Par une requête, enregistrée le 26 octobre 2020, M. B..., représenté par Me Le Floch, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté du 5 juillet 2019 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ou à défaut, de procéder au réexamen de sa demande de titre de séjour, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 10 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros qui devra être versée à son avocate en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
sur la décision de refus de titre de séjour :
- la décision n'est pas suffisamment motivée en fait, ce qui révèle un défaut d'examen particulier de sa situation et méconnaît les dispositions de l'article L. 311-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
- l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration est irrégulier, dès lors qu'il n'est pas possible de déterminer sa date et que la régularité des signatures électroniques n'est pas établie ;
- le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu et la décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
sur l'obligation de quitter le territoire français :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de titre de séjour ;
- elle a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
sur la décision fixant le pays de destination :
- elle doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La clôture d'instruction est intervenue le 20 septembre 2021.
Un mémoire en défense, enregistré le 27 septembre 2021, après la clôture d'instruction, a été présenté par le préfet de la Loire-Atlantique et n'a pas été communiqué.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 septembre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2017-1416 du 28 septembre 2017 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picquet,
- et les observations de Me Le Floch, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant béninois né le 20 mars 1974, est entré en France le 1er janvier 2017. Sa demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision du 29 septembre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, devenue définitive. Il a ultérieurement sollicité du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du
5 juillet 2019, le préfet de la Loire-Atlantique a pris à son encontre un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nantes l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 1er juillet 2020, le tribunal administratif de Nantes a rejeté cette demande. M. B... fait appel de ce jugement.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la décision de refus de titre de séjour, qui n'a pas à mentionner l'ensemble des éléments de la situation du requérant mais seulement ceux sur lesquels le préfet entend fonder sa décision, comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, en particulier s'agissant de l'état de santé du requérant, le préfet ayant mentionné la teneur de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, et de sa situation personnelle et familiale. Si le requérant soutient que le préfet n'a pas examiné sa situation professionnelle, il n'est ni établi ni même allégué que le préfet aurait été informé que l'intéressé bénéficiait d'un contrat de travail daté du 28 mai 2019, cet élément étant en tout état de cause très récent, et la promesse d'embauche du 26 juillet 2019 produite est postérieure à l'arrêté contesté du 5 juillet 2019. Par suite, les moyens tirés de l'insuffisante motivation de cette décision et du défaut d'examen particulier révélé par cette motivation doivent être écartés.
3. En deuxième lieu, si pour refuser la délivrance d'un titre de séjour à M. B..., le préfet de la Loire-Atlantique s'est fondé notamment sur l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, il doit être regardé comme s'en étant approprié les motifs s'agissant des conséquences du défaut de prise en charge médicale et s'est prononcé, par un " en tout état de cause ", sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine. Dès lors, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il se soit cru lié par cet avis et qu'il n'ait pas exercé son propre pouvoir d'appréciation avant de prendre sa décision. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le préfet a commis une erreur de droit en se croyant en situation de compétence liée doit être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". Aux termes de l'article R. 313-22 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". L'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors applicable, dispose que : " Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission du certificat médical. (...) ". Enfin, l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 visé ci-dessus dispose : " L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ". Il appartient au préfet, lorsqu'il statue sur une demande de carte de séjour, de s'assurer que l'avis a été rendu par le collège de médecins conformément aux règles procédurales fixées par ces textes.
5. Aux termes de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Les décisions de l'administration peuvent faire l'objet d'une signature électronique. Celle-ci n'est valablement apposée que par l'usage d'un procédé, conforme aux règles du référentiel général de sécurité mentionné au I de l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, qui permette l'identification du signataire, garantisse le lien de la signature avec la décision à laquelle elle s'attache et assure l'intégrité de cette décision ".
6. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office transmis par le préfet est daté du 25 janvier 2019 alors que l'avis du collège de médecins produit par le requérant date du 28 janvier 2019. Toutefois, le préfet soutient sans être contredit que l'avis produit par le requérant a été généré automatiquement par un logiciel avec une date correspondant à la clôture administrative du dossier, en l'occurrence la date de transmission à la préfecture. Si le requérant soutient que cette double date d'avis méconnaît l'article 9 de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005, l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'est pas au nombre des actes relevant du champ d'application de l'article L. 212-3 du code des relations entre le public et l'administration, dont le respect ne s'impose qu'aux décisions administratives. Le moyen doit, dès lors, être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. / Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article 1er du décret du 28 septembre 2017 relatif à la signature électronique : " La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée, jusqu'à preuve du contraire, lorsque ce procédé met en œuvre une signature électronique qualifiée. / Est une signature électronique qualifiée une signature électronique avancée, conforme à l'article 26 du règlement susvisé et créée à l'aide d'un dispositif de création de signature électronique qualifié répondant aux exigences de l'article 29 dudit règlement, qui repose sur un certificat qualifié de signature électronique répondant aux exigences de l'article 28 de ce règlement ". Selon l'article 26 du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014 sur l'identification électronique et les services de confiance pour les transactions électroniques au sein du marché intérieur et abrogeant la directive 1999/93/CE : " Exigences relatives à une signature électronique avancée. Une signature électronique avancée satisfait aux exigences suivantes : / a) être liée au signataire de manière univoque ; / b) permettre d'identifier le signataire ; c) avoir été créée à l'aide de données de création de signature électronique que le signataire peut, avec un niveau de confiance élevé, utiliser sous son contrôle exclusif ; et d) être liée aux données associées à cette signature de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable ".
8. Il ressort des pièces du dossier que la signature, par les membres du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de l'avis émis par ce dernier en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est apposée électroniquement au moyen de l'application Thémis. Il ne ressort des pièces du dossier ni que les signatures des médecins du collège de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne seraient pas authentiques ni que le procédé de signature ne pouvait pas bénéficier de la présomption de fiabilité prévue par les dispositions combinées de l'article 1367 du code civil, du règlement (UE) du Parlement européen et du Conseil du
23 juillet 2014 et du décret du 28 septembre 2017.
9. En cinquième et dernier lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires
10. Par un avis du 25 janvier 2019, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais, qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié et que son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine.
11. Il ressort des pièces du dossier que le requérant est atteint de troubles anxio-dépressifs. Il produit un certificat médical du 4 février 2020 indiquant qu'il souffre de ces troubles depuis 2017 et qu'il est actuellement plus stable sur le plan psychique grâce à un traitement antidépresseur et neuroleptique et un suivi psychothérapeutique. Toutefois, l'ordonnance produite, mentionnant les médicaments Tercian et Anafranil, est datée du
18 août 2020, soit plus d'un an après l'arrêté contesté. Le certificat médical du 4 février 2020 ne précise pas les médicaments pris antérieurement. Par conséquent, la seule circonstance que le laboratoire fabriquant l'Anafranil ait indiqué, fin octobre 2020, que ce médicament n'était pas commercialisé au Bénin, ne suffit pas à démontrer que le requérant ne pourrait pas bénéficier effectivement d'un traitement approprié au Bénin. Il en est de même du " rapport d'enquête sur les services de santé : disponibilité et capacité opérationnelle des services de santé au Bénin " réalisé en juin 2013 par la direction de la programmation et de la prospective du ministère de la santé avec l'assistance de l'Organisation mondiale de la santé, qui ne porte pas spécifiquement sur les médicaments pris par l'intéressé. Par conséquent, les moyens tirés de ce que le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été méconnu et de ce que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; (...) ". Pour les mêmes motifs que ceux indiqués au point 11, les moyens tirés de la méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
13. En second lieu, il résulte des points 2 à 11 que le moyen tiré de ce que la décision doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de titre de séjour doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de destination :
14. Il résulte des points 2 à 13 que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 7 octobre 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Picquet, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 octobre 2021.
La rapporteure,
P. Picquet
Le président,
F. Bataille
La greffière,
A. Marchais
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 20NT03355