Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 janvier 2018, M. C...A..., représenté par Me B... demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 décembre 2017 ;
2°) d'annuler les décisions du 14 juin 2017 par lesquelles le préfet d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision et a décidé du pays de son renvoi en cas d'exécution forcée ;
3°) d'enjoindre au préfet d'Indre-et-Loire de lui délivrer une carte de séjour temporaire " vie privée et familiale " ou " étudiant ", dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- le préfet a méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il peut prétendre à une carte de séjour en qualité d'étudiant sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et au bénéfice des dispositions de l'article L. 311-11 de ce code ;
- sa situation présente un caractère exceptionnel au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3 de la convention de New York sur les droits de l'enfant ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 avril 2018, le préfet d'Indre-et-Loire conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A...ne sont pas fondés.
M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 19 février 2018.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 décembre 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Giraud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité libyenne, né en 1967, est entré régulièrement en France le 5 juin 2012 pour y suivre des études a obtenu une carte de séjour portant la mention " étudiant " renouvelée jusqu'au 16 novembre 2016. Le 14 novembre 2016, il a sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, d'une carte de séjour portant la mention " étudiant ". Par un arrêté du 16 janvier 2017, le préfet
d'Indre-et-Loire a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire à destination de la Libye. L'intéressé a contesté cet arrêté devant le tribunal administratif de céans qui, par un jugement du 24 mai 2017, en a prononcé l'annulation et a enjoint au préfet de réexaminer sa demande. Suite à ce réexamen, par l'arrêté contesté du 14 juin 2017, le préfet d'Indre-et-Loire a refusé de lui délivrer le titre sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé la Libye comme pays de renvoi en cas d'exécution forcée de sa décision. M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif d'Orléans du 21 décembre 2017 par lequel celui-ci a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 14 juin 2017.
Sur la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...) ".
3. M. A... se prévaut de sa présence en France avec son épouse depuis plus de cinq ans, de ce qu'ils s'y sont bien intégrés et que quatre de leur cinq enfants y sont scolarisés. Toutefois, il ressort des écritures de première instance du requérant que les époux A...ont des proches en Libye. Il n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale dans son pays d'origine, sa femme faisant elle aussi l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, ni que ses enfants ne pourraient y poursuivre leur scolarité. Ainsi, eu égard au caractère récent de son entrée en France, des conditions de son séjour sous couvert d'un titre étudiant, le refus de séjour contesté ne méconnaît pas les dispositions précitées du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans que le requérant puisse utilement se prévaloir de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 qui n'a pas de valeur réglementaire.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - La carte de séjour temporaire accordée à l'étranger qui établit qu'il suit en France un enseignement ou qu'il y fait des études et qui justifie qu'il dispose de moyens d'existence suffisants porte la mention "étudiant" (...). ". Aux termes de l'article R. 313-7 du même code : " Pour l'application du I de l'article L. 313-7, l'étranger qui demande la carte de séjour portant la mention "étudiant" doit présenter, outre les pièces mentionnées aux articles R. 311-2-2 et R. 313-1, les pièces suivantes : / 1° La justification qu'il dispose de moyens d'existence, correspondant au moins au montant de l'allocation d'entretien mensuelle de base versée, au titre de l'année universitaire écoulée, aux boursiers du Gouvernement français ; / 2° Un certificat d'immatriculation, d'inscription ou de préinscription dans un établissement public ou privé d'enseignement ou de formation initiale, ou une attestation d'inscription ou de préinscription dans un organisme de formation professionnelle au sens du titre II du livre IX du code du travail, ou bien une attestation justifiant qu'il est bénéficiaire d'un programme de coopération de l'Union européenne dans les domaines de l'éducation, de la formation et de la jeunesse. ".
5. Il est constant que M. A... n'a pas présenté, à l'appui de sa demande de titre, de certificat d'inscription dans un établissement d'enseignement pour l'année 2016/2017, le requérant indiquant effectuer des démarches afin de trouver un directeur de thèse. S'il soutient qu'il est en mesure d'assurer l'exercice d'un travail étudiant lui permettant de subvenir aux besoins de sa famille en complément d'une aide familiale envoyée depuis la Libye de la part des proches des époux, il ne justifie pas qu'il disposait, à la date de la décision contestée, de moyens d'existence stables pour lui et sa famille. Par suite, le préfet d'Indre-et-Loire n'a pas commis d'erreur de droit ni d'appréciation en refusant de délivrer au requérant une carte de séjour temporaire en qualité d'étudiant sur le fondement de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 311-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Une autorisation provisoire de séjour d'une durée de validité de douze mois, non renouvelable, est délivrée à l'étranger ayant obtenu, dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national, un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret et qui : / 1° Soit entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur. Pendant la durée de cette autorisation, son titulaire est autorisé à chercher et à exercer un emploi en relation avec sa formation et assorti d'une rémunération supérieure à un seuil fixé par décret et modulé, le cas échéant, selon le domaine professionnel concerné. (...) ". Le préfet d'Indre-et-Loire fait valoir, sans être contesté, que M. A... a informé les services de la préfecture qu'il renonçait à son projet de recherche d'emploi, préférant s'inscrire en doctorat. Le requérant, comme l'ont indiqué les premiers juges, n'est, par suite, pas fondé à soutenir que le préfet aurait dû lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement de ces dispositions.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / (...) ".
8. Le requérant fait valoir que la Libye est actuellement en guerre civile dans l'ensemble du pays, qu'il est particulièrement exposé, ainsi que sa famille, à des risques de persécutions du fait de leur appartenance à la tribu Touareg qui est considérée comme un ancien allié de Khadafi et méprisée en tant que telle par les deux factions qui se disputent le pouvoir dans le pays, que lui et ses proches ont pris parti contre Khadafi et ont fait l'objet de menaces de la part d'un groupuscule proche de l'ancien dirigeant, que ses deux frères ont été récemment tués en Libye et que la tribu Touareg est persécutée de manière spécifique dans le sud du pays du fait d'un conflit de territoire opposant cette tribu aux Toubous depuis deux ans. Cependant, ces considérations sont insuffisants pour établir qu'il court un risque pour sa sécurité en cas de retour dans son pays d'origine dès lors que le conflit est limité au sud de la Libye et que le requérant n'allègue pas ne pouvoir résider dans une autre partie de ce pays. Dans ces conditions, il n'apporte pas d'éléments suffisants pour établir que la situation en Libye justifie, en application des dispositions précitées de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, son admission au séjour au regard de considérations humanitaires ou de motifs exceptionnels.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire :
9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.
10. Ainsi qu'il a été dit au point 3, il ressort des pièces du dossier que le couple A...n'est pas dénué de toute attache familiale en Libye. La décision contestée n'a pas pour objet ni pour effet de séparer les enfants de leurs parents. M. A... n'établit pas être dans l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale dans son pays d'origine ni que ses enfants ne pourraient, même si c'est dans des conditions plus difficiles qu'en France, y poursuivre leur scolarité. Dès lors, le préfet n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue de laquelle la décision litigieuse a été prise ni méconnu l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
11. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines et traitements inhumains et dégradants ". Pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 8 et 10 ci-dessus, M. A..., qui ne démontre pas la réalité des risques personnels dont il pourrait faire l'objet en Lybie, n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée méconnaît les stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme dont M. A...sollicite le versement au profit de son conseil au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet d'Indre-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 13 novembre 2018, où siégeaient :
- M. Perez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. Giraud, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 décembre 2018.
Le rapporteur,
T. GIRAUDLe président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT00271