Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 octobre 2019, le préfet du Calvados demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif de Caen.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen s'est fondé, pour annuler son arrêté, sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 décembre 2019, Mme D... A..., représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que :
- le moyen soulevé par le préfet du Calvados n'est pas fondé ;
- la décision contestée porte atteinte à sa liberté fondamentale d'aller et venir ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une décision du 29 janvier 2020, Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... A..., ressortissante congolaise née le 2 février 1985 à Kinshasa (République démocratique du Congo), est entrée en France le 10 décembre 2010 sans visa. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'intéressée a présenté une première demande de titre de séjour le 28 janvier 2016, qui a été rejetée par un arrêté du préfet du Calvados en date du 23 juin suivant assorti d'une mesure d'éloignement. Elle a présenté le 18 avril 2017 une deuxième demande de titre de séjour, en qualité de salariée, qui a été rejetée par un arrêté du 27 juin 2017 également assorti d'une mesure d'éloignement. Après la naissance de sa fille, née le 26 octobre 2018, Mme A... a sollicité un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, le 27 février 2019. La délivrance d'un récépissé de demande de titre lui a toutefois été refusée, par une décision du préfet du Calvados du même jour. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler cette décision. Par un jugement n° 1900671 du 3 octobre 2019, le tribunal administratif de Caen a fait droit à sa demande. Le préfet du Calvados relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par les premiers juges :
2. Aux termes de l'article R. 311-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger, âgé de plus de dix-huit ans ou qui sollicite un titre de séjour (...) est tenu de se présenter (...) à la préfecture ou à la sous-préfecture, pour y souscrire une demande de titre de séjour du type correspondant à la catégorie à laquelle il appartient (...) ". L'article R. 311-4 du même code prévoit que : " Il est remis à tout étranger admis à souscrire une demande de première délivrance ou de renouvellement de titre de séjour un récépissé qui autorise la présence de l'intéressé sur le territoire pour la durée qu'il précise (...) ".
3. Il est constant que la demande de titre de séjour de Mme A... n'était ni une première demande de délivrance de titre ni une demande de renouvellement. Par suite, c'est par une exacte appréciation des dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet du Calvados a refusé de délivrer à Mme A... un récépissé.
4. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a annulé son arrêté en se fondant sur la méconnaissance des dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme A... devant le tribunal administratif de Caen et devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par Mme A... :
6. Les dispositions de l'article R. 311-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en conditionnant la délivrance du récépissé à l'existence d'une première demande de titre ou à une demande de renouvellement, visent à éviter le dépôt de demandes de titre de séjour abusives, uniquement destinées à obtenir la délivrance de récépissés. En outre, le refus de délivrance d'un récépissé ne fait pas obstacle à ce que l'étranger dépose son dossier de demande de titre de séjour. En l'espèce, il est d'ailleurs constant que Mme A... a pu formuler sa demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. En outre, il est également constant que Mme A... n'avait pas exécuté les deux précédentes mesures d'éloignement prises à son encontre. Dans ces conditions, la décision du 27 février 2019 ne méconnaît pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ne fait pas obstacle à la liberté d'aller et venir de l'intéressée.
7. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Calvados est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a annulé sa décision du 27 février 2019.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que le conseil de Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1900671 du 3 octobre 2019 du tribunal administratif de Caen est annulé.
Article 2 : La demande de Mme A... devant le tribunal administratif de Caen et les conclusions présentées en appel au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme D... A... et à Me C.... Copie sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. B..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04128