Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 31 décembre 2014, le 15 mai 2015 et le 30 juin 2015, M. et Mme D...A..., représentés par MeB..., demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Caen du 5 novembre 2014 ;
2°) de prononcer le sursis à exécution de l'article 2 du même jugement ;
3°) de prononcer la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mise à leur charge au titre de l'année 2012 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros, qui devra être versée à leur conseil, MeB..., qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier car il ne précise pas en quoi la proposition de rectification du 30 janvier 2013 est suffisamment motivée ;
- la procédure est irrégulière dès lors que la proposition de rectification en date du 30 janvier 2013 est insuffisamment motivée au regard des exigences de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;
- la décision d'admission partielle de leur réclamation préalable du 28 juin 2013 est également insuffisamment motivée ;
- l'administration ne justifie pas de la compétence du signataire de la proposition de rectification ;
- la mise en demeure, initialement datée du 17 mai 2013, a été irrégulièrement modifiée de sorte que la décision du 16 septembre 2013 de l'administrateur général des finances publiques du Calvados est entachée d'un vice de procédure ;
- la partie du logement occupé par MmeC..., qui ne constitue pas une dépendance distincte du reste de l'immeuble, faisait partie de leur résidence ; en conséquence la plus-value dégagée lors de la cession de cette partie du logement doit bénéficier de la même exonération que celle appliquée à la cession de leur résidence principale, prévue aux 1° et 3° du I de l'article 150 U du code général des impôts ;
- ils sont fondés à se prévaloir de l'interprétation administrative de la loi fiscale contenue dans le bulletin officiel des finances publiques-impôts du 12 septembre 2012, portant la référence BOI-RFPI-PVI-10-40-10, qui prévoit que sont exonérées les cessions des dépendances immédiates et nécessaires de la résidence principale qui forment un tout avec cette résidence, et notamment les unités de vie existant à l'intérieur de cette dernière ;
- l'administration a pris position sur l'existence d'un seul ensemble immobilier dans la décision du 16 septembre 2013 ;
- la partie de l'immeuble occupée par Madame C...avait une superficie de 60 m², et non pas de 80 m², ce qu'a reconnu l'administration dans sa décision du 28 juin 2013 : toutefois il est impossible, en l'absence de calcul détaillé, de déterminer si la prise en compte de cette erreur correspond au montant d'impôt sur le revenu dégrevé le 4 avril 2014 ;
- l'exécution du jugement du 5 novembre 2014 du tribunal administratif de Caen risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens relatifs à la régularité de la procédure et au bien-fondé de l'imposition sont sérieux ;
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 juin 2015 et le 7 septembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. Mme A...ne sont pas fondés.
M. et Mme A...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 9 mars 2015.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Allio-Rousseau,
- et les conclusions de Mlle Wunderlich, rapporteur public.
1. Considérant que M. et Mme A...ont cédé le 23 avril 2012 un bien immobilier sis à Cormolain (Calvados) pour un prix de 215 000 euros ; que cet immeuble était constitué d'une maison principale et d'une dépendance occupée par Mme C...en vertu d'une convention passée le 21 juin 1999 aux termes de laquelle cette dernière était autorisée à occuper cette partie de l'immeuble à titre viager ; que l'acte notarié publié à la conservation des hypothèques de Bayeux le 14 mai 2012 précise que cet ensemble immobilier constituait la résidence principale de M. et Mme A...au jour de la cession et, en conséquence, que sa vente était exonérée d'impôt sur le revenu en application des dispositions du 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts ; que l'administration a remis en cause l'application de cette exonération pour la cession de la partie de l'immeuble occupée par MmeC... ; que, par une proposition de rectification du 30 janvier 2013, l'administration a fixé le montant de la plus-value immobilière imposable sur cette fraction d'immeuble à 76 523 euros et mis à la charge de M. et Mme A...une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2012 ; qu'après la réception d'une décision de rejet partiel de leur réclamation, ils ont saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à la décharge de cette cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu mis à leur charge au titre de l'année 2012 ; que le tribunal administratif de Caen, après avoir décidé par son article 1er qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de la demande de M. et Mme A...à concurrence du dégrèvement accordé par l'administration en cours d'instance, a rejeté le 5 novembre 2014, par son article 2, le surplus des conclusions de leur demande correspondant à la somme de 11 938 euros en droits ; qu'ils relèvent appel de l'article 2 de ce jugement et demandent à la cour d'en prononcer le sursis à exécution ;
Sur les conclusions à fin de décharge :
En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.(...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année ou période d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le contrôleur affecté à la direction régionale des finances publiques de Basse-Normandie et du Calvados qui a signé la proposition de rectification du 30 janvier 2013 était compétent, en application du I de l'article 350 terdecies de l'annexe III au code général des impôts, pour proposer les rectifications adressées à M. et MmeA... ; qu'il en résulte que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la proposition de rectification doit être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de la proposition de rectification du 30 janvier 2013, le service a, d'une part, fait référence aux dispositions du 1° du II de l'article 150 du code général des impôts, selon lesquelles la plus-value réalisée par une personne physique lors de la cession à titre onéreux d'un immeuble qui constitue sa résidence principale au jour de la cession n'est pas passible de l'impôt sur le revenu ; que, d'autre part, il a indiqué que cette exonération ne pouvait être appliquée à la fraction de l'immeuble correspondant au logement mis à la disposition de MmeC..., qui constituait une unité d'habitation indépendante de la résidence principale de M. et MmeA... ; qu'enfin, le service a précisé que les superficies des deux immeubles étant pratiquement identiques, le montant de la plus-value immobilière nette, d'un montant de 153 046 euros, imposable entre les mains de M. et Mme A...était fixée à la moitié de cette somme soit 76 523 euros ; que, contrairement à ce qu'indiquent les requérants, le calcul du montant de la plus-value imposable et la liquidation des droits correspondants au titre de l'année 2012 sont précis et détaillés ; que, dans ces conditions, la proposition de rectification du 30 janvier 2013 était suffisamment motivée et permettait aux requérants de présenter utilement des observations ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'écarter ce moyen ;
5. Considérant, en troisième lieu, que M. et Mme A...reprennent en appel, sans apporter de justifications ou de précisions supplémentaires, les moyens qu'ils avaient déjà présentés devant le tribunal administratif de Caen et tirés, d'une part, de ce que la décision du 28 juin 2013 portant rejet partiel de leur réclamation était insuffisamment motivée, d'autre part, de ce que la décision du 16 septembre 2013 confirmant le rejet de leur réclamation était entachée d'un vice de procédure ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
S'agissant de l'application de la loi fiscale :
6. Considérant qu'aux termes de l'article 150 U du code général des impôts dans sa rédaction alors applicable : " I.- (...) les plus-values réalisées par les personnes physiques (...) lors de la cession à titre onéreux de biens immobiliers bâtis (...) sont passibles de l'impôt sur le revenu dans les conditions prévues aux articles 150 V à 150 VH. (...) II.-Les dispositions du I ne s'appliquent pas aux immeubles, aux parties d'immeubles ou aux droits relatifs à ces biens : 1° Qui constituent la résidence principale du cédant au jour de la cession ; (...) 3° Qui constituent les dépendances immédiates et nécessaires des biens mentionnés aux 1° et 2°, à la condition que leur cession intervienne simultanément avec celle desdits immeubles ; (...) " ;
7. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme A...soutiennent que l'immeuble dont ils étaient propriétaires à Cormolain et qu'ils occupaient avec Mme C...forme un ensemble unique et qu'ainsi la cession de la dépendance occupée par Mme C...doit être regardée comme portant sur une partie de leur habitation principale ; qu'ils expliquent en effet que l'immeuble était doté d'un seul compteur d'eau, d'un seul compteur d'électricité, d'une seule boîte aux lettres et qu'un seul numéro de voierie était attribué pour l'ensemble de l'immeuble ;
8. Considérant qu'il résulte toutefois de l'instruction que la partie de l'immeuble mise à la disposition gratuite de MmeC..., d'une superficie de 64 m², qu'elle occupait à titre privatif comportait au rez-de-chaussée un séjour, une cuisine équipée, une salle de bains et des sanitaires et à l'étage une chambre avec un cabinet de toilette ; qu'il résulte des photographies produites par les requérants que chaque partie de l'immeuble disposait à la date de la cession d'une entrée distincte ; que, dans ces conditions, la partie de l'immeuble où demeurait Mme C...était, en raison de son agencement, normalement destinée à une utilisation distincte de celle de la partie de l'immeuble où demeuraient M. et MmeA... ; que, par suite, et en dépit d'un raccordement unique à l'eau et à l'électricité de l'immeuble et de l'existence d'une seule boîte aux lettres, M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que la plus-value réalisée sur la fraction de l'immeuble correspondant au logement mis à la disposition de Mme C...devait bénéficier de l'exonération prévue par le 1° du II de l'article 150 U du code général des impôts ;
9. Considérant, en second lieu, que dans le cadre du traitement de la réclamation présentée par M. et MmeA..., l'administration a, pour le calcul du montant de la plus-value imposable, fixé la superficie de l'immeuble occupé à titre privatif par Mme C...à 64 m², alors que le rehaussement tel qu'issu de la proposition de rectification du 30 janvier 2013 était fondé sur une superficie de 80 m² ; que l'administration a en conséquence prononcé un dégrèvement partiel le 28 juin 2013 à hauteur de 13 347 euros ; que les modalités de calcul de ce dégrèvement ont été clairement précisées dans le mémoire en défense présenté par l'administration en première instance ; que, dans ces conditions, M. et Mme A...n'établissent pas l'erreur de calcul du montant de la plus-value immobilière imposable qu'ils allèguent ;
S'agissant de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
10. Considérant, en premier lieu, que la lettre du 16 septembre 2013, par laquelle l'administrateur général des finances publiques de Basse-Normandie et du Calvados a rejeté la demande de M. et Mme A...tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire mise à leur charge au titre de l'année 2012, prise après le rejet de leur réclamation préalable, indique que le service a fait une exacte application des dispositions du 1° et du 3° du II de l'article 150 U du code général des impôts, en relevant que l'ensemble immobilier est constitué de deux logements imbriqués disposant de deux entrées distinctes constituant deux unités de vie différentes ; qu'ainsi, contrairement à ce que M. et Mme A...soutiennent, ce courrier ne comporte aucune prise de position formelle dont ils pourraient se prévaloir en application des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
11. Considérant, en second lieu, que M. et Mme A...entendent se prévaloir, sur le fondement du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, des commentaires publiés au bulletin officiel des finances publiques - impôts BOI-RFPI-PVI-10-40-10, relatifs aux conditions d'application des dispositions du 3° du II de l'article 150 U du code général des impôts, aux termes desquelles sont exonérées les dépendances immédiates et nécessaires de la résidence exonérée lorsqu'elles forment avec elle un tout indissociable ; que toutefois il résulte de ce qui a été dit au point 8 que la partie de l'immeuble occupée à titre privatif par Mme C...constituait, compte tenu de ses caractéristiques, une unité d'habitation distincte de celle constituant la résidence principale de M. et MmeA..., et non une dépendance de cette dernière ; que, dans ces conditions, M. et Mme A...n'entrent pas dans les prévisions de l'interprétation administrative de la loi fiscale qu'ils invoquent ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué qui est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
13. Considérant que le présent arrêt statue sur l'appel de M. et Mme A...tendant à l'annulation de l'article 2 du jugement du 5 novembre 2014 du tribunal administratif de Caen ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de statuer sur leurs conclusions tendant au sursis à l'exécution de cet article ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont M. et MmeA..., bénéficiaires de l'aide juridictionnelle, demandent le versement au profit de leur avocat au titre des frais non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- Mme Aubert, président-assesseur,
- Mme Allio-Rousseau, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 février 2016.
Le rapporteur,
M-P. Allio-Rousseau Le président,
F. Bataille
Le greffier,
E. Haubois
La République mande et ordonne au ministre des finances et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT03393