Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 mai et 10 septembre 2014, la caisse régionale de crédit agricole mutuel du Finistère, représentée par la SCP Wauquet-Farge-Hazan, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 mars 2014 ;
2°) de prononcer la décharge de l'amende ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement, qui ne s'est pas prononcé sur le point de savoir si les inspecteurs de la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI) ont agi à la requête du ministre de l'économie, n'est pas suffisamment motivé ;
- un agent de la DVNI n'a pas compétence pour dresser un procès-verbal d'infraction à la requête du ministre de l'économie ; il n'est pas établi qu'en l'espèce, il a été dressé à la requête du ministre de l'économie ;
- les infractions passibles de l'amende prévue par l'article 1739 du code général des impôts ne peuvent pas être recherchées dans le cadre d'une vérification de comptabilité, laquelle a eu exclusivement ce but, les comptes d'épargne réglementée vérifiés n'étant soumis à aucune obligation déclarative ; en application de l'article 1739 du code général des impôts, la recherche de ces infractions relève d'une procédure particulière de contrôle ;
- l'avis de vérification ne visait pas l'épargne réglementée ;
- le tribunal a estimé à tort que le moyen tiré de la privation des garanties prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié était inopérant ; elle n'a pas été informée de plusieurs garanties prévues par la charte des droits et obligations du contribuable vérifié, notamment de la faculté de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur et l'interlocuteur départemental ;
- les premiers juges ont estimé à tort que l'amende n'est pas contraire à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et qu'elle ne méconnaît pas le principe de proportionnalité des peines qui en découle ; le juge doit pouvoir moduler une sanction fiscale à un taux unique et d'application automatique ; le taux et l'assiette de l'amende sont excessifs et le plancher de 75 euros est manifestement disproportionné ; elle n'a tiré aucun profit des irrégularités commises ; l'amende versée est très supérieure au préjudice subi par le Trésor public.
Par un mémoire en défense, enregistré le 5 août 2014, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à la sagesse de la cour quant à la régularité du jugement attaqué et soutient que :
- le moyen tiré de l'incompétence matérielle des agents de la DVNI est inopérant et n'est au demeurant pas fondé ;
- les autres moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code monétaire et financier ;
- le décret n° 2007-996 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ;
- le décret n° 2007-1003 du 31 mai 2007 relatif aux attributions du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
- le décret n° 2008-310 du 3 avril 2008 relatif à la direction générale des finances publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Aubert,
- les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que la caisse régionale du crédit agricole mutuel (CRCAM) du Finistère relève appel du jugement du 20 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende d'un montant total de 79 600 euros, qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1756 bis du code général des impôts au titre de l'année 2005 et de l'article 1739 du même code au titre des années 2006 et 2007 à raison d'opérations illégalement effectuées au cours de ces trois années ;
2. Considérant qu'aux termes du I de l'article 1739 du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable, dont les dispositions reprennent celles qui figuraient, antérieurement au 1er janvier 2006, à l'article 1756 bis du même code : " I. - Nonobstant toutes dispositions contraires, il est interdit à tout établissement de crédit qui reçoit du public des fonds à vue ou à moins de cinq ans, et par quelque moyen que ce soit, d'ouvrir ou de maintenir ouverts dans des conditions irrégulières des comptes bénéficiant d'une aide publique, notamment sous forme d'exonération fiscale, ou d'accepter sur ces comptes des sommes excédant les plafonds autorisés. / Sans préjudice des sanctions disciplinaires qui peuvent être infligées par la commission bancaire, les infractions aux dispositions du présent article sont punies d'une amende fiscale dont le taux est égal au montant des intérêts payés, sans que cette amende puisse être inférieure à 75 euros. (...) " ; que ces dispositions sont reprises, dans des termes analogues, à l'article L. 221-35 du code monétaire et financier ; qu'aux termes de l'article L. 221-36 de ce code, dans sa rédaction applicable à la procédure ayant conduit à l'infliction d'une amende à la société requérante : " Les infractions aux dispositions de l'article L. 221-35 sont constatées comme en matière de timbre : /- par les comptables du Trésor ; /- par les agents des administrations financières. / Les procès-verbaux sont dressés à la requête du ministre chargé de l'économie. " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que l'amende prévue par l'article 1739 du code général des impôts ne peut être infligée que sur le fondement d'un procès-verbal dressé à la requête du ministre chargé de l'économie ;
4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le procès-verbal d'infraction dressé le 15 décembre 2008 à la suite duquel la CRCAM du Finistère a été soumise à l'amende prévue par les dispositions précitées du code général des impôts a été établi " à la requête du directeur général des impôts " par un agent de la direction des vérifications nationales et internationales ; qu'il résulte des décrets du 31 mai 2007 relatifs, l'un, aux attributions du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, et l'autre, à celles du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, qu'à la date du 15 décembre 2008, la direction générale des impôts, après sa fusion avec la direction générale de la comptabilité publique, faisait partie de la direction générale des finances publiques, laquelle était placée pour l'ensemble de ses attributions, à la seule exception de celles concernant la législation fiscale, sous l'autorité du ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique et non sous celle du ministre de l'économie, des finances et de l'emploi ; qu'il suit de là que le procès-verbal d'infraction dressé le 15 décembre 2008 ne peut être regardé comme l'ayant été " à la requête du ministre chargé de l'économie " ainsi que l'exigent les dispositions de l'article L. 221-36 du code monétaire et financier ; que la méconnaissance de cette obligation, qui constitue une garantie pour la personne sanctionnée, entache la procédure ayant conduit au prononcé de l'amende infligée à la requérante d'une irrégularité de nature à entraîner sa décharge ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que la CRCAM du Finistère est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande ;
6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la CRCAM du Finistère de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Rennes du 20 mars 2014 est annulé.
Article 2 : La CRCAM du Finistère est déchargée de l'amende d'un montant total de 79 600 euros qui lui a été infligée au titre des années 2005 à 2007.
Article 3 : L'Etat versera à la CRCAM du Finistère la somme de 1500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse régionale de crédit agricole mutuel (CRCAM) du Finistère et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 1er juin 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- M. Jouno, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 16 juin 2016.
Le rapporteur,
S. AubertLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01375 2
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