1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mai 2014 ;
2°) de condamner la commune des Epesses à lui verser la somme de 1 308 100 euros, assortie des intérêts moratoires et composés, en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de l'arrêté précité du 15 juillet 2009 ;
3°) de mettre à la charge de la commune des Epesses la somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement du tribunal administratif est irrégulier, d'une part, parce que le rapporteur public n'était pas compétent pour prononcer des conclusions à l'audience, d'autre part, parce qu'il n'est pas suffisamment motivé ;
- le tribunal a méconnu l'autorité de la chose ordonnée par son juge des référés en relevant que l'illégalité de la décision du 15 juillet 2009 n'avait pas provoqué un retard dans la réalisation du projet de l'exposante ;
- en ne retirant sa décision refusant de lui accorder un permis d'aménager modificatif que le 30 juin 2010, alors que cette décision du 15 juillet 2009 constatant également la caducité du permis d'aménager initial était illégale, et suspendue par ordonnance du juge des référés du 20 novembre 2009, le maire des Epesses a commis une faute de nature à engager la responsabilité de la commune pendant cette période ;
- aucune des circonstances relevées par le tribunal ne permet d'écarter le lien de causalité entre la faute ainsi relevée et le retard dans la mise en oeuvre du projet d'aménagement de ses bungalows ;
- l'achèvement des travaux était impossible ;
- en raison de la péremption constatée de l'autorisation initiale, la société requérante aurait, en effet, commis l'infraction prévue et réprimée par l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme si elle avait exécuté ou poursuivi les travaux autorisés par l'arrêté du 19 février 2007 ;
- la commune reconnaît, d'ailleurs, l'existence d'un lien de causalité entre la faute relevée et la perte d'exploitation subie, puisqu'elle a voté une provision de 200 000 euros ;
- le tribunal a, en outre, dénaturé les pièces du dossier en estimant que l'exposante ne justifiait pas des préjudices allégués, alors qu'elle produit un rapport détaillé démontrant qu'elle a subi un surcoût quant aux travaux à réaliser, une perte d'exploitation et des frais financiers, à raison du retard apporté à la réalisation du projet ;
- le tribunal a, enfin, méconnu son office en refusant de demander des documents complémentaires, ou d'ordonner l'expertise sollicitée, pour évaluer le préjudice financier subi, s'il estimait que le rapport de M. B...n'était pas suffisamment probant.
Par un mémoire en défense, enregistré le 18 mars 2015, et un mémoire enregistré le 21 septembre 2015, la commune des Epesses, représentée par Me Tertrais, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la SCCV Font de Sé la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Une lettre d'information a été adressée aux parties en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Un avis d'audience emportant clôture d'instruction immédiate a été adressé aux parties le 6 janvier 2016.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2008-1353 du 19 décembre 2008 prolongeant le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration préalable ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Millet,
- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public,
- et les observations de Me Plateaux, avocat de la SCCV Font de Sé et de Me Tertrais, avocat de la commune des Epesses.
Une note en délibéré présentée par la SCCV Fonts de Sé a été enregistrée le 9 février 2016.
1. Considérant que, par un arrêté du 19 février 2007, le maire de la commune des Epesses a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Font de Sé une autorisation d'aménager pour un projet de parc résidentiel de loisirs à gestion non hôtelière ; que, le 22 juin 2009, la société a déposé une demande de permis d'aménager modificatif pour tenir compte de nouvelles contraintes relatives aux voiries et réseaux divers ; que, le 15 juillet 2009, le maire a refusé d'accorder ce permis d'aménager modificatif, à raison de la caducité du permis d'aménager initial, délivré le 19 février 2007 pour une durée de deux ans ; que, par ordonnance du 20 novembre 2009, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes a suspendu l'exécution de la décision du 15 juillet 2009 ; que, le 30 juin 2010, le maire a rapporté l'arrêté du 15 juillet 2009 en délivrant à la société requérante le permis d'aménager modificatif sollicité ; que, le 22 novembre 2010, la SCCV Font de Sé a adressé à la commune des Epesses une réclamation préalable indemnitaire portant sur la somme de 1 308 100 euros, tendant à la réparation des préjudices financiers causés par le maintien, pendant près d'un an, de la décision illégale du 15 juillet 2009 ; que, le 24 janvier 2011, la commune des Epesses a rejeté ces demandes indemnitaires ; que la SCCV Font de Sé relève appel du jugement du 27 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande d'indemnisation ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-23 du code de justice administrative : " Dans chaque tribunal administratif, selon ses besoins, un ou plusieurs premiers conseillers ou conseillers sont chargés, par arrêté du vice-président du Conseil d'Etat pris sur proposition du président de la juridiction et après avis conforme du Conseil supérieur des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, d'exercer les fonctions de rapporteur public. / Lorsque le fonctionnement du tribunal administratif l'exige, un premier conseiller ou conseiller qui exerce les fonctions de rapporteur public peut être rapporteur dans les affaires sur lesquelles il n'est pas ou n'a pas été appelé à conclure " ; qu'aux termes de l'article R. 222-24 du même code : " Tout rapporteur public absent ou empêché est suppléé de droit par un autre rapporteur public. / A défaut, et si le fonctionnement du tribunal ou de la cour l'exige, ses fonctions sont temporairement exercées par un conseiller ou un premier conseiller désigné par le président du tribunal ou de la cour " ;
3. Considérant qu'il ne ressort ni des visas du jugement attaqué, ni des pièces du dossier, que le président du tribunal administratif de Nantes aurait, après avoir constaté l'empêchement de M. Lesigne, rapporteur public de la 6ème chambre, et l'impossibilité d'assurer sa suppléance par un autre rapporteur public, fait usage des dispositions de l'article R. 222-24 du code de justice administrative en désignant Mme Céline Michel, conseiller-rapporteur, pour exercer, à l'occasion de l'audience du 17 avril 2014, les fonctions de rapporteur public ; que l'arrêté du vice-président du Conseil d'Etat du 17 juillet 2014 nommant cette dernière à compter du 25 août 2014 dans les fonctions de rapporteur public n'a pu avoir pour effet de l'habiliter à exercer ces fonctions à la date de l'audience en cause ; que le jugement rendu à ses conclusions est, dès lors, entaché d'irrégularité et doit, par suite, être annulé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à sa régularité ;
4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la SCCV Font de Sé devant le tribunal administratif de Nantes ;
Sur la responsabilité de la commune des Epesses :
5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-19 du code de l'urbanisme dans sa rédaction issue du décret n° 2007-18 du 5 janvier 2007 : " Doivent être précédés de la délivrance d'un permis d'aménager : / d) la création ou l'agrandissement d'un parc résidentiel de loisirs prévu au 1° de l'article R. 111-34 " ; que l'article R. 424-17 du même code applicable depuis le 1er octobre 2007 aux autorisations d'aménager encore en vigueur à cette date prévoit que : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans un délai de deux ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ... " ; qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 19 décembre 2008 : " Par dérogation aux dispositions figurant aux premier et troisième alinéas de l'article R. 424-17 et à l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme, le délai de validité des permis de construire, d'aménager ou de démolir et des décisions de non-opposition à une déclaration intervenus au plus tard le 31 décembre 2010 est porté à trois ans. / Cette disposition ne fait pas obstacle à la prorogation de ces autorisations dans les conditions définies aux articles R. 424-21 à R. 424-23 du même code. " ; et qu'aux termes de l'article 2 du même décret : " Le présent décret s'applique aux autorisations en cours de validité à la date de sa publication. Lorsque ces autorisations ont fait l'objet, avant cette date, d'une prorogation dans les conditions définies aux articles R. 424-21 à R. 424-23, le délai de validité résultant de cette prorogation est majoré d'un an. " ;
6. Considérant que l'autorisation d'aménager, délivrée le 19 février 2007 à la SCCV Font de Sé sur le fondement des dispositions des articles L. 443-1 et suivants du code de l'urbanisme alors applicables, dont le régime relève des dispositions de l'article R. 424-17 du même code, était encore en vigueur le 20 décembre 2008, date de publication du décret susvisé du 19 décembre 2008, et pouvait ainsi bénéficier du régime de caducité de trois ans institué par les dispositions précitées de ce décret ; qu'ainsi, l'autorisation d'aménager délivrée 19 février 2007 était valable au moins jusqu'au 19 février 2010 ; que, par suite, en refusant de délivrer le permis d'aménager modificatif sollicité par la requérante, au motif que l'autorisation initiale était devenue caduque le 19 février 2009 faute d'avoir reçu un commencement d'exécution, le maire de la commune des Epesses a entaché son arrêté du 15 juillet 2009 d'une erreur de droit ; que cette illégalité constitue une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;
Sur le lien de causalité et les préjudices :
7. Considérant qu'il est constant que l'autorisation d'aménager initiale a été délivrée le 19 février 2007 et que l'arrêté du 15 juillet 2009 refusant illégalement la délivrance d'un permis d'aménager modificatif à la société requérante a été retiré le 30 juin 2010, après avoir fait l'objet d'une suspension par une ordonnance du juge des référés du 20 novembre 2009 ; qu'il résulte de l'instruction que la SCCV Font de Sé a signé, d'une part, le 18 avril 2008, avec M.A..., ingénieur géomètre-expert, une convention de mission complète de " voirie et réseaux divers " (études, conception du projet technique et direction des travaux de viabilisation) et, d'autre part, le 17 juillet 2008, une convention d'ingénierie avec la société de géomètres-experts fonciers Maïore-Vrignon-Jouck, laquelle a réalisé des opérations de bornage le 4 juillet 2007 et les 28 mai et 25 août 2008 ; qu'il ressort des échanges de courrier produits au dossier, notamment de ceux des 8 septembre, 6 octobre et 6 novembre 2009 que la requérante a poursuivi ses démarches auprès des entreprises de maîtrise d'oeuvre après le 15 juillet 2009 et que les travaux d'installation de la desserte en eau potable ne devaient être réalisés par Vendée Eau qu'en janvier 2010 ; qu'il résulte, en outre, de l'instruction que le 11 février 2013, soit près de trois ans après le retrait de la décision illégale, seule une dizaine de chalets sur les quatre-vingt huit prévus avait été implantée sur le site du parc résidentiel de loisirs projeté, dont seulement deux sur les parcelles n° 91 et 93 ; qu'ainsi, la SCCV Font de Sé n'établit pas, contrairement à ce qu'elle soutient, que la décision illégale aurait provoqué un retard dans la mise en oeuvre et la réalisation de son projet de parc résidentiel de loisirs ; que, dans ces conditions, elle ne démontre ni l'existence d'un lien de causalité entre l'illégalité fautive que constitue l'arrêté du 15 juillet 2009, lequel ne concernait que des modifications mineures sur un périmètre restreint, et le préjudice global,y compris les frais d'avocat dont elle entend obtenir l'indemnisation, ni au demeurant la réalité des préjudices financiers qu'elle invoque ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée, que la SCCV Font de Sé n'est pas fondée à demander la condamnation de la commune des Epesses à lui verser la somme de 1 308 100 euros, majorée des intérêts et de leur capitalisation, en réparation des préjudices prétendument subis ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune des Epesses, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la SCCV Font de Sé au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCCV Font de Sé la somme de 3 500 euros que la commune des Epesses demande au titre des frais de même nature qu'elle a exposés ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 mai 2014 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SCCV Font de Sé devant le tribunal administratif de Nantes, le surplus des conclusions de sa requête devant la cour, et les conclusions présentées par la commune des Epesses au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCCV Font de Sé et à la commune des Epesses.
Délibéré après l'audience du 2 février 2016, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Millet, président-assesseur,
- M. François, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er mars 2016.
Le rapporteur,
J-F. MILLET
Le président,
A. PÉREZLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 14NT01948
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