Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 octobre 2017 et 6 novembre 2018, la société Ags Belghyd, représentée par la SCPA Bondiguel et associés, demande à la cour :
1°) de réformer ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de la majoration de 80 % dont a été assortie la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 ainsi que la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 24 juillet 2007 au 31 décembre 2010 et de la majoration pour exercice d'une activité occulte dont ont été assortis ces rappels.
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a prononcé à tort un non-lieu à statuer total sur la demande n°1502475 alors qu'il était saisi de moyens et conclusions propres aux pénalités sur lesquels il ne s'est pas prononcé ;
- les pénalités dont ont été assorties les cotisations d'impôt sur les sociétés ne sont pas fondées dès lors que l'administration fiscale a méconnu l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales en procédant à la mise en recouvrement sans attendre l'issue de la procédure amiable prévue par l'article 24 de la convention franco-belge qu'elle avait mise en oeuvre de manière valide ;
- les pénalités de 80% ne sont pas fondées dès lors que c'est par erreur qu'elle a cru qu'elle relevait de la seule législation belge et qu'elle n'avait pas à déclarer un établissement stable en France ;
- dès lors que le lieu d'établissement des opérateurs n'a aucune incidence sur la qualification de livraison interne ou intracommunautaire, c'est à tort que le tribunal et l'administration fiscale s'appuient sur l'existence d'un établissement stable en France pour fonder les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
- dès lors que la revente intervient immédiatement après l'achat et que la livraison des biens intervient dès la sortie de l'usine belge de Bosch Rexroth, c'est à tort que le tribunal et l'administration fiscale ont estimé que le transfert du pouvoir de disposer des biens commandés n'intervient qu'à leur arrivée dans les locaux de la société en France ; une livraison de bien est réalisée lorsque le cocontractant acquiert une position qui, de facto, est analogue à celle du propriétaire juridique ; le point 2 de l'instruction administrative 3 B-211 précise, s'agissant de la vente, que ce transfert intervient généralement lors de l'échange des consentements ; les mandats d'auto-facturation n'ont aucune incidence quant à la date du transfert du pouvoir de disposer des biens comme un propriétaire ;
- les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondés dès lors que, la réalisation de la vente par la société Ags Belghyd à la société Hydrofluid Technologies intervenant dès avant la mise en oeuvre du transport intracommunautaire, c'est à juste titre que la société Bosch Rexroth facture la taxe sur la valeur ajoutée belge sur la livraison qu'elle réalise auprès d'elle, qu'elle exonère les livraisons intracommunautaires qu'elle réalise auprès de la société Hydrofluid Technologies et que celle-ci auto-liquide la taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration fiscale belge a pris position en ce sens et l'administration fiscale française confirme l'auto-liquidation effectuée par la société Hydrofluid Technologies ainsi que, pour une opération inverse, la qualification de livraison intra-communautaire de la seconde vente ;
- elle est privée du bénéfice des principes de neutralité et de protection de la confiance légitime ;
- les rappels relatifs à l'année 2007 sont prescrits ;
- la demande de substitution de base légale pour les pénalités doit être rejetée dès lors que l'administration n'avait pas mentionné les faits relatifs au non-dépôt des déclarations dans les trente jours d'une mise en demeure pour l'application de la majoration de 80% ;
- à titre subsidiaire, les majorations dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ne sont pas fondées dès lors que la problématique des livraisons successives est complexe, qu'elle était répertoriée en Belgique où elle s'acquittait de ses obligations fiscales, que l'administration française avait connaissance de l'existence des opérations via les déclarations mensuelles d'échanges de biens et des échanges d'informations avec la Belgique, qu'aucun schéma frauduleux n'a été mis en place et qu'elle n'avait aucun intérêt fiscal dès lors que le fait de collecter de la taxe sur la valeur ajoutée n'aurait eu aucun effet sur sa situation.
Par deux mémoires, enregistrés les 15 mars 2018 et 7 janvier 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
-les moyens soulevés ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, s'agissant des pénalités de 80 %, il sollicite, par voie de substitution de base légale, l'application de la majoration de 40% pour non-dépôt de déclaration dans les trente jours suivant une mise en demeure prévue à l'article 1728 du code général des impôts.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ;
- la convention entre la France et la Belgique du 10 mars 1964 modifiée ;
- l'arrangement du 10 juillet 2002 en matière d'échange de renseignements ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- les arrêts 245/04 du 6 avril 2006, 430/09 du 12 décembre 2010, 386/16 du 26 juillet 2017 et 628/16 du 21 février 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public
- et les observations de MeA..., représentant la société Ags Belghyd.
Considérant ce qui suit :
1. La société Ags Belghyd, qui exerce une activité d'achat revente de pièces destinées à l'ingénierie hydraulique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 24 août 2007 au 31 décembre 2009, étendue au 31 décembre 2010 s'agissant de la taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration fiscale lui a, par proposition de rectification du 9 septembre 2011, notifié des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Les impositions supplémentaires résultant de ce contrôle ont été mises en recouvrement le 4 décembre 2014 à hauteur respectivement, en droits et pénalités, de 19 057 euros au titre de l'impôt sur les sociétés et 300 267 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. Après le rejet, par décision du 1er avril 2015, de ses réclamations préalables, la société Ags Belghyd a contesté devant le tribunal administratif de Rennes ces impositions par deux demandes, la première, enregistrée sous le n°1502475, tendant à ce que le tribunal prononce le report en arrière du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2008 sur le résultat imposé de l'exercice clos en 2007 et la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007 et, la seconde, enregistrée sous le n°1502476, tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés pour la période du 24 juillet 2007 au 31 décembre 2010 et de la majoration pour exercice d'une activité occulte dont ont été assortis ces rappels. Elle relève appel du jugement par lequel ce tribunal, après les avoir jointes, a prononcé un non-lieu à statuer sur la première demande et a rejeté la seconde.
Sur le non-lieu à statuer prononcé par les premiers juges en matière de pénalités :
2. Il résulte de l'intruction qu'en dépit des ambiguïtés que comportaient ses écritures, la société Ags Belghyd a présenté simultanément des conclusions tendant au bénéfice du report en arrière du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2008 sur le résultat imposé de l'exercice clos en 2007 et à la décharge, en droits et pénalités, de la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2007. Par suite, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a estimé que les conclusions relatives au bénéfice du report en arrière du déficit étaient présentées à titre principal et que les conclusions en décharge d'imposition n'étaient présentées qu'à titre subsidiaire et qu'il a, par voie de conséquence, au regard de l'admission par l'administration fiscale de la demande de report en arrière du déficit, prononcé un non-lieu à statuer sur l'ensemble de la demande enregistrée sous le n°1502475 alors que les conclusions aux fins de décharge des pénalités n'étaient pas devenues sans objet. L'article 1er du jugement attaqué doit, dès lors, être annulé dans cette mesure.
3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la société Ags Belghyd relatives aux pénalités.
4. D'une part, en admettant même que l'administration fiscale ait méconnu les dispositions de l'article L. 189 A du livre des procédures fiscales dans leur rédaction applicable en mettant en recouvrement dès le 4 décembre 2014 les pénalités afférentes à la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Ags Belghyd a été assujettie au titre de l'année 2007, cette circonstance n'est pas de nature à entraîner la décharge de ces pénalités.
5. D'autre part, aux termes de l'article 1728 du code général des impôts : " 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : (...)b. 40 % lorsque la déclaration ou l'acte n'a pas été déposé dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; c. 80 % en cas de découverte d'une activité occulte. ". Il résulte de ces dispositions que dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui-même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. Toutefois, s'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre État que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.
6. Il est constant que la société Ags Belghyd n'a déposé au titre de l'exercice litigieux aucune des déclarations qu'elle était tenue de souscrire en matière d'impôt sur les sociétés du fait de son activité imposable en France et n'a pas davantage fait connaître cette activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Toutefois, eu égard au niveau similaire d'imposition à l'impôt sur les sociétés en France et en Belgique, où elle avait déposé ses déclarations fiscales, et à l'existence d'une clause d'assistance administrative pour lutter contre l'évasion fiscale dans la convention fiscale franco-belge, la société Ags Belghyd doit être regardée comme s'étant méprise sur la portée de ses obligations fiscales vis-à-vis de l'administration française. Cette erreur fait obstacle à l'application des pénalités de 80% en cas de découverte d'une activité occulte.
7. Toutefois le ministre sollicite, par voie de substitution de base légale, l'application de la majoration de 40% pour non-dépôt de déclaration dans les trente jours suivant une mise en demeure prévue au b de l'article 1728 du code général des impôts.
8. L'administration peut, à tout moment de la procédure contentieuse, justifier le bien-fondé d'une pénalité en modifiant son fondement juridique, à la double condition que cette substitution de base légale ne prive le contribuable d'aucune des garanties de procédure prévues par la loi et que les faits invoqués par l'administration, au soutien de la demande de substitution de base légale, aient déjà été retenus pour motiver la pénalité initialement appliquée.
9. La proposition de rectification du 9 septembre 2011 mentionnait, dans son paragraphe relatif aux sanctions applicables en page 31, que la société Ags Belghyd a exercé une activité depuis le territoire national et n'a pas déposé dans les délais légaux les déclarations fiscales y afférentes en France. L'administration fiscale aurait pu, sans priver la société d'une garantie, déduire de ce seul fait l'application des pénalités pour absence de déclaration au taux de 40% prévu par l'article 1728 du code général des impôts et les mettre en recouvrement, alors même qu'elle n'avait pas mentionné en outre la circonstance qu'aucune déclaration n'avait été déposée dans les trente jours de la mise en demeure. Par suite, il y a lieu de faire droit à la demande de substitution sollicitée par le ministre.
10. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 9 que la société Ags Belghyd est seulement fondée à obtenir la décharge des pénalités corresponsant à la différence entre le taux de 80% initialement appliqué et celui de 40%.
Sur les conclusions tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
11. La société Ags Belghyd, société de droit belge dont le siège social est à Bruxelles, achète auprès de son unique fournisseur, la société Bosch Rexroth, située en Belgique, des pièces destinées à l'ingénierie hydraulique, qu'elle revend à son unique client, la société Hydrofluid Technologies, société de droit français implantée à Caudan (Morbihan). Alors que la société requérante avait estimé réaliser des livraisons intracommunautaires à la société Hydrofluid Technologies exonérées de taxe sur la valeur ajoutée, l'administration fiscale a remis en cause le bénéfice de cette exonération et procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée collectée au taux de 19,6% sur les livraisons effectuées et sans déduction de taxe dès lors que les factures fournisseurs présentées lors du contrôle ne faisaient pas mention de la taxe sur la valeur ajoutée. Les rappels, déterminés selon la procédure de taxation d'office et sur le fondement du délai de reprise de dix ans prévu à l'article L. 176 du livre des procédures fiscales compte tenu du caractère occulte de l'activité de la société, s'élèvent, en droits, à 21 295 euros au titre de la période du 24 juillet 2007 au 31 décembre 2007, 47 277 euros au titre de la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2008, 25 987 euros au titre de la période du 1er janvier 2009 au 31 décembre 2009 et 64 304 euros au titre de la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2010.
En ce qui concerne l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée en France des livraisons effectuées par la société Ags Belghyd à la société Hydrofluid Technologies :
12. L'article 256 bis du code général des impôts dans sa rédaction applicable dispose que : " I. 1° Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les acquisitions intracommunautaires de biens meubles corporels effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ou par une personne morale non assujettie lorsque le vendeur est un assujetti agissant en tant que tel et qui ne bénéficie pas dans son Etat du régime particulier de franchise des petites entreprises. (...) 3° Est considérée comme acquisition intracommunautaire l'obtention du pouvoir de disposer comme un propriétaire d'un bien meuble corporel expédié ou transporté en France par le vendeur, par l'acquéreur ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur à partir d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ". L'article 258 du même code prévoit que : " I. - Le lieu de livraison de biens meubles corporels est réputé se situer en France lorsque le bien se trouve en France : / a) Au moment de l'expédition ou du transport par le vendeur, par l'acquéreur, ou pour leur compte, à destination de l'acquéreur ; (...) ". L'article 262 ter du code général des impôts dispose que : " I. - Sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée : / 1° Les livraisons de biens expédiés ou transportés sur le territoire d'un autre Etat membre de la Communauté européenne à destination d'un autre assujetti ou d'une personne morale non assujettie. (...) ".
13. Il résulte de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne que, s'agissant d'opérations qui forment une chaîne de deux livraisons successives n'ayant donné lieu qu'à un seul transport intracommunautaire, le transport intracommunautaire ne peut être imputé qu'à une seule des deux livraisons, qui sera, partant, la seule exonérée en application de l'article 138, paragraphe 1, de la directive TVA. Afin de déterminer celle des deux livraisons à laquelle le transport intracommunautaire doit être imputé, il convient de procéder à une appréciation globale de toutes les circonstances particulières de l'espèce. Au titre de cette appréciation, il convient notamment de déterminer à quel moment est intervenu le second transfert du pouvoir de disposer du bien comme un propriétaire, au bénéfice de l'acquéreur final. En effet, dans l'hypothèse où le second transfert de ce pouvoir, à savoir la seconde livraison, a eu lieu avant que le transport intracommunautaire n'intervienne, celui-ci ne peut pas être imputé à la première livraison en faveur du premier acquéreur.
14. Les biens que la société Ags Belghyd achète auprès de la société belge Bosch Rexroth et qu'elle revend immédiatement à son client français sont livrés directement chez ce dernier, de sorte que ces ventes constituent des opérations formant une chaîne de deux livraisons successives ne donnant lieu qu'à un seul transport communautaire de la Belgique vers la France. Il n'est pas contesté que la première livraison, celle de la société Bosch Rexroth à la société Ags Belghyd, intervient à la sortie de l'usine de la société Bosch Rexroth en Belgique. Si la société Ags Belghyd soutient que le second transfert du pouvoir de disposer des biens comme un propriétaire au bénéfice de son client français intervient au plus tard au moment où le transporteur prend en charge les biens qui lui sont remis, elle ne produit, alors que la charge de la preuve lui incombe en raison de la situation non contestée de taxation d'office, aucun document afférent au transport de la marchandise. Alors qu'il ressort des propres écritures de la société requérante que le transport, dont le coût est supporté par le client final, est organisé à sa demande vers le siège de la société Hydrofluid Technologies, aucun élément n'est produit pour justifier que ce transport serait effectué sous la responsabilité de la société Hydrofluid Technologies ou que la marchandise a été mise effectivement à la disposition de cette société avant sa réception en France. Il s'ensuit que le second transfert du pouvoir de disposer des biens est intervenu après le transport de la Belgique vers la France. Par suite, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que les livraisons de la société Ags Belghyd à la société Hydrofluid Technologies ne constituaient pas des livraisons intracommunautaires exonérées de taxe sur la valeur ajoutée et les a soumises à la taxe sur la valeur ajoutée en France.
15. La société Ags Belghyd n'est, par ailleurs, pas fondée à se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, du point 2 de l'instruction 3 B-211 qui ne comporte pas d'interprétation de la loi fiscale différente de celle dont il a été fait application par le présent arrêt.
16. Si la société requérante soutient que le principe de neutralité de la taxe sur la valeur ajoutée est méconnu dès lors qu'elle doit acquitter de la taxe sur la valeur ajoutée en France au titre de la taxe collectée sans que cette situation ne génère de droit à déduction, l'absence de droit à déduction ne résulte pas d'une impossibilité juridique mais d'une absence de droit effectif sur la période en litige en raison, comme l'a mentionné le vérificateur dans la proposition de rectification du 9 septembre 2011, de l'absence de production de factures émanant de fournisseurs faisant mention de taxe sur la valeur ajoutée.
17. Enfin, en se bornant à soutenir, de manière erronée dès lors que l'administration fiscale française estime que le transport communautaire doit être rattaché à la première livraison, que la position de l'administration revient à traiter les opérations comme deux livraisons internes successives, la société Ags Belghyd n'établit pas que le principe de confiance légitime a été méconnu.
En ce qui concerne la prescription :
18. En vertu de l'article L. 176 du livre des procédures fiscales, lorsque le contribuable exerce une activité occulte, qui est réputée exercée lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il est tenu de souscrire et qu'il n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à la fin de la dixième année qui suit celle au titre de laquelle la taxe est devenue exigible conformément aux dispositions du 2 de l'article 269 du code général des impôts.
19. Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre Etat que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats.
20. La société Ags Belghyd n'a déposé au titre de la période du 24 juillet 2007 au 31 décembre 2010 aucune des déclarations qu'elle était tenue de souscrire du fait de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des livraisons effectués à la société Hydrofluid Technologies et n'a pas davantage fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce. Il est constant, cependant, qu'elle était immatriculée en Belgique où elle déposait ses déclarations. Par ailleurs, eu égard à l'existence d'une clause d'assistance administrative dans la convention fiscale franco-belge, à la faible différence entre le taux de taxe sur la valeur ajoutée en France et en Belgique et au fait que ce n'est en grande partie que postérieurement à cette période que la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne a précisé les principes applicables en cas de livraisons successives d'un même bien n'ayant donné lieu qu'à un seul transport intracommunautaire, la société Ags Belghyd doit être regardée comme s'étant méprise sur la portée de ses obligations fiscales en matière de taxe sur la valeur ajoutée vis-à-vis de l'administration française. Il suit de là qu'elle est fondée à soutenir que le droit de reprise de l'administration était prescrit le 9 septembre 2011 lorsque lui a été notifié le rappel portant sur la période du 24 juillet 2007 au 31 décembre 2007.
En ce qui concerne les pénalités :
21. Il résulte de ce qui a été dit au point 20 du présent arrêt que la société Ags Belghyd établit qu'elle a commis une erreur justifiant qu'elle ne se soit pas acquittée de ses obligations déclaratives en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Il suit de là que l'application de la majoration pour activité occulte prévue par les dispositions du c du 1 de l'article 1728 du code général des impôts n'est pas justifiée.
22. Toutefois l'administration fiscale sollicite à titre subsidiaire une substitution de base légale au profit de la majoration prévue au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts.
23. Il résulte des termes de la proposition de rectification du 9 septembre 2011 que, pour assujettir les rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux à la majoration de 80 %, l'administration fiscale s'est notamment fondée sur le fait que la société n'avait pas déposé dans les délais légaux les déclarations fiscales afférentes à son activité en France. Elle aurait pu, sans priver la société requérante d'aucune garantie de procédure, déduire de ce seul fait l'application des pénalités pour absence de déclaration au taux de 40% prévu au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts, alors même qu'elle n'avait pas mentionné en outre la circonstance qu'aucune déclaration n'avait été déposée dans les trente jours des mises en demeure. Il s'ensuit que l'administration fiscale est fondée à solliciter cette substitution de base légale.
24. Il résulte de tout ce qui précède que la société Ags Belghyd est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rennes a rejeté l'intégralité de ses demandes relatives à la taxe sur la valeur ajoutée.
Sur les frais liés au litige :
25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme sollicitée par la société Ags Belghyd au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 août 2007 est annulé en tant qu'il a prononcé un non-lieu à statuer sur les pénalités dont a été assortie la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Ags Belghyd a été assujettie au titre de l'année 2007.
Article 2 : Les pénalités de 40% prévues au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts sont substituées aux pénalités au taux de 80% dont a été assortie la cotisation d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Ags Belghyd a été assujettie au titre de l'année 2007.
Article 3 : La société Ags Belghyd est déchargée, en droits et pénalités, du rappel de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 24 juillet 2007 au 31 décembre 2007.
Article 4 : Les pénalités de 40% prévues au b du 1 de l'article 1728 du code général des impôts sont substituées aux pénalités au taux de 80% dont ont été assortis les rappels de taxe sur la valeur ajoutée pour la période du 1er décembre 2008 au 31 décembre 2010.
Article 5 : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Rennes du 30 août 2007 est réformé en ce qu'il est contraire aux articles 3 et 4 du présent arrêt.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ags Belghyd et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 4 avril 2019, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. Geffray, président-assesseur,
- Mme Malingue, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 25 avril 2019.
Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. BatailleLe greffier,
A. Rivoal
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
No 17NT032572