Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 octobre 2019, M. B..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, au préfet du Calvados, de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est entachée d'illégalité dès lors qu'il n'a commis aucune fraude en étant pris en charge en tant que mineur étranger isolé ; elle méconnaît l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il remplit toutes les conditions pour bénéficier d'un titre de séjour à ce titre ; elle méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de son entrée en France à l'âge de 16 ans, de son parcours de formation et des liens tissés en France alors qu'il n'a plus de contact avec sa famille resté dans son pays d'origine ; elle méconnaît l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut être exigé de justifier d'une entrée régulière et qu'il poursuit des études avec sérieux et dispose de moyens d'existence suffisants ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision de refus de séjour ; elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'elle porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée.
Par un mémoire, enregistré le 19 février 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en rapporte à ses écritures développées en première instance.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 5 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant guinéen, relève appel du jugement du 24 septembre 2019 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 17 avril 2019 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. D'une part, aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 311-7 n'est pas exigé. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 313-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " L'étranger qui, n'étant pas déjà admis à résider en France, sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire présente à l'appui de sa demande:/ 1° Les indications relatives à son état civil (...) ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
4. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
5. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier de son état-civil, M. B... a produit un certificat de nationalité établi 1er août 2018, un jugement n° 4472 tenant lieu d'acte de naissance du 28 septembre 2018 du tribunal de première instance de Kankan et un document dénommé " copie intégrale jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 4472 " du 19 octobre 2018, que la section consulaire de l'ambassade de France en Guinée a analysés et qualifiés d'actes apocryphes en soulignant notamment que le jugement a été prononcé à la requête d'un tiers non habilité. M. B... ne saurait, tout d'abord, justifier de sa date de naissance par la production d'un certificat de nationalité, dépourvu de photographie, établi antérieurement au jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance dont il se prévaut, et qui fait référence à une pièce dénommée " naissance 2991 du 1er/08/2018 " qui n'est pas produite. Par ailleurs, alors qu'il ne produit pas d'extrait d'acte de naissance, M. B... produit à la fois un jugement supplétif n° 4472 rendu le 28 septembre 2018, jour même de l'enregistrement de la requête déposée par son frère, soit un tiers pour lequel il ne justifie d'aucune habilitation pour agir en son nom, qui ne mentionne pas le nom de famille de son père et sur lequel est apposé un cachet mentionnant une transcription dans le registre de l'état civil de la commune urbaine de Kankan sous le n° 5000 en date du 2 novembre 2018 porté par Mme B... F... A..., officier délégué à l'état-civil de la commune urbaine de Kankan et une " copie intégrale jugement supplétif tenant lieu d'acte de naissance n° 4472 " établi le 19 octobre 2018 et signé par ce même officier délégué à l'état-civil portant la mention " suivant transcription n° 3035 en date du 19 octobre 2018 par la communauté urbaine. Transcrit par nous Bakary Kaba, Officier de l'Etat-civil de la commune urbaine de Kankan ". Dès lors, au regard de l'ensemble de ces anomalies qui ne revêtent pas un caractère mineur, et alors que la légalisation ne permet pas de s'assurer du respect des conditions de fond de la délivrance d'un acte, la force probante du jugement supplétif produit n'est pas établie. En outre, si le requérant produit une carte d'identité consulaire, ce document, qui ne constitue pas un acte d'état civil, n'est, en l'espèce, pas de nature à justifier de son identité dès lors que cette carte, établie en 2019, a pu l'être sur le fondement du jugement supplétif vicié. Enfin, le préfet n'était pas tenu par l'autorité de la chose jugée s'attachant aux ordonnances de placement provisoire et jugements de placement rendus par le juge des enfants, qui ne visent pas les documents d'état civil sur lesquels le juge judiciaire s'est fondé pour retenir la minorité de M. B.... Alors même que M. B... fait valoir les efforts d'intégration accomplis depuis son entrée en France et ses bons résultats scolaires, le préfet du Calvados pouvait, sans méconnaître l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, s'appuyer sur la seule circonstance qu'il n'était pas mineur lorsqu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance pour refuser de lui délivrer le titre de séjour demandé en application de ces dispositions.
6. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, les moyens, que M. B... reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles, tirés de ce que la décision de refus de séjour méconnaît l'article L. 313-7, les dispositions du 7° de L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. La décision portant refus de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de cette annulation.
8. Il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges, le moyen, que M. B... reprend en appel sans apporter de précisions nouvelles, tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par suite, sa requête, y compris ses conclusions relatives aux frais liés au litige, doit être rejetée.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme E..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
F. E...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°19NT04201
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