé s'est prévalu de documents falsifiés ou d'une fausse identité, il ressort du procès-verbal du 10 janvier 2017 relatif à l'usage de ces faux documents et à l'usurpation d'identité que M. E... déclare avoir quitté la France en juin 2007 et mai 2010. Ainsi l'intéressé n'établit pas résider habituellement en France depuis plus de dix ans. Dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique a méconnu les stipulations du 1° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
8. En troisième lieu, il résulte des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article L. 313-11 du même code ou les conditions équivalentes prévues par l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent du bénéfice de ces dispositions. M. E...n'étant pas au nombre des étrangers pouvant obtenir de plein droit un certificat de résidence en application des stipulations de l'article 6 de cet accord, le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande.
9. En quatrième et dernier lieu, d'une part, même si l'accord franco-algérien ne prévoit pas le respect des principes républicains par un étranger vivant en France, le préfet, qui dispose d'un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle d'un ressortissant algérien, l'opportunité d'une mesure de régularisation, peut examiner le comportement d'un ressortissant algérien au regard de ces principes. Ainsi, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans commettre une erreur de droit, estimer que le requérant, en usurpant l'identité d'un ressortissant français, a commis des faits contraires aux principes républicains. D'autre part, alors même que l'intéressé vit en France depuis 2010 sous sa véritable identité et fait état de la présence de son père, de son frère et de deux de ses tantes en France, de son intégration sociale et professionnelle, la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au respect de la vie privée et familiale de M.E..., célibataire sans enfant, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
10. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. E...n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
11. Par un arrêté du 6 mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a donné à M. A...B..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, et en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à MmeF..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, cette décision a été prise par une autorité compétente.
12. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance (...) d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...). La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) ".
13. Dès lors que la décision refusant la délivrance un titre de séjour est suffisamment motivée, ainsi qu'il a été dit au point 4 du présent arrêt, et que la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision de refus d'un titre de séjour, le moyen tiré de l'insuffisance motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
15. M.E..., qui n'a pas demandé de titre de séjour en raison de son état de santé et n'établit ni la gravité de son état de santé psychologique ni, en tout état de cause, ne pouvoir bénéficier d'un traitement approprié en Algérie, ne peut se prévaloir des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision fixant le pays de destination :
16. Par un arrêté du 6 mars 2017, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a donné à M. A...B..., directeur de la réglementation et des libertés publiques, et en cas d'absence ou d'empêchement de celui-ci, à MmeF..., chef du service de l'immigration et de l'intégration, délégation à l'effet de signer notamment les décisions fixant les pays de destination. Par suite, cette décision a été prise par une autorité compétente.
17. La décision fixant le pays de la nationalité de M. E...comme pays de son renvoi mentionne la nationalité algérienne de l'intéressé et précise qu'elle ne contrevient pas aux stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ainsi, elle est suffisamment motivée en fait et en droit.
18. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9 du présent arrêté, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en tout état de cause, être écarté.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté contesté. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 3 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. E...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E...et au ministre de l'intérieur. Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A .Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 18NT00936