Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistré le 28 octobre 2019, le préfet de la Sarthe demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes s'est fondé, pour annuler son arrêté, sur l'existence d'une atteinte disproportionnée au droit au respect à la vie privée et familiale ;
- les autres moyens soulevés par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes ne sont pas fondés ; il s'en rapporte, s'agissant de ces moyens, à ses écritures de première instance.
Par un mémoire en défense enregistré le 24 août 2020, Mme D..., représentée par Me E..., conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle fait valoir que l'arrêté contesté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect à une vie privée et familiale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., ressortissante russe née en 1952, est entrée en France le 19 juillet 2017. Elle a alors sollicité le bénéfice de l'asile. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 29 janvier 2018. Ce rejet a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 20 juin 2019. Par un arrêté du 24 juin 2019, le préfet de la Sarthe lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler cet arrêté. Par un jugement du 8 octobre 2019, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé cet arrêté. Le préfet de la Sarthe relève appel de ce jugement.
Sur le moyen d'annulation retenu par le magistrat désigné :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme D..., âgée de 67 ans à la date de la décision contestée, vit chez sa fille, Mme G..., qui a obtenu le statut de réfugié en 2015. A supposer que Mme D... n'ait plus de famille en Russie comme elle l'allègue, cette circonstance ne saurait, compte tenu de son arrivée récente en France et du fait qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 65 ans dans son pays d'origine, caractériser une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale.
3. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté en se fondant sur l'atteinte disproportionnée au droit au respect à une vie privée et familiale garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Toutefois, il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes et devant la cour.
Sur les autres moyens invoqués par Mme D... :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
5. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par M. A..., directeur de la citoyenneté et de la légalité, qui disposait pour ce faire d'une délégation de signature, en vertu d'un arrêté du 2 janvier 2019 publié au recueil des actes administratifs spécial de la préfecture de la Sarthe le même jour. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte ne peut qu'être écarté.
6. En deuxième lieu, dans le cas prévu au 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision faisant obligation de quitter le territoire français fait suite au constat de ce que la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou de ce que celui-ci ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2 du même code, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. Le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a été entendu dans le cadre du dépôt de sa demande d'asile ou de sa demande de réexamen à l'occasion de laquelle l'étranger est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit reconnue la qualité de réfugié ou accordé le bénéfice de la protection subsidiaire et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande. Il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, laquelle doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir toute observation complémentaire, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. En l'espèce, Mme D... n'établit ni même n'allègue qu'elle aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'elle ait été empêchée de présenter des observations avant que ne soit prise la décision portant obligation de quitter le territoire français du 24 juin 2019. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendu qu'elle tient du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé à l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
7. En troisième lieu, il ressort de l'arrêté contesté que celui-ci énonce les circonstances de droit et de fait sur lesquelles le préfet de la Sarthe s'est fondé pour obliger Mme D... à quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de défaut de motivation ne peut qu'être écarté.
8. En quatrième lieu, Mme D... ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ces dispositions n'étant opérantes qu'à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour. En tout état de cause, Mme D... ne justifie d'aucune circonstance exceptionnelle ni d'aucun motif humanitaire. Par suite, ce moyen ne peut qu'être écarté.
9. En cinquième lieu, si Mme D... soutient qu'elle craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine, elle n'apporte aucun élément susceptible de remettre en cause l'appréciation portée par les instances en charge de l'asile sur sa demande. Par suite, elle n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
10. La décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas annulée, Mme D... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Sarthe est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 24 juin 2019, lui a enjoint de réexaminer la situation de Mme D... dans un délai de deux mois et de la munir dans l'attente d'une autorisation provisoire de séjour et a mis à la charge de l'Etat, au bénéfice de Me F..., avocate de Mme B..., la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1 : Le jugement 1907769 du 8 octobre 2019 du tribunal administratif de Nantes est annulé.
Article 2 : La demande de Mme D... devant le tribunal administratif de Nantes est rejetée.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à Mme H... D... et à Me F.... Copie sera adressée, pour information, au préfet de la Sarthe.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
H. C...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT04176