Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 mars 2019 et régularisée le 2 mai 2019, M. B... A..., M. G... A..., M. F... A... et M. D... A..., représentés par Me E..., demandent à la cour :
1°) de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 4 de la directive 2003/86/CE ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nantes du 27 décembre 2018 ;
3°) d'annuler la décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ;
4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de délivrer les visas sollicités dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de procéder au réexamen des demandes de visa ;
5°) de condamner l'Etat à verser à M. A... une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les dispositions de l'article L. 752-1 er R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'étaient pas applicables aux demandes de visas en litige ;
- les dispositions de l'article R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne sont conformes ni à l'article L. 752-1 du même code ni aux dispositions de la directive 2003/86/CE telle qu'interprétée par la CJUE dans son arrêt du 12 avril 2018 ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense enregistré le 9 juillet 2019, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. C... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant ivoirien né le 1er janvier 1961, s'est vu reconnaître la qualité de réfugié le 14 mars 2011. Le 23 janvier 2012, des demandes de visa ont été introduites pour ses enfants allégués Ben Youssouf A..., Ben Issa A... et Seydou A... respectivement nés les 15 février 1993, 30 octobre 1994 et 4 janvier 1995. Par décision du 2 janvier 2013, les autorités consulaires françaises à Abidjan (Côte d'Ivoire) ont rejeté ces demandes de visa. Saisie le 12 février 2013, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a implicitement rejeté le recours dirigé contre cette décision des autorités consulaires. Le 3 novembre 2015, les enfants Ben Youssouf A..., Ben Issa A... et Seydou A... ont déposé de nouvelles demandes de visa de long séjour, lesquelles ont été rejetées par une décision du 19 janvier 2016 des autorités consulaires françaises à Abidjan. Le recours formé par M. A... contre cette décision a été implicitement rejeté par la commission de recours contre les refus de visa d'entrée en France. M. A... et autres relèvent appel du jugement du 27 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, le ressortissant étranger qui s'est vu reconnaître la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre de la réunification familiale : / (...) 3° Par les enfants non mariés du couple, âgés au plus de dix-neuf ans (...) ". Aux termes de l'article R. 752-1 du même code : " La demande de réunification familiale est initiée par la demande de visa mentionnée au troisième alinéa du II de l'article L. 752-1 ; elle est déposée auprès de l'autorité diplomatique ou consulaire dans la circonscription de laquelle résident les membres de la famille du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ".
3. Les dispositions précitées de l'article L. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont, dès lors que la loi du 29 juillet 2015 n'a, en ce qui concerne leur entrée en vigueur, prévu ni délai particulier, ni disposition transitoire, devenues applicables le 31 juillet 2015, lendemain de leur publication au Journal officiel, à toute situation non juridiquement constituée au nombre desquelles figurent les instances en cours concernant les refus de visas sollicités sur le fondement du respect du principe de l'unité familiale du réfugié ou du protégé subsidiaire. Il résulte des termes mêmes de ces dernières dispositions que c'est la date de la demande de visa qui détermine la date à prendre en compte pour la demande de réunification.
4. Il résulte des écritures en défense du ministre de l'intérieur que, pour rejeter les demandes de visa litigieuses, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée sur la circonstance que les demandeurs étaient âgés de plus de dix-neuf ans à la date du dépôt des demandes de visa.
5. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que les demandes de visa des enfants Ben Youssouf A..., Ben Issa A... et Seydou A... ayant donné lieu à la décision litigieuse de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France ont été déposées le 3 novembre 2015. A cette date, ces derniers étaient âgés de plus de dix-neuf ans. Les requérants soutiennent que la date à prendre en compte par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France pour le dépôt de la demande de rapprochement familial aurait dû être le 2 janvier 2012, date à laquelle M. A... a déposé sa demande de rapprochement familial en faveur de ses fils. Toutefois, il est constant que, suite à l'introduction de cette procédure, des refus de visas avaient été opposés à ses enfants le 2 janvier 2013 par les autorités consulaires françaises à Abidjan. Le rejet par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France du recours dirigé contre ces refus, lequel n'a fait l'objet d'aucun recours contentieux, est devenu définitif. Si les requérants soutiennent que M. B... A... aurait introduit une nouvelle demande de réunification familiale en janvier 2014, la seule production du courrier du 16 janvier 2014 du bureau familles de réfugiés, lequel doit être regardé comme la réponse à une demande d'information, ne permet pas d'établir l'existence d'une telle demande. Dans ces conditions, la date à prendre en considération pour l'examen de sa nouvelle demande doit être celle du 3 novembre 2015. A cette date, les dispositions précitées des articles L. 752-1 et R. 752-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile étaient entrées en vigueur. Dans ces conditions, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a pu, sans commettre d'erreur de droit, rejeter les demandes de visa litigieuses pour le motif précédemment mentionné.
6. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la détermination du point de départ de la procédure de réunification familiale par la demande de visa, telle que prévue par les textes précités n'est pas moins favorable dans la détermination de l'âge des enfants des étrangers ayant la qualité de réfugiés que la procédure de regroupement familial dès lors que la demande de réunification familiale n'est précédée pour l'enfant de réfugié d'aucune autre formalité administrative que la demande de visa. Ainsi, le succès de la demande de réunification familiale dépend principalement de circonstances imputables au demandeur et non à l'administration. Par conséquent, le moyen tiré de ce que le refus du ministre reposerait sur des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile non conformes à la directive 2003/86/CE, notamment telle qu'interprétée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 12 avril 2018 n°C-550/16, doit être écarté.
7. En dernier lieu, la seule production de certificats de scolarité et de huit bordereaux d'envoi d'argent effectués par M. B... A... en 2009, 2011, 2013, 2014, 2015 et 2017 à raison d'au maximum deux par an en 2011 et 2017, ne permet pas d'établir que ce dernier aurait maintenu des liens avec ses enfants, devenus majeurs et dont il vit séparé depuis 2008. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la décision attaquée porte une atteinte disproportionnée à leur droit à mener une vie privée et familiale normale tel qu'il est garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté leur demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants, n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions de la requête à fin d'injonction doivent, dès lors, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que les requérants sollicitent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... A..., M. G... A..., M. F... A... et M. D... A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., M. G... A..., M. F... A... et M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2019, où siégeaient :
- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Brisson, président-assesseur,
- M. C..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2019.
Le rapporteur,
T. C...Le président,
A. PEREZ
Le greffier,
A. BRISSET
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 19NT01106