Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2019, le préfet de la Loire-Atlantique demande à la cour :
1°) d'annuler les articles 1er et 2 de ce jugement ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
Il soutient que M. B..., n'étant pas reconnu réfugié et ne justifiant pas d'une entrée régulière en France, le tribunal administratif a méconnu les dispositions de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2019, M. B..., représenté par Me E..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Loire-Atlantique ne sont pas fondés.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle par une décision du 30 octobre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. D...,
- et les observations de Me E..., représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Le préfet de la Loire-Atlantique relève appel du jugement du 5 août 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 6 juin 2018 refusant de délivrer un titre de séjour à M. B..., ressortissant guinéen, né le 11 juillet 1993, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
2. Aux termes de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable : " La délivrance d'une autorisation provisoire de séjour, d'un récépissé de demande de titre de séjour ou d'un récépissé de demande d'asile n'a pas pour effet de régulariser les conditions de l'entrée en France, sauf s'il s'agit d'un étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié. ".
3. La circonstance que M. B... a bénéficié d'un récépissé de demande d'asile, dont il a été débouté, n'a pas eu pour effet, en vertu des dispositions de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de régulariser les conditions de son entrée irrégulière en France. Ainsi, le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes, pour annuler son arrêté contesté, a estimé que les conditions de l'entrée de M. B... en France ont été régularisées du fait d'un récépissé et s'est fondé sur le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 311-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes.
5. L'arrêté contesté a été signé par M. C..., directeur de la règlementation et des libertés publiques de la préfecture de la Loire-Atlantique. Par arrêté du 9 mai 2018 publié le 11 mai suivant au recueil des actes administratifs de la préfecture, le préfet lui a donné délégation à l'effet de signer notamment les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté.
Sur la légalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
6. La décision refusant la délivrance d'un titre de séjour, qui vise l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les 4° et 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui rappelle le rejet de la demande d'asile de M. B... et qui mentionne le défaut d'une entrée régulière en France et sa condamnation à deux mois d'emprisonnement avec sursis, est motivée en fait et en droit.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant de prendre la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour.
8. M. B... n'a présenté aucune demande de titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, les moyens tirés du défaut d'examen de sa situation au regard de ces dispositions et de méconnaissance de ces dispositions sont inopérants.
9. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile: " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) ". Aux termes du sixième alinéa de l'article L. 211-2-1 du même code : " Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour ". Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa d'entrée de long séjour, délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au sixième alinéa de l'article L. 211-2-1, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11. Dès lors, le préfet peut refuser une telle carte de séjour en se fondant sur le défaut de production par l'étranger d'un visa de long séjour.
10. En l'espèce, faute de justifier d'un visa d'entrée de long séjour, M. B... ne remplissait pas l'ensemble des conditions prescrites par les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire. Dès lors, le préfet de la Loire-Atlantique a pu légalement refuser de délivrer un titre de séjour sur ce fondement.
11. Pour le même motif que celui retenu au point 10, le préfet de la Loire-Atlantique a pu, sans commettre une erreur de droit, se fonder sur l'absence d'un visa d'entrée en France de plus de trois mois pour refuser à M. B... de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du caractère récent du mariage de M. B..., qui a eu lieu le 9 septembre 2017, et de la faculté dont dispose son épouse de solliciter, à son bénéfice, le regroupement familial, que la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
13. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique a entaché sa décision refusant la délivrance d'un titre de séjour d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu notamment de ce que M. B... n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement décidée par le préfet de la Vendée le 13 juin 2017.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
15. Le préfet de la Loire-Atlantique, en visant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il fait application et en mentionnant le caractère irrégulier du séjour de M. B..., l'absence d'atteinte à la vie privée et familiale de l'intéressé et l'absence d'obstacle à ce qu'il quitte le territoire français, a suffisamment motivé la décision portant obligation de quitter le territoire français en fait et en droit.
16. M. B... ne produit qu'un certificat médical du 29 mars 2016, soit antérieurement à la précédente mesure d'éloignement dont il a fait l'objet le 13 juin 2017 à l'appui de son moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ainsi, ni cette pièce ni aucune autre ne permet d'établir qu'à la date de l'arrêté contesté, le défaut de prise en charge médicale pouvait avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il figurait donc au nombre des étrangers qui ne peuvent être éloignés en vertu de ces dispositions.
17. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 13, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
18. La décision fixant le pays de destination, qui vise l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qui mentionne la nationalité de M. B... et qui précise que celui-ci n'établit pas que sa vie ou sa liberté soit menacée en cas de retour dans son pays d'origine, est motivée en fait et en droit.
19. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Loire-Atlantique n'a pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. B... avant de prendre la décision fixant le pays de destination.
20. Si M. B... soutient qu'il a fui la Guinée en raison de persécutions de nature politique dont il aurait fait l'objet, il n'apporte pas d'éléments susceptibles d'établir qu'il serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine. Au demeurant, sa demande de reconnaissance du statut de réfugié a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides et la Cour nationale du droit d'asile. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Loire-Atlantique, en fixant le pays dont il a la nationalité comme pays de destination, a méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
21. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Loire-Atlantique est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a annulé son arrêté du 6 juin 2018. Par voie de conséquence, les conclusions présentées en appel par M. B... à fin d'injonction et celles relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 5 août 2019 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes et ses conclusions en appel sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... B... et à Me E.... Une copie sera transmise au préfet de la Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 10 septembre 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. D..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 24 septembre 2020.
Le rapporteur,
J.-E. D...Le président,
F. Bataille
La greffière,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03335