Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 septembre 2016 et le 31 janvier 2017, M.D..., représenté par MeC..., demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 juin 2016 ;
2°) d'annuler les décisions du 2 mars 2016 par lesquelles le préfet de la Mayenne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Mayenne de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- sa requête est recevable dès lors qu'il a indiqué être désormais hébergé chez Mme A...à Laval ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ; le préfet ne pouvait prendre une telle décision en l'absence d'information sur la capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine ; elle est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour qui méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est entachée d'incompétence ; elle viole les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2016, le préfet de la Mayenne conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- la requête n'est pas recevable dès lors que le requérant ne justifie pas d'un domicile, ayant été expulsé de celui qu'il occupait au 2 place Pasteur à Laval ;
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 septembre 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.
1. Considérant que M.D..., ressortissant angolais né le 6 novembre 1986 à Damba (Angola), est entré irrégulièrement en France le 11 janvier 2012 ; que sa demande de statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 30 août 2012 confirmée le 4 avril 2013 par la Cour nationale du droit d'asile ; qu'il a obtenu un titre séjour pour raisons de santé à compter du 7 février 2014, régulièrement renouvelé jusqu'au 29 janvier 2016 ; que, par décisions du 2 mars 2016, le préfet de la Mayenne a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ; que, par un arrêté du 9 juin 2016, il a assigné M. D...à résidence dans la commune de Laval pour une durée de quarante-cinq jours à compter de sa notification et l'a astreint à se présenter chaque semaine, le mardi et le vendredi au commissariat de police de cette ville ; que M. D...relève appel du jugement du 13 juin 2016 du magistrat désigné par le tribunal administratif de Nantes en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par le préfet :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : " " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. (...) " ;
3. Considérant que la requête introductive d'instance indique, contrairement à ce que soutient le préfet, le domicile de M.D..., situé 2 place Pasteur à Laval ; que le préfet fait valoir qu'au jour du dépôt de sa requête, l'intéressé, qui n'avait pas élu domicile chez son avocat, ne résidait plus à ce domicile depuis le 21 juin 2016 et que les forces de l'ordre ont constaté que le logement était vide de tout occupant le 18 octobre 2016 ; que, toutefois, M. D...a informé la cour par courrier du 6 janvier 2017 de son nouveau domicile situé chez MmeA..., 93 boulevard Frédéric-Chaplet à Laval et produit une attestation d'hébergement ; que, dès lors et en tout état de cause, la fin de non-recevoir opposée par le préfet de la Mayenne doit être écartée ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. Considérant qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis (...) / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / (...) " ;
5. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'arrêté du 9 novembre 2011 que le médecin de l'agence régionale de santé ne doit indiquer, dans son avis, si l'état de santé de l'étranger ne lui permet pas de voyager sans risque vers son pays d'origine que dans le cas où il estime que celui-ci peut bénéficier d'un traitement approprié dans ce pays ; que dans le cas où ce médecin estime que l'étranger ne peut bénéficier d'un tel traitement et où le préfet entend s'écarter de cet avis et prendre un arrêté par lequel il refuse à l'étranger un titre de séjour en qualité d'étranger malade, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et assortit ce refus d'une obligation de quitter le territoire français à destination du pays dont l'étranger est originaire, il appartient au préfet, dès lors qu'il lui incombe de vérifier si l'étranger est en capacité de voyager sans risque et en l'absence de tout élément soumis à son appréciation lui permettant d'ores et déjà de se prononcer à cet égard, d'avertir à cette fin l'intéressé de son intention de lui refuser le titre de séjour demandé et de l'inviter à présenter ses observations ; que le préfet n'est toutefois pas tenu à peine d'irrégularité d'inviter expressément l'étranger à mentionner s'il estime se trouver dans l'incapacité à voyager sans risque ; qu'il appartient à l'étranger, s'il s'y croit fondé, de faire état d'une telle incapacité et de produire tout élément, même lorsqu'il entend ne pas lever le secret médical concernant la pathologie dont il souffre, de nature à démontrer cette incapacité ; que, dans le cas où l'étranger fait de telles observations, il appartient alors au préfet, s'il entend maintenir son projet de renvoi de l'étranger dans son pays d'origine, de mentionner dans son arrêté les raisons pour lesquelles il n'estime pas devoir prendre en compte ces observations ; qu'à l'inverse, dans le cas où l'étranger n'a fait aucune observation en ce sens, le préfet est réputé avoir examiné ce point au vu des éléments en sa possession sans avoir à motiver expressément son arrêté sur cette question ;
6. Considérant que M. D...souffre d'un syndrome anxio-dépressif et d'une hypertension artérielle ; que, par un avis rendu le 28 janvier 2016, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas en Angola de traitement approprié à cet état de santé ; que le préfet de la Mayenne, qui n'était pas lié par cet avis, a toutefois refusé de délivrer à M. D...le titre de séjour demandé au motif qu'il existe un traitement approprié à la pathologie de l'intéressé en Angola ; que le requérant soutient que le préfet ne pouvait pas prendre à son encontre une décision portant obligation de quitter le territoire français en l'absence d'information sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Mayenne ait informé M. D...de ce qu'il envisageait d'assortir sa décision de refus de titre de séjour d'une mesure d'éloignement et l'ait invité à présenter des observations avant l'édiction d'une telle mesure ; qu'il suit de là que la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un vice de procédure ayant privé l'intéressé d'une garantie ; qu'elle doit, dès lors, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays à destination duquel M. D...est susceptible d'être éloigné ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. / (...) " ; qu'à la suite de l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à circuler ou à séjourner sur le territoire français ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'une obligation de quitter le territoire français et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée au vu de l'ensemble de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ;
9. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation de M. D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt après l'avoir muni d'une autorisation provisoire de séjour ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
11. Considérant que M. D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son conseil peut, par application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée, se prévaloir de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, s'il renonce à la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me C...renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de condamner celui-ci à verser au conseil de
M. D...une somme de 1 500 euros au titre de ces dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les décisions du préfet de la Mayenne du 2 mars 2016 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination et l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Nantes du 13 mai 2016 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Mayenne de réexaminer la situation administrative de
M. D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt après lui avoir délivré une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros au titre des dispositions des
articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à
MeC..., conseil de M.D..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...D...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de la Mayenne.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 23 mars 2017.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
S. Aubert
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT03174