Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2019, M. A... D..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados de lui délivrer un titre de séjour d'un an ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination méconnaît l'article 3 de la de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 novembre 2019, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet pour l'essentiel à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par le requérant ne sont pas fondés.
Par une décision du 5 août 2019, M. A... D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... D..., ressortissant libyen né le 20 juin 1975 à Benghazi (Libye), est entré sur le territoire français le 26 juillet 2007 muni d'un passeport revêtu d'un visa D portant la mention " étudiant ". Il a obtenu dix cartes de séjour en sa qualité d'étudiant, la dernière arrivant à échéance le 30 septembre 2017. Le 26 juillet 2017, M. A... D... a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et a été placé sous récépissé. Par un arrêté du 21 décembre 2018, le préfet du Calvados a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Il relève appel du jugement n° 1900557 du 19 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. Aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " I.- La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant". (...) ". Le renouvellement de cette carte est subordonné, notamment, à la justification par son titulaire de la réalité et du sérieux des études qu'il a déclaré accomplir.
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... D... a bénéficié de titres de séjour portant la mention " étudiant " qui lui ont permis de suivre une année de formation en langue française à Vichy, puis trois années de doctorat à l'université de Caen. En 2011/2012, M. A... D... a suspendu son doctorat pendant une année, afin d'exercer une mission au sein du ministère de la justice libyen. En 2012/2013, M. A... D... a repris ses études, et s'est ainsi inscrit à l'université de Paris I pour suivre sa quatrième année de thèse. M. A... D... a également bénéficié d'un renouvellement de son titre de séjour afin de poursuivre sa thèse. M. A... D... a passé sa soutenance le 23 novembre 2017 au cours de sa neuvième année de thèse. Afin qu'il apporte des corrections à cette thèse, un délai supplémentaire lui a alors été accordé. M. A... D... a donc été autorisé à poursuivre ses travaux de thèse jusqu'en décembre 2018. Par conséquent, à la date de l'arrêté attaqué, soit le 21 décembre 2018, il est constant que M. A... D... avait achevé sa thèse, après neuf ans et demi de doctorat. M. A... D... fait cependant valoir qu'il devait suivre une formation à l'université de Caen au cours du premier semestre 2018, intitulée " diplôme universitaire d'études françaises (DUEF) " et dont il avait suivi le premier semestre quelques années auparavant. Toutefois, si M. A... D... soutient que cette formation lui permettra de mieux valoriser sa thèse, il ne l'établit pas. En effet, M. A... D... était supposé avoir une bonne connaissance de la langue française, puisqu'il a suivi une formation d'un an à Vichy et a surtout soutenu sa thèse en français, après avoir vécu plus de dix ans en France. Par suite, le préfet du Calvados a pu légalement opposer à M. A... D... le critère de l'absence de réalité et de sérieux des études qu'il souhaitait accomplir. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-7 doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
4. Il ressort des pièces du dossier que l'épouse de M. A... D... a fait l'objet, le même jour, d'une obligation de quitter le territoire français. En outre, l'ensemble de la famille de M. A... D... réside en Lybie. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
5. Les pièces produites par M. A... D... ne permettent pas d'établir qu'à la date de la décision attaquée, en dépit de la gravité de la situation générale en Libye, il régnait dans cet Etat une situation de violence généralisée telle qu'un civil de nationalité libyenne devrait de ce seul fait être regardé comme personnellement soumis à des risques de traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. M. A... D... n'établit pas davantage que les missions qu'il a remplies pour l'Etat libyen en 2011 et 2012 seraient susceptibles d'engendrer un risque pour sa sécurité. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, M. A... D... et son épouse se trouvaient en Lybie. Par suite, M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté contesté méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT02864