Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 18 avril 2018, M. C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est insuffisamment motivée et méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée, est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, est entachée d'un vice de procédure dès lors que le préfet ne l'a pas préalablement invité à présenter des observations quant aux risques de voyager, méconnaît les dispositions de l'article L.741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et de celle portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2018, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.
M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Geffray.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 1er juin 2007, le préfet de la Loire-Atlantique a refusé de délivrer à M. C..., ressortissant algérien, né le 19 janvier 1976, un titre de séjour alors que celui-ci l'avait sollicité le 9 juin 2016 pour des raisons de santé, a obligé l'intéressé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi. Par jugement du 24 janvier 2018, dont M. C...relève appel, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, le moyen tiré de ce que la décision est insuffisamment motivée n'est pas assorti de précisions suffisantes pour apprécier son bien-fondé.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) ".
4. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi auquel il pourrait avoir effectivement accès.
5. La partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
6. Par un avis rendu le 17 janvier 2017, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'il n'existait pas en Algérie de traitement approprié et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée d'un an.
7. Le préfet de la Loire-Atlantique, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à M. C..., le titre de séjour sollicité au motif de l'existence d'un traitement approprié en Algérie lui permettant d'être soigné pendant son séjour de plusieurs mois dans ce pays.
8. Pour justifier de l'existence et de la disponibilité d'un traitement approprié à l'état de santé du requérant, le préfet de la Loire-Atlantique a produit, en première instance, une " fiche pays ", réalisée le 25 octobre 2006 par les services de l'Etat, dont il ressort que la majorité des pathologies y est soignée, un courrier électronique, bien que non daté, émanant du service des visas du consulat général de France à Oran signalant que la plupart des pathologies y sont prises en charge, ainsi qu'un rapport d'évaluation initial du programme de pays du Fonds des Nations-unies pour la population détaillant l'organisation du système de santé en Algérie pour la période 2007-2011 et faisant état d'une multiplication des infrastructures de consultation et de soins ainsi que d'un système de sécurité sociale offrant une protection à la majorité de la population, dont les personnes démunies. Contrairement aux allégations du requérant, aucun élément ne permet de supposer que les documents produits ne reflèteraient pas l'état du système de santé algérien à la date de l'arrêté.
9. Le requérant ne démontre aucune circonstance particulière l'empêchant d'avoir effectivement accès aux soins existants.
10. Il suit de là que le préfet de la Loire-Atlantique a pu, malgré l'avis contraire émis par le médecin de l'agence régionale de santé, refuser de délivrer à M. C...le titre de séjour qu'il demandait en qualité d'étranger malade. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié.
11. Enfin, s'il soutient que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour a porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, M. C..., qui ne vit en France que depuis le 10 septembre 2015, soit moins de deux ans à la date de l'arrêté contesté, se contente de verser une copie du titre de séjour de son frère qui l'héberge en France et un justificatif de domicile et d'affirmer que le centre de ses intérêts est situé en France. En outre, il n'est pas contesté qu'il n'est pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où vivent ses deux enfants mineurs, alors âgés de 5 ans et demi et un an et demi. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. Aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé, alors applicable compte tenu de la date de la demande de délivrance d'un titre de séjour, soit le 9 juin 2016 : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis (...) / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) ".
13. Il résulte des dispositions de l'arrêté du 9 novembre 2011 que le médecin de l'agence régionale de santé ne doit indiquer, dans son avis, si l'état de santé de l'étranger ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine que dans le cas où il estime que celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays. Dans le cas où ce médecin estime que l'étranger ne peut bénéficier d'un tel traitement et où le préfet entend s'écarter de cet avis et prendre un arrêté par lequel il refuse à l'étranger un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et assortit ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont l'étranger est originaire, il appartient au préfet, dès lors qu'il lui incombe de vérifier si l'étranger est en capacité de voyager sans risque et en l'absence de tout élément soumis à son appréciation lui permettant d'ores et déjà de se prononcer à cet égard, d'avertir à cette fin l'intéressé de son intention de lui refuser le titre de séjour demandé et de l'inviter à présenter ses observations. Le préfet n'est toutefois pas tenu à peine d'irrégularité d'inviter expressément l'étranger à mentionner s'il estime se trouver dans l'incapacité à voyager sans risque. Il appartient à l'étranger, s'il s'y croit fondé, de faire état d'une telle incapacité et de produire tout élément, même lorsqu'il entend ne pas lever le secret médical concernant la pathologie dont il souffre, de nature à démontrer cette incapacité. Dans le cas où l'étranger fait de telles observations, il appartient alors au préfet, s'il entend maintenir son projet de renvoi de l'étranger dans son pays d'origine, de mentionner dans son arrêté les raisons pour lesquelles il n'estime pas devoir prendre en compte ces observations ; qu'à l'inverse, dans le cas où l'étranger n'a fait aucune observation en ce sens, le préfet est réputé avoir examiné ce point au vu des éléments en sa possession sans avoir à motiver expressément son arrêté sur cette question.
14. M. C...soutient que le préfet de la Loire-Atlantique ne pouvait pas prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français en l'absence d'information, dans l'avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé, sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique ait informé le requérant de ce qu'il envisageait d'assortir sa décision de refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement et l'ait invité à présenter des observations avant l'édiction d'une telle mesure. Il suit de là que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure ayant privé le requérant d'une garantie. Elle doit, dès lors, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de renvoi.
15. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens, que M. C...est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et à en demander, dans cette mesure, l'annulation.
Sur les conclusions aux fin d'injonction et d'astreinte :
16. Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / (...). ". A la suite de l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à circuler ou à séjourner sur le territoire français. Dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen.
17. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation de M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il y ait lieu d'assortir cette mesure d'une astreinte.
Sur les frais liés à l'instance :
18. M. C...a été maintenu au bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me B...dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 24 janvier 2018 en tant qu'il a rejeté les conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français et celle fixant le pays de destination et ces deux décisions sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation administrative de M. C...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à Me B...la somme de 1 000 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C...est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 29 novembre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 13 décembre 2018.
Le rapporteur,
J.-E. GeffrayLe président,
F. Bataille
Le greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01591