Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 14 juin 2017, le préfet du Loiret demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 16 mai 2017 ;
2°) de rejeter la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Il soutient que :
la demande de regroupement familial déposée par M. C... ne répond pas aux exigences des dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car l'intéressé ne justifie pas, sur la période de référence d'un an à prendre en compte de ressources stables et celles de sa compagne sont, sur la même période, insuffisantes au regard de la composition de la famille ;
la décision contestée ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que M. C... ne vit pas avec ses enfants dont il n'établit pas qu'ils seraient, en outre, isolés ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2018, M. C..., représenté par Me E..., conclut au rejet du recours et à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le préfet du Loiret ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. A...'hirondel a été entendu au cours de l'audience publique.
1. Considérant que M. H...C..., né le 14 janvier 1978 et de nationalité ivoirienne, est titulaire d'une carte de résident de dix ans valable jusqu'au 29 septembre 2024 ; qu'il a contracté, le 16 juillet 2014, un pacte civil de solidarité (Pacs) avec Mme D...avec laquelle il a eu trois enfants nés en 2009, 2011 et 2016 ; qu'il est également le père d'un enfant, né en 2010 d'une autre relation, et qui réside avec eux ; que M. C...a déposé le 12 novembre 2014, auprès de l' Office Français de l'Immigration et de l'Intégration (OFII), une demande de regroupement familial au profit de ses deux enfants restés en Côte d'Ivoire et nés d'unions précédentes, en l'occurrence B...C..., née le 14 décembre 2003 et YohannC..., né le 20 décembre 2008 ; que, par une décision du 6 décembre 2016, le préfet du Loiret a refusé de lui accorder le regroupement familial ; que le préfet du Loiret relève appel du jugement du 16 mai 2017 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M.C..., cette décision et lui a enjoint d'admettre au séjour les enfants B...et Yohann dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. " ; que l'article L. 411-5 du même code dans sa rédaction alors applicable dispose que : " Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : / 1° Le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales et des allocations prévues à l'article L. 262-1 du code de l'action sociale et des familles, à l'article L. 815-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 351-9, L. 351-10 et L. 351-10-1 du code du travail. Les ressources doivent atteindre un montant qui tient compte de la taille de la famille du demandeur. Le décret en Conseil d'Etat prévu à l'article L. 441-1 fixe ce montant qui doit être au moins égal au salaire minimum de croissance mensuel et au plus égal à ce salaire majoré d'un cinquième (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 411-4 du même code : " Pour l'application du 1° de l'article L. 411-5, les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période. Ces ressources sont considérées comme suffisantes lorsqu'elles atteignent un montant équivalent à : / - cette moyenne pour une famille de deux ou trois personnes (...) ; que selon l'article R.421-4 de ce code : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : / (...) 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande, ainsi que le dernier avis d'imposition sur le revenu en sa possession, dès lors que sa durée de présence en France lui permet de produire un tel document, et sa dernière déclaration de revenus. La preuve des revenus non salariaux est établie par tous moyens ; (...) " ;
3. Considérant que le préfet du Loiret a refusé d'autoriser le regroupement familial sollicité par M. C...en faveur de ses deux enfants au motif que si le montant de ses ressources, calculé sur les douze mois précédant sa demande de regroupement familial, soit entre novembre 2013 et octobre 2014, était suffisant, il ne justifiait pas, en revanche, de ressources stables dès lors, d'une part, qu'elles provenaient de contrats courts en intérim et d'une prise en charge de pôle Emploi et, d'autre part, qu'il n'avait exercé aucune activité professionnelle pendant six mois (novembre et décembre 2013 puis en février, mars, avril et août 2014) ; que le préfet a également écarté les ressources de sa concubine, MmeD..., au motif que leur montant était insuffisant pour subvenir aux besoins d'une famille composée de huit personnes ;
4. Considérant que le décret n° 2015-1688 du 17 décembre 2015 a porté le montant du salaire minimum de croissance (SMIC) à 9,67 euros brut de l'heure en métropole, ce qui représente un SMIC net mensuel d'environ 1 142 euros et annuel d'environ 13 704 euros ; que contrairement à ce qu'a retenu le préfet, M. C... justifie avoir conclu, à compter de février 2014, un contrat à durée déterminé avec la société MDI en qualité de technicien câbleur réseau fibre optique ; qu'il a été rémunéré pour cet emploi à hauteur de 1 170,14 euros en juin, 801,67 euros en juillet, 1 086,56 euros en septembre et 763,87 euros en octobre, ce qui représente un salaire total net de 3 822,24 euros ; qu'il n'est pas contesté, par ailleurs, qu'il a perçu, pendant la période de référence, l'allocation d'aide au retour à l'emploi entre novembre 2013 et octobre 2014 pour un montant total net de 6 361 euros et a été recruté, en janvier, mai et juin 2014, en qualité d'intérimaire, ce qui lui a procuré des revenus pour un montant total net de 1 205,25 euros ; qu'ainsi, durant la période de référence, M. C... justifie de ressources annuelles nettes d'un montant de 11 388,49 euros ; que, durant la même période, sa concubine, Mme D..., qui est titulaire d'un contrat à durée indéterminé, a perçu un salaire annuel net de 14 123,61 euros ; que les ressources du demandeur et de son conjoint s'élèvent ainsi à la somme annuelle de 25 512,10 euros net, soit au-delà du salaire minimum net de croissance annuel majoré d'un cinquième pour tenir compte de la composition de la famille ; que la circonstance que M. C..., alors qu'il était titulaire depuis février 2014 d'un contrat à durée déterminé, n'ait perçu aucun salaire au mois d'août 2014 et que ses revenus soient variables d'un mois à l'autre n'est pas de nature à démontrer, pour l'application des dispositions des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'instabilité des ressources du demandeur, dès lors que la stabilité doit s'apprécier au regard des revenus perçus par ce dernier et sa compagne ;
5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Loiret n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé sa décision 6 décembre 2016 et lui a enjoint à faire droit à la demande de regroupement familial présentée par M. C... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement ;
Sur les frais liés au litige :
6. Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du préfet du Loiret est rejetée.
Article 2 : L'Etat versera à M. C...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. H...C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet du Loiret.
Délibéré après l'audience du 15 mai 2018, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- M. Degommier, président-assesseur,
- M.A...'hirondel, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2018.
Le rapporteur,
M. G...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°16NT02399