Résumé de la décision
Dans la décision n° 424931 du 15 avril 2019, le Conseil d'État a annulé une décision du ministre de l'Intérieur refusant à Mme D... la libération de ses liens d'allégeance envers la France. Mme D..., possédant les nationalités française, italienne et bahamienne, avait demandé une telle libération en raison de sa vie principalement à l'étranger. Le tribunal administratif de Nantes avait rejeté sa demande, mais le Conseil d'État a jugé que la décision du ministre était entachée d'une "erreur manifeste d'appréciation" en raison de l'absence de justifications suffisantes pour le refus.
Arguments pertinents
1. Erreur manifeste d'appréciation : Le Conseil d'État a conclu que le ministre n'avait pas fourni d'éléments démontrant des liens matériels ou moraux suffisants entre Mme D... et la France pour justifier le maintien de sa nationalité française. En effet, le rapport souligne que le ministre "n'apporte aucun élément de nature à démontrer que la requérante gère des biens immobiliers situés sur le territoire français".
2. Caractère illégal de la décision : La décision du 10 juillet 2015, confirmant le refus initial, a été jugée illégale, l'arrêt précisant que "le ministre de l'intérieur a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation".
3. Non-être de l'application de l'article 23-4 du code civil : Le Conseil d'État souligne que la décision du ministre ne s'appuie pas sur une perte effective et avérée de liens, tant matériels que moraux, avec la France, ce qui contredit le principe établi par le Code civil - Article 23-4, stipulant que la perte de nationalité doit être légitimement justifiée.
Interprétations et citations légales
- Code civil - Article 23-4 : Cet article stipule que "Perd la nationalité française le Français, même mineur, qui, ayant une nationalité étrangère, est autorisé, sur sa demande, par le Gouvernement français, à perdre la qualité de Français". Cette disposition légale est interprétée comme nécessitant une justification substantielle des liens ou des attaches à la France pour qu'une demande de libération soit refusée.
- Convention européenne des droits de l'homme : Les arguments de Mme D... fondés sur l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, relatif au respect de la vie privée et familiale, ont été soulevés. Bien que la cour n'ait pas eu à statuer directement sur ces points, cela souligne l'importance de la protection des droits individuels dans l'évaluation des affaires liées à la nationalité.
L'ensemble des arguments maintient que, pour qu'une décision administrative de refus de libération d'allégeance soit fondée, elle doit être clairement justifiée par des preuves tangibles des liens que le demandeur entretient avec l'État dont il souhaite se libérer. Le Conseil d'État a donc utilisé ces principes pour annuler la décision ministérielle, réaffirmant ainsi les droits des individus face aux décisions administratives.