Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 octobre 2019 et 2 avril 2020, M. F..., représenté par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer dans le même délai ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'il ne pouvait pas utilement se prévaloir de ce que l'offre de soins en Algérie ne lui permettrait pas de recevoir les soins appropriés à sa pathologie, que l'arthrose peut être traitée dans ce pays et que les pièces médicales produites ne sauraient remettre en cause l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ; le préfet n'a pas apporté en première instance des éléments portant sur la couverture de l'assurance maladie en Algérie ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour a été prise par une autorité incompétente et n'est pas suffisamment motivée, est entachée de vices de procédure dès lors que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 décembre 2018 est insuffisamment motivé dans la mesure où le collège ne s'est pas prononcé sur la durée prévisible du traitement et où l'avis ne lui a pas été communiqué et n'a pas été joint à l'arrêté contesté et que les médecins du collège n'ont pas été régulièrement désignés, et méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 compte tenu de l'absence de traitement approprié à son état de santé en Algérie et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mars 2020, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. F... ne sont pas fondés.
M. F... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- et les observations de Me B..., représentant M. F....
Considérant ce qui suit :
1. Après le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 31 juillet 2017, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 18 mai 2018, M. F..., de nationalité algérienne, a sollicité, le 7 février 2018, du préfet de la Loire-Atlantique la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 18 février 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office après expiration de ce délai. M. F... relève appel du jugement du 25 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Nantes a omis de se prononcer sur l'offre de soins en Algérie manque en fait. Par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier.
Sur la légalité de l'arrêté contesté :
En ce qui concerne le moyen commun aux décisions contestées :
3. Par un arrêté du 11 janvier 2019, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet de la Loire-Atlantique a donné délégation à Mme D... C..., directrice de la règlementation et des libertés publiques, à l'effet de signer les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de destination. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté a été pris par une autorité incompétente manque en fait et doit être écarté.
En ce qui concerne la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
4. Pour refuser le renouvellement du titre de séjour à M. F..., le préfet de la Loire-Atlantique vise notamment l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et s'est fondé notamment sur l'avis du 8 décembre 2018 par lequel le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité et sur l'existence d'un traitement approprié en Algérie permettant à l'intéressé de poursuivre les soins initiés en France dont il a besoin. Il fait également état des éléments de le vie privée et familiale de M. F.... Dès lors, cette décision comporte l'énonciation des considérations de droit et de fait qui la fondent et est donc suffisamment motivée.
5. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " Le certificat de résidence d'un an, portant la mention vie privée et familiale, est délivré de plein droit (...) : / (...) / 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". En vertu de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux demandes de certificats de résidence formées par les ressortissants algériens en application de ces stipulations, le préfet délivre le titre de séjour au vu d'un avis émis, dans les conditions fixées par un arrêté, par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé.
6. Aux termes de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) L'avis est rendu par le collège dans un délai de trois mois à compter de la transmission par le demandeur des éléments médicaux conformément à la première phrase de l'alinéa (...) L'avis est transmis au préfet territorialement compétent, sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ".
7. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 pris pour l'application de ces dispositions : " (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".
8. Si M. F... fait valoir que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 8 décembre 2018 ne lui a pas été communiqué, ni le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'arrêté du 27 décembre 2016, ni aucun autre texte, ne prévoit la communication à l'intéressé de cet avis, lequel a par ailleurs été versé au dossier par le préfet de la Loire-Atlantique en première instance.
9. Compte tenu de ce qui a été dit au point 8, le préfet de la Loire-Atlantique n'était pas tenu de joindre l'avis du collège de médecins à l'arrêté contesté.
10. Par décision du 24 septembre 2018, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a désigné les docteurs Amoussou, Joseph et Ortega qui ont siégé au sein du collège pour émettre l'avis du 8 décembre 2018. Ainsi, la composition du collège est régulière.
11. Par un avis rendu le 28 septembre 2018, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. F... nécessite une prise en charge médicale, le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Dans ces conditions, le collège n'était pas tenu de se prononcer sur la durée prévisible du traitement administré à M. F.... Dès lors, l'avis est suffisamment motivé.
12. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'accès effectif ou non à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.
13. Alors qu'il conteste le motif pris de ce que le défaut d'une prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, en soutenant qu'il souffre d'une dysplasie fémoro-acétabulaire bilatérale sévère et que son état de santé est susceptible de s'aggraver dans la mesure où, en cas d'absence de traitement de cette dysplasie, celle-ci est compliquée par une coxarthrose bilatérale sur sa hanche droite, M. F... verse en appel un compte rendu de consultation du chef du service orthopédique du centre hospitalier universitaire de Nantes du 2 octobre 2018 qui indique que la prothèse totale de sa hanche gauche présente une évolution favorable permettant une marche sans aide mécanique et un résultat satisfaisant même si l'intéressé ressent des douleurs en cas de flexion de la hanche droite. Même si ce compte rendu préconise une nouvelle consultation de suivi médical dans un an, le préfet de la Loire-Atlantique, qui a entendu s'approprier le sens de l'avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, n'a pas méconnu les stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
14. Compte tenu de ce qui a été dit au point 13, le moyen relatif à l'absence de traitement approprié à l'état de santé du requérant en Algérie est inopérant alors même que dans son arrêté le préfet de la Loire-Atlantique a examiné l'offre de traitement en Algérie et estimé qu'elle était suffisante.
15. Il ressort des pièces du dossier que M. F... est né en 1988 en Algérie où il a vécu jusqu'à son entrée en France le 20 novembre 2016. Il est célibataire et sans enfant à charge. Dans ces conditions, eu égard au caractère récent de sa présence et des conditions de son séjour en France, le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressé, garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels le refus de séjour a été pris, même si des membres de sa famille résident en France.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
16. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 15, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
18. La décision de refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. F... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
19. Il résulte de tout ce qui précède que M. F... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. F... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. E..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. E...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04172