Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés le 31 mai 2016 et le 10 août 2016, le préfet de Maine-et-Loire demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 mai 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- contrairement ce qu'a jugé le tribunal, il n'a, en se fondant sur la circonstance que M. A... était majeur lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance, entaché sa décision d'aucune erreur de fait ;
- indépendamment de la condition tenant à sa minorité, l'intéressé ne pouvait bénéficier du titre de séjour prévu à l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne justifiait pas suivre, depuis au moins six mois, une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle ; il a en outre conservé des attaches familiales dans son pays d'origine ;
- son arrêté n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 septembre 2016, M. A..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- il est né en 1996 et était donc mineur lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 4 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que le préfet de Maine-et-Loire relève appel du jugement du 31 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes, à la demande de M.A..., a annulé son arrêté du 6 janvier 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi, lui a enjoint de procéder à un nouvel examen de la situation de l'intéressé et a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. " ;
3. Considérant que M. C...A..., qui a déclaré être né le 13 décembre 1996, a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet de Maine-et-Loire a rejeté sa demande au motif que l'intéressé était majeur lorsqu'il a été pris en charge, en 2013, par les services de l'aide sociale à l'enfance ; qu'il ressort des pièces du dossier que le relevé des empreintes digitales réalisé le 22 décembre 2015 et la consultation de la base de données Visabio ont révélé que l'intéressé avait présenté le 7 avril 2011 une demande de visa auprès des autorités françaises en Guinée en se présentant alors sous l'identité de Lamine A...né le 10 août 1974 ; que cette identité est corroborée par les copies d'un passeport et d'une carte nationale d'identité guinéens produites par le préfet de Maine-et-Loire, sur lesquels est apposée une photographie ainsi que par le jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance rendu par le tribunal de première instance de Conakry en 2011 ; que si M. A...produit un extrait d'acte de naissance à son nom faisant état d'une date de naissance au 13 décembre 1996, ce seul document, sur lequel ne figure ni photographie ni empreinte, ne suffit pas à démontrer l'inexactitude des informations contenues dans le fichier Visabio sur lesquelles le préfet de Maine-et-Loire s'est fondé pour regarder la condition de minorité comme non remplie ; que la circonstance que ni le juge des enfants ni l'équipe éducative ayant accompagné M. A...depuis 2013 n'ont remis en cause son âge déclaré ne saurait davantage, en l'absence de tout autre élément, établir la situation de minorité de l'intéressé ; que, dès lors, le préfet de Maine-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont accueilli le moyen tiré de ce que M. A...était mineur lors de sa prise en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance ;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...tant en première instance qu'en appel à l'appui de ses conclusions aux fins d'annulation ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
5. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) " ; qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;
6. Considérant que M. A...soutient qu'il est le père d'un enfant français, qu'il maîtrise la langue française et qu'il a un projet professionnel ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé séjournait en France, à la date de la décision contestée, depuis moins de trois ans ; qu'il n'est pas dépourvu de toute attache familiale en Guinée où réside notamment sa mère avec laquelle il a conservé des liens comme il le précise lui-même dans sa demande de titre de séjour ; que s'il a reconnu, le 3 septembre 2015, un enfant de nationalité française né à Arles le 19 novembre 2014, il est constant qu'à la date de la décision contestée, M. A... n'avait établi aucun lien avec son enfant ; que, dans ces conditions, malgré la circonstance que l'intéressé aurait saisi le juge aux affaires familiales afin de faire valoir ses droits parentaux, la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de son enfant ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés ; que, pour les mêmes motifs, le préfet de Maine-et-Loire n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M.A... ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de cette décision doit être écarté ;
8. Considérant, en second lieu, que pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6 du présent arrêt, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est contraire ni à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni au 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'elle n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
9. Considérant que l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de ces décisions doit être écarté ;
10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de M. A...tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Maine-et-Loire du 6 janvier 2016 doivent être rejetées ; que, par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 10 mai 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.A....
Copie sera adressée au préfet de Maine-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Bougrine, conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.
Le rapporteur,
K. BougrineLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01764