Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 mars 2018, MmeB..., représentée par Me E...C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de Loire-Atlantique de lui délivrer un titre de séjour, ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation administrative, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard.
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 11 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît le 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le 7° de l'article L. 313-11 du même code ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur une décision illégale de refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mai 2018, le préfet de Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance et que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.
Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 1er février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chollet.
Considérant ce qui suit :
1. MmeB..., ressortissante nigériane née le 1er octobre 1982 à Bénin City (Nigéria), déclare être entré sur le territoire français le 12 août 2011. Elle a sollicité, le 26 juillet 2016, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 24 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 16 mai 2017 par lesquelles le préfet de Loire-Atlantique lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée.
Sur la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée ; / (...). ". Aux termes de l'article L.623-1 du même code : " Le fait de contracter un mariage ou de reconnaître un enfant aux seules fins d'obtenir, ou de faire obtenir, un titre de séjour ou le bénéfice d'une protection contre l'éloignement, ou aux seules fins d'acquérir, ou de faire acquérir, la nationalité française est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (...). / Ces mêmes peines sont applicables en cas d'organisation ou de tentative d'organisation d'un mariage ou d'une reconnaissance d'enfant aux mêmes fins. / Elles sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 750 000 euros d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée ".
3. Si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil, et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi, lors de l'examen d'une demande de titre de séjour présentée sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude et de refuser, tant que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'est pas acquise, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par la personne se présentant comme père ou mère d'un enfant français.
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B...est entrée en France en août 2011 et s'est maintenue irrégulièrement sur le territoire. A la suite de la naissance, le 20 octobre 2011, de son enfant, Mme B...a sollicité du préfet de la Somme la délivrance d'une carte de séjour temporaire en faisant valoir que l'enfant avait fait l'objet d'une reconnaissance de paternité le 12 octobre 2011 par un ressortissant français, M.A.... Le préfet de la Somme l'a informée, par courrier du 27 décembre 2012, qu'une suite favorable était réservée à sa demande. Il résulte cependant par ailleurs des pièces versées au dossier par le préfet que M. A...a expressément déclaré lors d'une audition devant les services de la direction zonale de la police aux frontières de Lille le 29 octobre 2012, ne pas être le père biologique de l'enfant de Mme B...et avoir frauduleusement reconnu la paternité de cet enfant, en contrepartie d'une rétribution versée par MmeB.... Par suite, le préfet de la Somme a retiré la décision favorable à la délivrance d'un titre de séjour dont Mme B...avait fait l'objet par une décision du 17 juin 2013 et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme B...n'a pas déféré à cette mesure d'éloignement et a sollicité à nouveau la délivrance d'un titre de séjour auprès du préfet de Loire-Atlantique par courrier du 28 juillet 2016 sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour refuser à la requérante la délivrance d'un titre de séjour, le préfet de Loire-Atlantique s'est fondé sur la circonstance que la reconnaissance de paternité était frauduleuse. Il résulte des pièces versées au dossier qu'outre les aveux de M. A...du 29 octobre 2012 concernant l'enfant de MmeB..., ce dernier a reconnu sept autres enfants dans les départements de la Seine-Maritime, de l'Oise et de la Somme, dont les mères de nationalité nigériane ou congolaise étaient toutes en situation irrégulière au regard du droit au séjour ou avaient déposé une demande d'asile, et a été condamné par le tribunal de grande instance de Lille le 1er octobre 2013 à huit mois d'emprisonnement et à une amende de 1 000 euros pour aide à l'entrée, à la circulation ou au séjour irrégulier d'un étranger en France à la suite de la reconnaissance frauduleuse de plusieurs enfants entre le 1er janvier 2008 et le 31 décembre 2011.
5. Au regard de ces éléments précis et concordants, et alors que Mme B...ne fournit aucun élément permettant de retenir que M. A...serait effectivement le père de l'enfant, le préfet de Loire-Atlantique doit être regardé comme établissant que la reconnaissance de paternité souscrite par M. A...à l'égard de l'enfant avait un caractère frauduleux. Par suite, le préfet de Loire-Atlantique, à qui il appartenait de faire échec à cette fraude dès lors que la prescription prévue par les articles 321 et 335 du code civil n'était pas acquise, était légalement fondé à refuser, pour ce motif, la délivrance de la carte de séjour temporaire sollicitée par MmeB..., alors même qu'à la date de ce refus, cet enfant n'avait pas été déchu de la nationalité française.
6. En second lieu, si Mme B...fait valoir la durée de son séjour en France et la présence de son enfant à ses côtés, ces seuls éléments ne sauraient suffire à établir l'intensité de son intégration sur le territoire français. L'intéressée n'a pas exécuté une précédente mesure d'éloignement. Mme B...a vécu vingt-neuf ans dans son pays d'origine où elle n'établit pas être dépourvue d'attaches. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision attaquée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
7. La décision portant refus de titre de séjour n'étant pas annulée, Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation par voie de conséquence de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B...et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Loire-Atlantique.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président,
- M. Geffray, président assesseur,
- Mme Chollet, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 29 octobre 2018.
Le rapporteur,
L. CholletLe président,
F. Bataille
Le greffier,
C. Croiger
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°18NT01012