Par une requête et des mémoires, enregistrés le 22 décembre 2017, le 27 septembre 2018 et le 28 septembre 2018, M.D..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 2 novembre 2017 ;
2°) d'annuler la décision contestée ;
3°) d'enjoindre au département de la Manche de régulariser la vente du bien, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge du département de la Manche une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la délibération de la commission permanente du département du 1er octobre 2013 étant illégale dès lors que, à la date à laquelle elle est intervenue, le délaissé de voirie avait fait l'objet d'une vente parfaite entre lui et le département, en application de l'article 1583 du code civil, la décision du 16 décembre 2016 rejetant sa demande est également illégale ;
- la décision du 16 décembre 2016 est entachée des mêmes illégalités que la délibération du 1er octobre 2013.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 31 août 2018 et le 24 septembre 2018, le département de la Manche, représenté par MeE..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. D...d'une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés ;
- subsidiairement, la demande de première instance n'était pas recevable dès lors, d'une part, que la décision contestée revêt un caractère confirmatif et, d'autre part, que le juge administratif n'est pas compétent pour apprécier le caractère parfait d'une vente d'un bien relevant du domaine privé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code civil ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de la voirie routière ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bougrine,
- et les conclusions de M. Derlange, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. D...a demandé au département de la Manche de renoncer à la conclusion au bénéfice de la communauté de communes de la Hague d'une convention d'occupation du domaine public portant sur un délaissé de voirie de la route départementale (RD) 901 E, situé sur les communes de Beaumont-Hague et de Gréville-Hague, dont il soutient être propriétaire du fait d'une vente parfaite intervenue le 9 novembre 2011 ou, au plus tard, le 6 avril 2012 et de procéder à la régularisation de cette cession. Par une décision du 16 décembre 2016, le président du conseil départemental de la Manche a opposé un refus à cette demande. M. D...relève appel du jugement du 2 novembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du président du conseil départemental de la Manche du 16 décembre 2016.
Sur la compétence du juge administratif :
2. La contestation par une personne privée de l'acte par lequel une personne morale de droit public ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne privée, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu'en soit la forme, dont l'objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n'affecte ni son périmètre ni sa consistance, ne met en cause que des rapports de droit privé et relève, à ce titre, de la compétence du juge judiciaire. En revanche, la juridiction administrative est compétente pour connaître de la contestation par l'intéressé de l'acte administratif par lequel une personne morale de droit public refuse d'engager avec lui une relation contractuelle ayant un tel objet.
3. Par une délibération du 14 octobre 2011, la commission permanente du conseil général de la Manche a prononcé le déclassement du délaissé de voirie de la RD 901 E en vue de son aliénation et a autorisé la signature de tous actes et documents en découlant. M. D...et la communauté de communes de La Hague, propriétaires riverains de ce délaissé, ont, en application de l'article L. 112-8 du code de la voirie routière, été mis en demeure, le 2 novembre 2011, de faire savoir s'ils renonçaient à leur droit de priorité sur cette parcelle. Le 9 novembre 2011, M. D...a fait connaître son souhait d'acquérir le délaissé de voirie puis, le 6 avril 2012, il a indiqué, après avoir relevé que la communauté de communes n'avait pas donné suite à la mise en demeure, être preneur de la totalité de la parcelle. La communauté de communes de La Hague a manifesté, par un courrier du 23 avril 2012, sa volonté d'acquérir également l'intégralité de la parcelle. Constatant que l'ancienne voie était de fait occupée par la communauté de communes de la Hague en vue de la construction d'un complexe hippique, la commission permanente du conseil départemental de la Manche a décidé, par une délibération du 1er octobre 2013, de renoncer à l'aliénation de la parcelle et de régulariser son occupation par la communauté de communes de La Hague par la conclusion d'une convention d'occupation précaire. Informé, par un courrier du président du conseil départemental du 22 juin 2016, que la convention envisagée n'était pas, à cette date, signée, M. D...a adressé au département une demande tendant à ce que celui-ci renonce à la signature de cette convention et formalise la vente parfaite, intervenue selon lui le 9 novembre 2011 ou, au plus tard, le 6 avril 2012.
4. Le présent litige porte sur le refus du département de la Manche d'aliéner une parcelle qu'il possède et dont, au surplus, il conteste l'appartenance à son domaine privé. Le juge administratif est ainsi compétent pour en connaître.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
5. Aux termes de l'article 1583 du code civil : " [la vente] est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix (...) ".
6. M. D...soutient que ses courriers du 9 novembre 2011 et du 6 avril 2012, par lesquels il a manifesté sa volonté d'acquérir l'intégralité de la parcelle ont eu pour effet de réaliser la vente à laquelle le département a consentie comme en témoignent, premièrement, le courrier qui lui a été adressé le 22 juin 2011, faisant notamment état des conditions financières de la vente et auquel était joint le courrier du département de la Manche du 28 octobre 2010, adressé au président de la communauté de communes de La Hague permettant de déterminer la consistance de la parcelle, deuxièmement, la délibération de la commission permanente du conseil général du 14 octobre 2011 et, troisièmement, la mise en demeure qui lui a été notifiée, sur le fondement de l'article L. 112-8 du code de la voirie routière, le 2 novembre 2011. Toutefois, le courrier du 22 juin 2011 se borne à informer son destinataire de ce que le département envisageait un déclassement du délaissé de voirie en vue de son aliénation, tout en précisant " à ce jour, ni la communauté de communes ni le département n'ont délibéré sur cette affaire et il convient effectivement de recueillir votre avis sur cette proposition de cession ". Si la délibération du 14 octobre 2011 décide, d'une part, le déclassement de la parcelle et, d'autre part, le principe de sa cession en rappelant le droit de priorité dont bénéficient les riverains, elle ne saurait être regardée comme autorisant la cession au profit de M. D...alors que, de surcroît, ni le prix ni les modalités de partage entre les propriétaires riverains ne sont précisés. Enfin, en adressant, le 2 novembre 2011, à M. D...et à la communauté de communes de la Hague une mise en demeure de faire connaître leur intention sur la parcelle considérée, ainsi qu'il y était tenu en application des dispositions de l'article L. 112-8 de la code de la voirie routière dès lors qu'il entendait aliéner son bien, le département de la Manche ne peut davantage être regardé comme ayant marqué son accord sur l'objet et le prix de la vente envisagée. Par suite, les courriers de M. D...du 9 novembre 2011 et du 6 avril 2012 ne sauraient avoir eu pour effet, en application des dispositions précitées de l'article 1583 du code civil, de parfaire la vente et de lui transférer la propriété du délaissé de voirie. Dès lors, le département pouvait légalement décider de conclure une convention d'occupation du domaine public portant sur la parcelle correspondant au délaissé de voierie.
7. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée à la demande de M. D...et tirée du caractère confirmatif de la décision contestée du 16 décembre 2016, que le requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
8. Les conclusions présentées par M. D...aux fins d'injonction et d'astreinte doivent, par voie de conséquence du rejet de ses conclusions principales, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du département de la Manche, lequel n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. D...et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge du requérant la somme de 1 500 euros au titre des frais de même nature supportés par le département de la Manche.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. D...est rejetée.
Article 2 : M. D...versera au département de la Manche la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...D...et au département de la Manche.
Délibéré après l'audience du 20 mai 2019, à laquelle siégeaient :
- Mme Brisson, président,
- M.A...'hirondel, premier conseiller,
- Mme Bougrine, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 7 juin 2019.
Le rapporteur,
K. BOUGRINE
Le président,
C. BRISSONLe greffier,
K. BOURON
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT04002