Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 16 octobre, 6 novembre 2019 et 12 mars 2020, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet du Calvados, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé de demande de titre de séjour avec une autorisation de travailler dans un délai de quinze jours suivant la notification ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le tribunal administratif a omis d'examiner la demande de M. A... au regard de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour est entachée d'une erreur de fait quant à son identité et son état-civil et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie d'une perspective d'embauche dans une entreprise.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 mars 2020, le préfet du Calvados conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Un mémoire présenté pour M. A... a été enregistré le 2 septembre 2020.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 décembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. B... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen, né le 5 janvier 2001, entré en France le 22 avril 2017 et placé le 4 juillet 2017 auprès des services de l'aide sociale à l'enfance du Calvados en qualité de mineur isolé, a demandé, le 7 février 2018, au préfet de ce département la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et des articles L. 313-15 et L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 17 avril 2019, le préfet a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office lorsque le délai sera expiré. Par jugement du 27 septembre 2019, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de l'arrêté. M. A... relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Contrairement à ce que soutient M. A..., le tribunal administratif n'a pas omis d'examiner le moyen soulevé par M. A... et tiré de la méconnaissance de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, le jugement attaqué n'est pas irrégulier.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention "travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. Le respect de la condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigé ".
4. Aux termes de l'article R. 311-2-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente les documents justifiant de son état civil et de sa nationalité (...) ". Aux termes de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. ". Aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil (...) des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. ".
5. Il résulte de ces dispositions que la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties.
6. Pour refuser de délivrer un titre de séjour, le préfet du Calvados a retenu le caractère apocryphe d'un acte d'état civil et d'un jugement supplétif qui ont été présentés par M. A.... Il résulte des pièces du dossier et notamment de son message du 8 février 2019 adressé aux services de la préfecture du Calvados, que le service consulaire de l'ambassade de France à Conakry a confirmé le caractère apocryphe de l'acte de naissance transcrit sur les registres de l'état-civil le 4 décembre 2018 et d'un jugement supplétif du 19 novembre 2018, lequel ne présente pas une authenticité certaine notamment en l'absence de mentions obligatoires et en contradiction avec des articles du code civil guinéen, et sans qu'il y ait eu dans ces conditions une enquête préalable et réelle de vérification. Si M. A... a produit un nouveau jugement supplétif du 13 mai 2019 et un nouvel acte de naissance du 29 mai 2019 dressé en exécution de ce jugement, ces documents, au demeurant postérieurs à la date de l'arrêté contesté comme le soutient le préfet en défense en première instance, ne sont corroborés ou confirmés par aucune autre pièce du dossier. Compte tenu de ce que l'âge de l'intéressé n'est ainsi pas établi avec certitude, le préfet n'a pas commis une erreur de fait sur son identité et son état civil.
7. De plus, M. A..., qui est célibataire et sans charge de famille, ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident sa mère et son frère et où il a lui-même vécu jusqu'à l'âge de seize ans, soit la plus grande partie de sa vie à la date de l'arrêté contesté. Ainsi, il ne remplissait pas l'une des conditions prévues par les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tenant à la nature des liens d'un étranger avec sa famille restée dans le pays d'origine. Il n'est en conséquence pas fondé à soutenir que le préfet du Calvados, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, a méconnu les dispositions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7 et compte tenu de son entrée récente en France, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision contestée soit entachée d'une erreur manifeste d'appréciation même si le requérant invoque une perspective d'embauche dans une entreprise.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Une copie sera transmise au préfet du Calvados.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. B..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. B...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 19NT04043