Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 septembre 2019, et des mémoires enregistrés le 14 décembre 2020 et le 12 mars 2021, la société Construction Générale Rennaise, représentée par Me D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 juillet 2019
2°) d'annuler les titres exécutoires émis à son encontre par la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire le 7 décembre 2016 sous les numéros 3139, 3140, 3141, 3142, 3143, 3144, 3145, 3146, 3147, 3148, 3149 et le 9 décembre 2016 sous les numéros 3269, 3270 et 3289, pour le recouvrement de redevances d'occupation du domaine public communal, d'un montant total de 154 077 euros ;
3°) de prononcer la décharge de la totalité de cette somme ;
4°) d'enjoindre à la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire de lui restituer la somme de 41 853,81 euros qu'elle lui a déjà versée en application des titres litigieux, dans un délai de 30 jours à compter de la notification du jugement à intervenir et ce, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ;
- les titres non signés sont irréguliers dès lors que les bordereaux n'ont pas été portés à la connaissance de la société ;
- les titres sont insuffisamment motivés ;
- le titre n°3970 reprenant le titre n°3270 a vu son montant modifié sans explication ;
- les titres sont fondés sur une délibération fixant le montant des redevances illégale ;
- les titres sont fondés sur des arrêtés qui ne distinguent pas les différents types d'occupation de la voierie.
Par un mémoire en défense enregistré le 20 novembre 2019 la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société CGR au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient qu'aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- les conclusions de M. Giraud, rapporteur public,
- et les observations de Me F..., substituant Me D..., représentant la société CGR, et les observations de Me E..., substituant Me C..., représentant la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Ouest, maître d'ouvrage de deux opérations de construction d'immeubles, le Clos Village et le Clos Martellière, sur le territoire de la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire, a confié à la société Construction Générale Rennaise (CGR), en 2011, l'exécution des lots de gros oeuvre de ces deux opérations. La société CGR, afin de pouvoir répondre aux nécessités de ses chantiers, a demandé au maire de Saint-Sébastien-sur-Loire de l'autoriser à occuper certaines parties du domaine public communal pour des durées comprises entre quelques heures et plusieurs mois. Le maire a délivré ces autorisations entre le 29 septembre 2011 et le 28 novembre 2012, sous la forme de dix arrêtés. Il a émis au cours de l'année 2012 quinze titres de recettes afin d'obtenir de la société le paiement des redevances d'occupation du domaine public dont elle était redevable, pour un montant total de 154 477 euros, en contrepartie des autorisations qui lui avaient été délivrées. Par un jugement du 11 octobre 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé l'ensemble de ces titres au motif que leur auteur n'était pas identifiable et a enjoint à la commune de restituer à la société CGR les sommes déjà versées sur le fondement de ces titres, à défaut pour la commune de ne pas avoir émis de nouveaux titres, passé le délai de deux mois à compter de la notification du jugement. Les 7 et 9 décembre 2016, la commune a émis treize nouveaux titres de recettes. La société CGR relève appel du jugement du 30 juillet 2019 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces titres ainsi que la décharge de l'obligation de payer les sommes ainsi mises à sa charge.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui- ci. ". Aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " 4° Une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable sous pli simple. (...) / En application de l'article 4 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. /Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. ". Aux termes de l'article D. 1617-23 du même code : " Les ordonnateurs des organismes publics, visés à l'article D. 1617-19, lorsqu'ils choisissent de transmettre aux comptables publics, par voie ou sur support électronique, les pièces nécessaires à l'exécution de leurs dépenses ou de leurs recettes, recourent à une procédure de transmission de données et de documents électroniques, dans les conditions fixées par un arrêté du ministre en charge du budget pris après avis de la Cour des comptes, garantissant la fiabilité de l'identification de l'ordonnateur émetteur, l'intégrité des flux de données et de documents relatifs aux actes mentionnés en annexe I du présent code et aux deux alinéas suivants du présent article, la sécurité et la confidentialité des échanges ainsi que la justification des transmissions opérées. / La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les mandats de dépense emporte certification du service fait des dépenses concernées et attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les dépenses concernées. / La signature manuscrite, ou électronique conformément aux modalités fixées par arrêté du ministre en charge du budget, du bordereau récapitulant les titres de recettes emporte attestation du caractère exécutoire des pièces justifiant les recettes concernées et rend exécutoires les titres de recettes qui y sont joints conformément aux dispositions des articles L. 252 A du livre des procédures fiscales et des articles R. 2342-4, R. 3342-8-1 et R. 4341-4 du présent code. ".
3. Il résulte de l'instruction que les bordereaux des titres exécutoires, émis le 29 janvier 2015, comportent le prénom, le nom, ainsi que la qualité de leur auteur, M. G... H..., premier maire-adjoint de Saint-Sébastien-sur-Loire. Par ailleurs, a été versée au dossier la " copie logiciel " du bordereau de titre, transmis au comptable public, sur laquelle figure la signature électronique de l'ordonnateur. La commune verse devant la cour le formulaire d'adhésion au protocole d'échange standard HELIOS qui permet de justifier qu'elle a adhéré à un système de certification électronique agréé. L'absence de communication de ces bordereaux à la société CGR est sans incidence sur la régularité des titres de recettes. Dès lors, le moyen tiré du caractère irrégulier des titres de recette émis ne saurait être accueilli.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique: " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions qu'une personne publique ne peut mettre en recouvrement une recette sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.
6. En l'espèce, les titres exécutoires attaqués mentionnent chacun l'annulation contentieuse des titres exécutoires précédemment émis et portent la référence des titres antérieurs auxquels ils se substituent, renvoyant ainsi aux arrêtés portant autorisation d'occupation du domaine public respectifs auxquels ils se rapportent, comportant eux-mêmes les dates, lieux et tarifs d'occupation. Dans ces conditions, les titres exécutoires attaqués doivent être regardés comme comportant une indication suffisante des bases de liquidation. La circonstance que le montant de la somme figurant sur le titre exécutoire n° 3270, diffère du montant figurant sur le titre n°3970 auquel il se substitue est sans incidence sur la légalité du titre dès lors qu'il résulte de l'instruction que la commune a rectifié le montant de la somme due et que la société débitrice avait connaissance par référence des bases de calcul et, partant, de la rectification du calcul du montant initialement erroné. Par suite, le moyen tiré de l'absence d'indication des bases de liquidation de la créance manque en fait et doit être écarté.
7. En troisième lieu, la société invoque, par la voie de l'exception, l'illégalité des délibérations des 20 décembre 2010, 19 décembre 2011 et 21 décembre 2012 par lesquelles le conseil municipal de Saint-Sébastien-sur-Loire a fixé les tarifs d'occupation du domaine public au titre respectivement des années 2011, 2012 et 2013. Aux termes de l'article L. 2125-3 du code général de la propriété des personnes publiques : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation. ".
8. La circonstance que les tarifs d'occupation du domaine public pratiqués par la ville de Nantes soient moindres sur certaines durées, de 6,80 à 12 euros le m2 par mois, n'implique pas, compte tenu, notamment de la modulation entre les tarifs en lien avec la durée d'occupation du domaine public dans la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire que ceux-ci soient entachés d'une erreur manifeste d'appréciation. Par ailleurs, aucune circonstance n'imposait à la commune d'aligner ses tarifs sur ceux de la commune de Nantes, ni de calculer ses tarifs en comparant nécessairement la valeur domaniale de ses terrains avec ceux d'une commune voisine. En outre, la référence aux dépenses interentreprises ne suffit pas à établir le caractère manifestement disproportionné du tarif des redevances domaniales pratiquées par la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire dès lors que ces dépenses recouvrent d'autres types de dépenses que les redevances domaniales. Il ne résulte pas de l'instruction que le montant total de la redevance d'occupation du domaine public due par la société requérante serait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, compte tenu du tarif de deux euros au mètre carré par jour d'occupation, ramené à cinq euros au mètre carré par semaine d'occupation, qui a été appliqué pour une occupation qui s'est échelonnée sur un an et demi et qui a permis à la société d'exécuter deux marchés de travaux d'un montant total de 3 050 000 euros.
9. Si les requérants soutiennent que la redevance réclamée pour l'occupation du domaine public doit être proportionnée aux avantages que l'occupation du domaine public procurait à la société et si la durée de l'occupation de la dépendance du domaine public pour laquelle la permission est délivrée constitue un des éléments de l'avantage spécifique procuré par cette jouissance privative du domaine public, cette exigence n'impliquait pas, en l'espèce, que les délibérations en litige auraient dû distinguer entre le dépôt de marchandises et le déchargement d'un camion, ces circonstances ayant, en tout état de cause, pour conséquence d'occuper le domaine public et de le rendre inutilisable pour les autres usagers. Par suite, le moyen tiré de l'illégalité par voie d'exception des délibérations citées précédemment, doit être écarté sans que la société puisse utilement se prévaloir de ce que, postérieurement, en 2014, la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire ait pris la décision de modifier en partie ses tarifs en matière d'occupation du domaine public.
10. Enfin, la société invoque, de nouveau par la voie de l'exception, l'illégalité des arrêtés n°2012 01 025 du 19 janvier 2012, n°2012 05 287 du 4 mai 2012, n°2012 05 303 du 11 mai 2012, n°2012 06 348 du 1er juin 2012, n°2012 11 721 du 23 novembre 2012 et n°2016 12 994 du 8 décembre 2016 par lesquels le maire de Saint-Sébastien-sur-Loire l'a autorisée à occuper le domaine public.
11. D'abord, il résulte de l'instruction qu'en l'absence de tarification spécifique à la mise en place d'un cloisonnement ou d'une base-vie et au déchargement ponctuel de matériel, rien ne s'oppose à ce que le maire fasse application de la tarification générale fixée par le conseil municipal à ce type d'occupation du domaine public. La circonstance qu'une tarification différenciée ait été mise en oeuvre à partir de 2014 n'entache pas d'illégalité les arrêtés précédents, dès lors qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait d'opérer des distinctions entre les catégories d'occupation. Pour les mêmes raisons, la société ne peut utilement faire valoir que pour certaines occupations, elle n'a pas occupé la voirie plus de 4 heures par jour, du lundi au vendredi, et ni pendant les périodes d'arrêts du chantier. La circonstance que les photographies produites par la commune ne correspondraient pas à l'occupation effective du domaine public par la société CGR est sans incidence sur la légalité des arrêtés en cause dès lors que la société ne conteste pas sérieusement avoir occupé le domaine public, notamment pour décharger du matériel de chantier.
12. Ensuite, les arrêtés litigieux, contrairement à ce que soutient la société requérante, visent la demande d'autorisation formulée par celle-ci et précisent en leur article 1er les dates, lieux et superficie des occupations autorisées et par suite le motif de celles-ci. La commune n'ayant pas choisi de distinguer les modes d'occupation du domaine public, la société CGR ne peut utilement soutenir que de telles précisions auraient dû figurer dans les arrêtés.
13. La circonstance que la délibération fixant la tarification pour l'année 2013 est postérieure aux arrêtés n°2012 11 721 et n°2012 11 744 autorisant une occupation du domaine public jusqu'au 4 mars 2013 est sans incidence sur leur légalité dans la mesure où les titres exécutoires correspondants n'ont été émis que postérieurement à la fixation de la tarification pour l'année 2013.
14. En quatrième lieu, l'arrêté n°2016 12 994 du 8 décembre 2016 a pour objet de déterminer les surfaces du domaine public réellement occupées par la société requérante du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2012. La société, en se bornant à alléguer que ces surfaces n'ont pas été établies, ne démontre pas que celui-ci serait entaché d'illégalité à ce titre.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société CGR n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, lequel est suffisamment motivé, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation des titres exécutoires émis n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société CGR doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les conclusions présentées à ce titre par la société CGR ne peuvent dès lors être accueillies.
18. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société CGR une somme de 1 500 euros qui sera versée à la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Construction Générale Rennaise est rejetée.
Article 2 : La société Construction Générale Rennaise versera à la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire, une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Construction Générale Rennaise et à la commune de Saint-Sébastien-sur-Loire.
Copie en sera adressée au directeur régional des finances publiques des Pays de la Loire.
Délibéré après l'audience du 16 mars 2021, à laquelle siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme B..., présidente-assesseur,
- M. A...'hirondel, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 avril 2021.
Le rapporteur,
H. B...
Le président,
A. PÉREZ
Le greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT03833