Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 mars 2020, 31 mars 2020 et 16 juillet 2020, le préfet de la Sarthe demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a estimé que l'arrêté contesté avait méconnu les dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les moyens soulevés par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2020, M. A... C..., représenté par Me D..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le moyen invoqué par le préfet n'est pas fondé ;
- il s'en rapporte à ses moyens soulevés devant le tribunal.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... C..., ressortissant norvégien né le 26 avril 1974, a été incarcéré à la maison d'arrêt du Mans le 29 janvier 2020. La levée d'écrou ayant lieu le 15 mars 2020, le préfet de la Sarthe a, par arrêté du 7 février 2020, pris à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de circulation sur le territoire français pour une durée de six mois. M. C... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement n° 2001773 du 10 mars 2020, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Nantes :
2. Aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger un ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) à quitter le territoire français lorsqu'elle constate : / (...) 3° Ou que son comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société. / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à sa situation, notamment la durée du séjour de l'intéressé en France, son âge, son état de santé, sa situation familiale et économique, son intégration sociale et culturelle en France, et de l'intensité de ses liens avec son pays d'origine. / L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification (...) L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel il est renvoyé en cas d'exécution d'office. / (...) ".
3. M. C..., de nationalité norvégienne, séjournant en France depuis décembre 2016 dans le cadre d'une activité de dressage de chevaux pour le compte de leurs propriétaires, a été condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement avec sursis et à une mise à l'épreuve de dix-huit mois pour " conduite d'un véhicule terrestre à moteur en état d'imprégnation alcoolique d'au moins 0,80 g/litre de sang " et pour " conduite d'un véhicule à une vitesse excessive eu égard aux circonstances ", prononcée par le tribunal judiciaire d'Argentan le 5 juillet 2018. M. C... n'ayant, après quelques mois, pas donné suite à la mise à l'épreuve, il a été incarcéré en décembre 2019 à la maison d'arrêt du Mans à la suite de la décision du 29 octobre 2019 du juge des libertés et de la détention prononçant la révocation totale du sursis accordé. Si M. C... fait valoir que la non-présentation devant le conseiller du service pénitentiaire d'insertion et de probation résulte d'une incompréhension liée au fait qu'il échangeait avec celui-ci en anglais et qu'il a alors quitté la France pour s'occuper de sa mère malade, il n'apporte aucun élément de preuve au soutien de ces allégations. Le billet d'avion produit concerne en effet un vol à destination de la Norvège de décembre 2019, soit postérieurement à la date de révocation du sursis. Dans ces conditions, eu égard à la gravité des faits de délinquance routière à l'origine de la condamnation de M. C... et à l'absence de respect de sa mise à l'épreuve, le préfet de la Sarthe a pu légalement obliger M. C... à quitter le territoire français en se fondant sur les dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé ses arrêtés en se fondant sur la méconnaissance des dispositions du 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par M. C... en appel et devant le tribunal administratif de Nantes :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
6. En premier lieu, il ressort de la lecture de cette décision que celle-ci comporte les considérations de droit et de fait sur lesquels elle se fonde. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
7. En deuxième lieu, si M. C... soutient que cette décision aurait été prise sans examen particulier des circonstances de l'espèce, ce moyen manque en fait.
8. En troisième lieu, le principe de liberté de circulation des citoyens de l'Union européenne n'est pas un droit absolu, et doit être appliqué sous réserve d'éventuelles menaces aux intérêts fondamentaux de la société, ainsi que le prévoit le 3° de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de l'atteinte au principe de libre circulation des citoyens de l'Union européenne ne peut, en tout état de cause, à le supposer applicable à la Norvège, qu'être écarté.
9. En quatrième lieu, si M. C... fait valoir qu'il vit avec une ressortissante française et qu'il est abstinent, ces circonstances ne suffisent pas à établir qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet de la Sarthe aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté.
En ce qui concerne la décision portant refus de délai départ volontaire :
10. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision doit être annulée par voie de conséquence.
11. En second lieu, compte tenu des faits exposés au point 3, le préfet de la Sarthe a pu, en raison de l'urgence de la situation, légalement décider de ne pas accorder de délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de circulation sur le territoire français :
12. Aux termes de l'article L. 511-3-2 du même code : " L'autorité administrative peut, par décision motivée, assortir l'obligation de quitter le territoire français prononcée en application des 2° et 3° de l'article L. 511-3-1 d'une interdiction de circulation sur le territoire français d'une durée maximale de trois ans (...) ".
13. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas illégale, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision doit être annulée par voie de conséquence.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 7 février 2020 et a condamné l'Etat à verser à Me D..., avocat de M. C..., la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2001773 du 10 mars 2020 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : Les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C... devant le tribunal administratif de Nantes et celles présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... C... et à Me D....
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 4 janvier 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2021.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 20NT01107