Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 juin 2016, le préfet de la Mayenne demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2016 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que son arrêté était insuffisamment motivé faute d'y mentionner les documents sur lesquels il s'est fondé pour s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; la motivation de son arrêté permettait à son destinataire de comprendre la raison qui l'a conduit à s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, à savoir l'existence de soins appropriés en Guinée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2016, M.A..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) de rejeter la requête ;
2°) à titre principal, d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ; à titre subsidiaire, d'annuler la décision l'obligeant à quitter le territoire français et d'enjoindre au préfet de la Mayenne de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et sous la même astreinte ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 300 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il fait valoir que :
- la décision rejetant sa demande de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivée ; elle méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet n'établit pas que le traitement approprié à son affection est disponible en Guinée et que, compte tenu de sa situation économique, sa situation doit, en tout état de cause, être regardée comme présentant une circonstance humanitaire exceptionnelle ; la décision contestée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la circulaire du 28 novembre 2012 ; elle est contraire aux dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code ainsi qu'aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité dont est entachée la décision portant refus de titre de séjour ; elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bougrine a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. A..., ressortissant guinéen né le 10 octobre 1974, a sollicité le 3 novembre 2015 le renouvellement du titre de séjour dont il bénéficiait sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par un arrêté du 2 février 2016, le préfet de la Mayenne a rejeté cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que le préfet relève appel du jugement du 26 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;
3. Considérant que, pour rejeter la demande de renouvellement du titre de séjour dont M. A... bénéficiait en qualité d'étranger malade, le préfet de la Mayenne, après avoir indiqué la teneur de l'avis rendu le 3 décembre 2015 par le médecin de l'agence régionale de santé et précisé qu'il n'était pas lié par cet avis, a estimé que le traitement adapté à l'état de santé de l'intéressé existait en Guinée ; que, dès lors, le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 2 février 2016 au motif que la décision portant refus de titre de séjour était insuffisamment motivée ;
4. Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...tant en première instance qu'en appel ;
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que par un arrêté du 9 octobre 2015, régulièrement publié au recueil des actes administratif de la préfecture du 13 octobre 2015, le préfet de la Mayenne a donné délégation à Mme Laëtitia Cesari-Giordani, secrétaire générale de la préfecture de la Mayenne, à l'effet de signer tous arrêtés, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception de certains actes limitativement énumérés au nombre desquels ne figurent pas les décisions relatives au séjour et à l'éloignement des étrangers ; que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté du 2 février 2016 doit, par suite, être écarté ;
6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " (...) Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) " ;
7. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ;
8. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d 'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;
9. Considérant que, par un avis rendu le 3 décembre 2015, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé, d'une part, que l'état de santé de M. A...nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, qu'il n'existe pas dans son pays d'origine un traitement approprié pour cette prise en charge ; que le préfet de la Mayenne, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à l'intéressé le titre de séjour demandé au motif que le traitement adapté à l'état de santé de l'intéressé existe en Guinée ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment d'une ordonnance médicale du 1er février 2016 que le traitement médicamenteux prescrit à M.A..., lequel souffre d'hypertension artérielle sévère, se compose de " covéram ", de " ténormine " et de " indapamide " et que son état de santé nécessite un suivi en cardiologie ; que le préfet de la Mayenne a produit devant les premiers juges la liste nationale des médicaments essentiels, établie par le ministère guinéen de la santé et de l'hygiène publique et mise à jour en 2012, sur laquelle figurent le " indapamide ", sous cette appellation, ainsi que le " aténolol " et le " périndopril ", principes actifs du " ténormine " et du " covéram " ; qu'il ressort également des pièces produites par le préfet de la Mayenne qu'une clinique située dans la région de Conakry dispose d'un service en cardiologie offrant à la fois un suivi par un spécialiste et le matériel médical adapté aux examens qui constituent ce suivi ; que M. A...ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause les éléments de preuve apportés par le préfet, lesquels établissent de manière suffisante qu'il existe en Guinée un traitement approprié à son état de santé ; que le requérant ne justifie pas davantage d'une circonstance humanitaire exceptionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 et de celles de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;
11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, (...) " ;
12. Considérant que M.A..., entré sur le territoire français en 2008, est célibataire et sans charge de famille en France ; qu'il se prévaut d'une relation avec une ressortissante française sans toutefois apporter le moindre élément de nature à en démontrer la réalité, l'ancienneté et la stabilité ; qu'en outre, il est constant qu'il est le père de deux enfants mineurs résidant au Sénégal auprès de sa soeur ; que, dans ces conditions, malgré l'insertion professionnelle dont le requérant justifie, la décision contestée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, méconnu ni les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
13. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7. / (...) " ;
14. Considérant qu'en se bornant à alléguer qu'il s'expose, en raison de son engagement politique, à des risques de persécutions en Guinée, M. A... ne justifie d'aucune considération humanitaire ni d'aucun motif exceptionnel de nature à justifier son admission exceptionnelle au séjour ;
15. Considérant, en cinquième lieu, que M. A...ne peut utilement se prévaloir des orientations générales que, par la circulaire du 28 novembre 2012, le ministre de l'intérieur a pu adresser aux préfets pour les éclairer dans la mise en oeuvre de leur pouvoir de régularisation de la situation d'un étranger en situation irrégulière ;
16. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne aurait entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M.A... ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
17. Considérant, en premier lieu, que l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour n'étant pas établie, le moyen tiré par voie d'exception de l'illégalité de cette décision, que M. A...invoque à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français, ne peut qu'être écarté ;
18. Considérant, en deuxième lieu, qu'il y a lieu, pour les motifs exposés au point 10 du présent arrêt, d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
19. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence d'argumentation spécifique à la contestation de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 12 du présent arrêt ;
20. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'appréciation à laquelle s'est livré le préfet de la Mayenne quant aux conséquences de sa décision portant obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de M. A... soit entachée d'erreur manifeste ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
21. Considérant que M. A...soutient qu'il encourt des risques de persécutions en cas de retour en Guinée ; que, toutefois, il n'assortit ses allégations d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé alors, au demeurant, que sa demande d'asile a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 16 mars 2010, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 6 juillet 2011 ;
22. Considérant qu'il résulte de tout de ce qui précède que le préfet de la Mayenne est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 2 février 2016 refusant à M. A...le renouvellement de son titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi et lui a enjoint de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé ; que, par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M.A..., de même que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 26 mai 2016 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nantes et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M.A....
Copie en sera adressée au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 1er décembre 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Bougrine, conseiller.
Lu en audience publique, le 16 décembre 2016.
Le rapporteur,
K. Bougrine Le président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16NT01893