Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 juillet 2019 et 21 août 2020 Mme A... B..., représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans un délai de quinze jours ou, à défaut, de réexaminer sa situation ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat, au bénéfice de son conseil, la somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 34 et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- le tribunal administratif de Caen a omis d'examiner le moyen tiré du défaut d'examen complet de sa situation en raison du délai d'un an entre la décision portant refus de titre de séjour et l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- compte tenu du caractère ancien de l'avis du collège de médecins, le préfet du Calvados aurait dû l'inviter à actualiser sa situation ;
- son état de santé s'est aggravé dans l'intervalle ; un cancer du foie a été diagnostiqué en juin 2018 ;
- en opposant le défaut de résidence habituelle, le préfet du Calvados a entaché son arrêté d'une erreur de droit ;
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnaît le 10° de l'article R. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision fixant le pays de destination :
- cette décision doit être annulée par voie de conséquence.
Par un mémoire en défense et un mémoire, enregistrés les 13 décembre 2019 et 2 septembre 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens invoqués par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une décision du 9 juillet 2019, Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., ressortissante mongole née le 18 décembre 1955, déclare être entrée irrégulièrement sur le territoire français le 9 avril 2014. Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de six mois lui a été délivrée et a été renouvelée jusqu'au 30 novembre 2015. Le 23 septembre 2015, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et a obtenu une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an, valable du 30 juin 2016 au 29 mai 2017. Le 7 juin 2017, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour et un récépissé de demande de titre de séjour lui a été délivré. Le 20 juillet 2018, les services de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) ont informé les services de la préfecture du Calvados de l'absence de réception du certificat médical de Mme B.... Par un courrier du 7 septembre 2018, notifié le 24 septembre suivant, le préfet du Calvados a informé la requérante du rejet de sa demande de renouvellement de titre de séjour en raison de l'absence de transmission du certificat médical prévu par les dispositions de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 1er octobre 2018, le directeur de l'OFII a cependant adressé au préfet du Calvados l'avis du collège de médecins de l'OFII, daté du 14 décembre 2017. Par un courrier du 12 octobre 2018, le préfet du Calvados a alors informé Mme B... du retrait du courrier du 7 septembre 2018. Puis, par un arrêté du 21 décembre 2018, le préfet du Calvados a refusé de renouveler le titre de séjour de Mme B... et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours. Mme B... a alors demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cet arrêté. Elle relève appel du jugement du 19 avril 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal administratif de Caen n'a pas omis d'examiner le moyen tiré du défaut d'examen complet de sa situation. En outre, le tribunal administratif de Caen n'a pas omis d'examiner le moyen tiré du vice de procédure résultant du délai d'un an entre la décision portant refus de titre de séjour et l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Caen est irrégulier.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
3. L'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ". L'article 8 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " L'avis du collège est transmis, sans délai, au préfet, sous couvert du directeur général de l'office. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration émis le 14 décembre 2017 n'a été transmis au préfet du Calvados que le 12 octobre 2018. L'arrêté contesté du 21 décembre 2018 a ainsi été pris plus d'un an après l'avis du collège de médecins. Il est constant que, pendant cette période, le préfet du Calvados n'a pas invité l'intéressée à actualiser sa situation médicale. En outre, pendant cette période, en juin 2018, les médecins ayant pris en charge Mme B... lui ont diagnostiqué un carcinome hépatocellulaire. Eu égard à ces circonstances particulières, Mme B... est fondée à soutenir que l'arrêté contesté du 21 décembre 2018 a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière, laquelle a eu une influence sur la décision attaquée. Par suite, cet arrêté doit être annulé.
5. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
6. Eu égard au motif d'annulation retenu par le présent arrêt, il y a lieu d'enjoindre au préfet du Calvados de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me D... de la somme de 800 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900220 du 19 avril 2019 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet du Calvados du 21 décembre 2018 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet du Calvados de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me D..., avocate de Mme B..., la somme de 800 (huit cents) euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et à l'article 108 du décret du 19 décembre 1991.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me D... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. C...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT02997